Dans l'Amérique raciste des années 1950, Atticus Black, un jeune homme de 25 ans, embarque avec son amie Letitia et son oncle George dans un road trip à la recherche de son père disparu. Sur la route, ils rencontrent des monstres fantastiques, ainsi que des monstres bien réels...
Adaptation du roman Eponyme de Matt Ruff, « Lovecraft Country » est une suite logique dans la carrière de Jordan Peele, le réalisateur de « Get Out ». Car l’auteur du roman s’est amusé à inverser la tendance d’un auteur majeur dans l’univers de l’horreur. H. P. Lovecraft, fut évidemment un auteur qui influence une multitude d’artistes à travers le monde, que ce soit dans la peinture, la littérature ou le cinéma, mais il est aussi réputé pour sa xénophobie patentée. L’auteur de « Cthulu » ne masqua jamais son aversion pour les Juifs mais également et surtout pour les Noirs, dont les mots sont d’une cruauté révoltante. L’auteur Matt Ruff a décidé d’inverser la tendance en mettant au cœur de son intrigue des personnages afro-américains qui doivent lutter pour leur survie dans une société du Sud des Etats-Unis dominée par les idées suprématistes. Nos héros vont se retrouver au cœur d’un combat entre la magie et l’horreur des créatures créées par une sorte de secte en recherche d’immortalité qui a besoin d’un sacrifice, et tant qu’à faire d’un homme noir pour atteindre son obscur objectif.
Jordan Peel et sa co-scénariste Misha Green, qui fut déjà l’œuvre sur une série comme « Spartacus », ont donc trouvé matière à signer une série de très grande qualité, au scénario solide, qui nous entraine dans l’horreur absurde de la ségrégation. Cette haine tenace que les blancs des Etats du Sud des Etats Unis peuvent avoir des Afro-américains descendant de l’esclavage et victimes permanentes des assauts de blancs assoiffés de haines. Métaphoriquement parlant, la série fait dans la symbolique Lovecraftienne, mais à l’inverse. Ici les monstres ne sont pas issus des populations noires mais de la haine des blancs. A l’instar de l’épisode pilote où des policiers blancs bien décidés à tuer les héros vont se retrouver dans une bien mauvaise posture dans ce qui sera l’incarnation de leur haine. A mesure que le scénario va avancer, il va plonger le spectateur, non pas dans les champs de coton, mais dans la société qui suivit l’abolition de l’esclavage, fin XIXème, début XXème. Ah tiens la période d’écriture d’H.P. Lovecraft !
Nous l’aurons bien compris, si la série fonctionne, c’est évidemment parce qu’elle inverse les genres, mais également parce qu’elle a l’intelligence de puiser dans l’univers de cet auteur majeur, qui, malgré ses idées xénophobes fut des plus important après Edgar Alan Poe, dont il s’inspira. L’univers fantastique cinématographique fourmille de référence à Lovecraft, la série, elle s’inspire également de références cinématographiques qui peuvent faire écho à l’œuvre de Lovecraft : « Amytiville » de Stuart Rosenberg (1979), « Shining » (1980) et « Eyes Wide Shut » (1999) de Stanley Kubrick, ou encore « Poltergeist » de Tobe Hooper (1982), mais plus étonnant, également : « Indiana Jones » de Spieblerg (1981) et « Les Goonies » de Richard Donner (1985). Cela donne une œuvre à la fois sombre et parfois légère, qui n’hésite à parler des sujets qui font ressentir la douleur, de cette question que l’on aimerait ne plus avoir à se poser : Celle de la différence. Mais de quelle différence parle-t-on, au final ? C’est une question que se pose en constance la série et sa mise en scène d’accentuer l’affiliation totale des êtres humains à une seule et même origine.
Palpitante, troublante et résolument efficace, « Lovecraft Country » est une série incroyablement inventive, qui puise dans l’œuvre de H.P. Lovecraft, et en inverse le sens caché pour mieux servir une intrigue qui nous plonge au cœur de l’horreur de la ségrégation dans ses pires instincts. La mise en scène y est soignée, chaque épisode nous entraine dans cette lutte contre la haine et l’exclusion. Un véritable bijou d’horreur et d’intelligence.