A peine libéré de prison, un truand monte un fabuleux hold-up avec l'aide d'un gangster évadé et d'un ancien policier alcoolique. Le coup réussit. Le receleur, effrayé par l'importance du butin, leur recommande de s'adresser à un spécialiste. Ce dernier n'est autre que le commissaire chargé de l'enquête.
Voici un film que l’on pourrait placer dans la catégorie des œuvres crépusculaires. D’abord parce qu’il est marqué par l’ombre de la mort de Bourvil. Ensuite parce qu’il s’avère, également, être l’avant dernier film de son réalisateur Jean Pierre Melville. Avant dernier mais certainement son œuvre la plus aboutie et la plus profonde également. Car Melville qui s’était éloigné du polar le temps d’une parenthèse historique pour aller explorer l’humain au cœur de la résistance, revient à son genre de prédilection, avec une maitrise remarquable de ses personnages. Chacun d’entre eux se révèle petit à petit dans ses grandes fêlures. Le réalisateur qui signe également le scénario a bien compris qu’il fallait sortir de la caricature habituelle du genre, à cette époque avec des truands monolithiques et des flics, au demeurant distants et énigmatiques. Dans « Le Cercle Rouge » chacun des héros se démarque par une profondeur humaine sombre et conduisant inévitablement soit à la rédemption soit à l’enfer.
Et c’est bien toute la grandeur de ce film, que de peindre une galerie de personnages plongés dans des situations qui les poussent et les unissent les uns les autres. Fort d’une écriture impeccable et sans concession, Melville se livre à une mise en scène qui va multiplier les mouvements de caméras sobres mais efficaces pour mieux imprégner le spectateur et ainsi le plonger dans une intrigue qui va se jouer par le biais des conséquences entre chacun des protagonistes. Et si le film est autant marqué par la mort, que ce soit celle de Bourvil (La Grande Vadrouille) qui disparaitra quelques mois plus tard ou par celle de Melville, qui ne se remettra pas de l’échec de son film suivant : « un Flic » (1972), c’est qu’il pose toute la force de sa mise en scène sur des personnages Taiseux, en lutte permanente avec leurs propres démons et qu’il réduit à une ligne fine la frontière entre les policiers et les truands. A l’instar de Jansen, magnifiquement interprété par Yves Montand (Jean de Florette), flic désabusé qui lutte contre l’alcoolisme, perdu dans les nimbes de son addiction, va vendre son âme au diable.
Evidemment, hormis la qualité de l’interprétation de la majorité de la distribution, à une exception près, pour Alain Delon (Un Flic) qui ne brille pas par une nuance de jeu exceptionnelle. Le film permet à Jean Pierre Melville, de mettre en avant les qualités de tragédien d’un acteur plus souvent cantonné à la comédie : Bourvil. Et même si l’acteur s’était déjà essayé à des rôles plus sombres comme celui de Thénardier dans « Les Misérables » de Jean Paul Le Chanois (1957) ou encore dans « L’Arbre de Noël » de Terence Young (1969), jamais le comédien ne s’était révélé si profond dans un personnage taciturne, aux ambitions obscures. Bourvil, capte l’écran et parvient à faire oublier sa filmographie incroyablement fournie de personnages drôles et tendre.
En conclusion, « Le Cercle Rouge » peut se voir comme un film crépusculaire, mais il est avant tout une œuvre majeure qui porte à son plus haut niveau l’art de son réalisateur, que ce soit dans l’écriture de son scénario ou dans sa réalisation. Melville transcende le genre du polar et offre sa plus belle prestation à Bourvil, au point que le « Cercle Rouge » sera longtemps considéré comme son dernier film.