Journal intime d'un personnage qui se promène en Vespa dans Rome, puis va retrouver un ami sur les îles Eoliennes et enfin se fait soigner par plusieurs médecins qui ont tous un diagnostic différent...
Le cinéma de Nanni Moretti, c’est avant tout un focus sur des tranches de vies, la façon dont le réalisateur perçoit le monde et comment il le restitue. En 1993, le réalisateur signe « Journal Intime », une œuvre parfois désarmante, qui n’est pas sans rappeler les grandes heures des comédies Italiennes des années 50-60, où les personnages bougent et parlent beaucoup et où parfois certaines scènes sont étrangement placées, comme pour donner une idée de transition. Dans « Journal Intime » Moretti traverse Romme en Vespa, puis s’en va vers les Iles Eoliennes retrouver un ami et se retrouvent confrontés à des médecins impuissants à soigner son mal.
Tourné sur un coup de tête, alors que le réalisateur souhaite, au contraire, faire un film sur un psychanalyste habitant les Iles Eoliennes « Journal Intime » était, en premier lieu un court métrage que Nanni Moretti avait tourné lors de ses visites de Rome en Vespa. Mais à mesure que d’autres personnes furent impliquées, le court métrage devint long et permit au réalisateur de parler sous le ton du burlesque (Pas forcément la meilleure partie du film) de régler ses comptes avec les médecins. En effet, le réalisateur se sert de la dernière partie de son film, pour parler des médecins et les tourner en ridicule. Mais limiter, « Journal Intime » à cette simple dernière partie serait une offense faite à la poésie qui se dégage de ce film, où chaque plan est vu comme une représentation de la vie à l’Italienne, bouillonnante, lumineuse, parfois ridicule et parfois décousue qui décontenance ou qui fascine. Rome y apparait sous toutes ses facettes et l’homme au milieu de cette capitale européenne cherche à comprendre l’évolution de la vie et fait résonner chaque plan de son film, comme une page de son propre journal intime, de sa propre existence. De sa fascination pour Jennifer Beals à celle pour Pier Paolo Pasolini, allant jusqu’à l’endroit où le réalisateur de « Salo ou les 120 Jours de Sodome » fut assassiné en 1975.
Si le réalisateur est présent quasiment de chaque plan, ce n’est pas une question den nombrilisme ou d’une autre envie de se faire mousser, mais plutôt un point central sur lequel le spectateur peut se poser pour déambuler dans les différents plans du film et se plonger ainsi dans les divagations d’un esprit qui voit sa ville se transformer, qui s’interroge sur la manière dont il perçoit ces changements, mais également sur la façon dont ses compatriotes les perçoivent également. Je parlai de poésie un peu plus haut, elle apparait dans toute sa splendeur, lorsque le réalisateur et son chef opérateur s’arrête sur des façades d’immeubles, sur une vue plongeant de quartier de la ville, ou lorsqu’il nous emmène dans les iles Eoliennes au large de la Sicile. Des décors naturels magnifiques, somptueux et qui viennent à eux seuls illustrer la particularité de cette société italienne. Des rues calmes et parfois hors du temps, mais avec des habitants bruyants de mots et de gestes. Tout au long de son périple, Moretti parle de ce qu’il aime, ce qui le marque : Sa ville, le cinéma, les critiques parfois acerbes qui ne comprennent pas le sens d’une œuvre ou vont au contraire en idolâtrer une, alors qu’elle n’arrive pas aux chevilles de la majorité, et bien sûr ces médecins qui peuvent (Nous en avons la preuve actuellement avec la crise sanitaire !) se contredire en permanence et plonger le patient dans la plus grande des errances.
En conclusion, « Journal Intime » est une œuvre remarquable de poésie qui peut passionner ou rebuter. Une œuvre simple et sans fioriture qui parle de ce que peut ressentir son auteur, de son parcours et de son regard alors qu’il vient d’avoir quarante ans et qu’il fut guéri d’un cancer. Le réalisateur qui a écrit, réalisé et produit « Journal Intime » nous invite à partager sa réflexion sur ce monde qui le voit évoluer, sur l’amour qu’i porte à ses passions et sur les questionnements qui le taraudent. Un film intime autant que poétique.