Emmanuelle est une jeune femme qui vit de manière très libérée avec son mari Jean. Lors du voyage qui la conduit à Bangkok pour rejoindre son époux, Emmanuelle rencontre deux hommes dans l'avion et s'octroie quelques plaisirs fugaces. Durant son séjour, elle fait la connaissance de deux jeunes filles, Marie-Ange et Bee, avec qui elle a une aventure. Jean, quant à lui, décide de pousser Emmanuelle dans les bras d'un sexagénaire pervers...
Alors là pour le coup, s’il y a bien un film au destin particulier dans la production cinématographique française c’est bien « Emmanuelle ». 17ème dans le classement des films français ayant fait le plus grand nombre d’entrées, avec ses presque 9 Millions d’entrées, le film de Just Jaeckin détient le record de la plus longue présence à l’affiche en France, puisqu’un cinéma des Champs Elysées le projeta pendant plus de dix ans. Il faut dire qu’en cette année 1974, post soixante huitarde, le film va petit à petit gagner le rang de film culte, au point d’être intégré dans le programme des Tour Operator. On va voir Le Louvre, les Champs-Elysées et ... « Emmanuelle ».
Ce film érotique, adaptation d’un Best-Seller énigmatique d’Emmanuelle Arsan (Enigmatique car une rumeur persistante imputerait la rédaction au mari d’Emmanuelle Arsan) est celui des premières fois : Première production pour Yves Rousset-Rouard (Le père Noel est une ordure), première réalisation pour le Photographe Just Jaeckin (Gwendoline) qui se spécialisera d’ailleurs dans les films érotiques, et puis premier rôle pour l’actrice Sylvia Kristel (Mata-Hari). Un film au tournage chaotique, aux multiples obstacles : L’interdiction de tourner un film érotique en Thaïlande, l’actrice principale qui ne parlait pas (ou très peu) Français, ou encore une scène où deux actrices se baignent nues, mais qui fut tournée à côté d’un temple bouddhiste (On voit d’ailleurs les moines passer en arrière-plan !) provoquant la colère des autorités, etc. qui devint en quelques semaines, un cas d’école, un phénomène à part entière. Un succès que l’on doit surtout au charisme indéniable de l’actrice qui traverse le film avec sa silhouette longiligne, son regard persan et son évidente sensualité. Le réalisateur sait donner un sens à l’érotisme pour le rendre beau, artistique, pas seulement un objet de désir.
Mais est ce que cela suffit à en faire un chef d’œuvre ? En fait non. Le film en est très loin d'être une réussite et encore moins un chef d'œuvre, car même si le réalisateur parvient à styliser un certain nombre de ses scènes, à l’instar d’un David Hamilton dans « Bilitis » en 1977, il ne parvient pas à cacher les soucis techniques (Le film était tourné en quasi-clandestinité et monté à Paris, sans possibilité de reshooting), et encore moins le scénario quasiment vide d’intérêt, qui ne sert que de prétexte, comme pour les films pornographiques, pour annoncer une scène érotique. Avec un discours et une mise en scène que l’on aurait du mal à voir maintenant sans entendre, à juste titre ou non, les ligues de défense hurler à l’ignominie : La femme est réduite à l’objet de désir, quel que soit son âge et est la seule à apparaitre nue à l’écran, alors que tous les représentants de la gente masculine, bénéficient d’une pudeur surprenante, et s’autorisent l’amour forcé. « Emmanuelle » s'il s'inscrit dans son époque, n'en demeure pas moins un film bancale sur trop de points pour susciter la passion. Autre époque, autre vision, dont on découvre en ce moment tous les ravages.
Le film « Emmanuelle » ne vaut que par la qualité, parfois sur stylisée, comme dans la scène où Emmanuelle est au téléphone avec son mari et qu’elle prend une pause que personne ne prendrait en temps normal. Mais au bout de quelques minutes de visionnage, le film pêche très rapidement par la pauvreté de ses dialogues, de son intrigue et surtout par le jeu approximatif de ses acteurs. Ajoutez à cela une post synchronisation désastreuse, pour l’actrice principale avec des dialogues mal calés (Il n’est pas rare de voir l’actrice continuer à bouger les lèvres alors que la phrase est finie !), mais également pour des dialogues très poussés en avant déclamés comme des chuchotements.
On l’aura vite compris, « Emmanuelle » est, certes, un cas d’école, il fut à l’origine d’une série hallucinante de suites et autres séries et dérivés de moins bonne composition, mais il n’en demeure pas moins un film qui ne peut cacher l‘absence de moyens (Il fut fabriqué avec l’équivalent du budget d’une pub) et certainement du manque d’expérience de son équipe. Car, si les plans érotiques, sont, pour la plupart très réussis, dans l’ensemble le film est mal monté, mal synchronisé et surtout dépourvu d’un véritable scénario et de dialogues réjouissants. Difficile de masquer son ennuie. Au moins pourrons nous profiter des paysages Thaïlandais qui fourmillent dans le film.