A la suite d'une fusillade dans la Zone Commune de Sécurité (Joint Security Area) séparant les deux Corée : deux soldats de l’armée nord-coréenne sont retrouvés morts. Cette affaire donne lieu a un incident diplomatique majeur entre les deux pays. Afin que la situation ne dégénère pas, une jeune enquêtrice suisse est chargée de mener les auditions des soldats qui étaient en poste... Elle se rend très vite compte que les divers témoignages rendent l’enquête complètement indémêlable… Que s’est-il vraiment passé, ce soir-là, entre les soldats des deux Corée, dans la Zone Commune de Sécurité ?
Voilà une histoire comme nous aimons les entendre et les regarder au cinéma, particulièrement en ces temps troublés entre Pandémie et Tension électorales outre-Atlantique. Celle, où des hommes comprennent qu’avant les considérations politiques qui opposent leurs deux pays, il y a d’abord une humanité qui doit prédominer. Troisième film de Park Chan Wook, celui qui lui offrira enfin la reconnaissance, alors que les deux précédents furent des échecs commerciaux. Film commandé par Myung Films, « JSA : Joint Security Area », adaptation du roman de Park Sang-Yeon : « DMZ », va devenir en quelques semaines, l’un des films emblématiques de « la nouvelle vague » des réalisateurs Sud-Coréens dont font également partie : Lee Chang-dong ( A Girl at my Door (2014)), Kim Ki-duk (Entre deux rives (2014)), Kim Jee-woon (J’ai Rencontré le Diable (2011)) et Bong Joon-Ho (Parasites (2019)). C’est d’ailleurs avec ce dernier que le réalisateur va travailler puisqu’il produira « Snowpiercer » en 2013.
D’ailleurs les points communs avec Bong Joon-Ho ne s’arrête pas là, puisque l’acteur fétiche du réalisateur de « Parasites » est présent dans « JSA ». Il est l’un des soldats témoins de ce qu’il s’est passé dans le poste de garde Nord-Coréen. Toujours aussi magnétique, le comédien apporte une humanité dans son personnage, une sorte d’empathie qui font que le spectateur aborde différemment l’histoire qui va se jouer autour de cette zone si particulière, point de passage entre les deux Corée. Face à lui, on retrouve Lee Byung-Hun que l’on peut découvrir actuellement en vidéo dans « L’Homme du Président » et qui en était, en 2000, à ses débuts. Déjà le comédien fait preuve d’une maitrise de jeu évidente et particulièrement lorsque son personnage, principal témoin, commence à dévoiler son histoire et que l’on perçoit toute la tension autour de ce qu’il va révéler.
La force de ce film vient principalement d’une mise en scène et d’un scénario qui ont su intégrer toute la complexité du sujet et particulièrement la tension qui règne entre les deux pays, dont le contexte historique, au moment du tournage, est l’arrivée au pouvoir de Kim Jong Il, qui doit relever son pays après une famine qui a fait plusieurs millions de mort et ne cesse de provoquer sa sœur du Sud et le reste du monde en affichant un programme nucléaire agressif. Symbole de cette tension dans le film, cette zone de passage entre les deux pays, où l’on annonce que les visiteurs côté Sud ne doivent pas croiser le regard des soldats du Nord. Alors lorsqu’une casquette s’envole et atterrit côté Nord, la tension devient palpable. Le film va constamment, à l’image des deux pays, jouer des absurdités, ces toussements pour empêcher l’un des témoins de parler, les interventions hiérarchiques, et surtout cette poésie et cette humanité qui tentent chaque fois une percée pour exposer l’espoir qu’un jour le pays ne fasse plus qu’un et que la paix et la démocratie règne enfin dans chaque brin d’herbe de cette terre meurtrie, où des gens parlant la même langue et parfois ayant vécus dans le Nord ne peuvent même pas se regarder ou se parler sans déclencher un incident diplomatique.
Film majeur et précieux dans ce cinéma Sud-Coréen qui ne cesse de nous prouver à chaque sortie toutes ses qualités, « JSA : Joint Security Area », est une œuvre magistralement réalisée par Park Chan-Wook qui vient poser un regard sans concession sur l’absurdité de cette division entre les deux parties de son pays et plus que tout délivre un message humaniste et plein d’espoir.