Riche, beau et célèbre, Jerry Maguire, agent des stars du sport americain, l'est. Mais sa vie mondaine et factice lui pèse, et une nuit il se remet en question dans une note qu'il rédige, où il tente de définir le sens qu'il voudrait donner à sa vie. Cette note va provoquer son licenciement et tous ses amis vont le trahir. Seule Dorothy, son assistante, et Rod, un footballeur facétieux, vont lui rester fidèles.
Cameron Crowe est un réalisateur au destin atypique. D’abord parce qu’avant d’être réalisateur, il s’était fait remarquer en se faisant embaucher par le magazine « Rolling Stones » pour suivre et interviewé des stars comme David Bowie, Bob Dylan et autres Led Zeppelin. Un destin qu’il racontera en 2000 dans son film « Presque célèbre ». Une carrière qui s‘est ensuite tournée vers le cinéma, avec deux premiers films qui avaient retenue l’attention des critiques et du public : « Un monde pour nous » (1989), puis « Singles » (1992). Mais c’est seulement en 1996 que la carrière de Cameron Crowe va faire un bond vertigineux en s’octroyant les services de la star Tom Cruise (Top Gun) dans un film qui raconte le destin tourmenté d’un agent sportif : « Jerry Maguire ».
Et comme le réalisateur le fera très bien une nouvelle fois, 5 années plus tard, il va permettre à Tom Cruise de ne pas venir cannibaliser le film. Il va faire aller chercher le meilleur de ce qu’il peut faire au fond de lui et d’ainsi livrer une prestation plus en nuance que ce qu’il fait d’habitude. Particulièrement lorsqu’il s’agit d’aller exprimer le doute et l’émotion face à des situations complexes. Pour une fois le personnage incarné par Tom Cruise n’est pas un gagnant, un héros tout terrain, mais plutôt un personnage cynique et sans scrupules, dirigé par l’argent et avide de son pouvoir qui ne cesse de grandir.
Et c’est en cela que le scénario signé du réalisateur lui-même est intelligent. Car il va prendre le spectateur à son propre jeu. En voyant Jerry Maguire virevolter, serrer des mains, fort d’une assurance implacable, il le prend pour un héros, un vrai, comme les Etats-Unis aiment les vendre. Seulement voilà, la réussite et le pouvoir commence à se craqueler lorsque le masque tombe et que les sportifs dont s’occupe Maguire commencent à montrer des signes physiques de faiblesses et que l’agent ne fait preuve d’aucune compréhension, les résultats et l’image sont les seuls à avoir intérêt à son sens., car ce sont eux qui génèreront les profits. Et c’est le regard d’un enfant qui va commencer à faire caquer le vernis. Comme à son habitude Crowe prend son temps pour raconter son histoire. La mise en place peut s’avérer un peu longue, mais cela permet au réalisateur de mieux planter le personnage.
Et c’est dans sa mise en scène que le réalisateur va donner tout son sens à son propos. Car elle vient en total décalage avec la manière dont le réalisateur va raconter son histoire. Dynamique, proche de son personnage principal survolté, elle va utiliser beaucoup de plans serrés pour mieux s’attarder sur les personnages plutôt que le sport ou sur les éléments extérieurs qui vont venir interférer dans les affaires et dans l’existence de son héros. A commencer par cette guerre nourrie que vont se déclarer Maguire et son concurrent Bob Sugar (Jay Mohr). Jamais en défaut, la mise en scène de Cameron Crowe est précise et le placement de caméra sert à nourrir le propos pour mieux imprégner le spectateur. Le rythme s’adapte aux différentes phases de narrations : La carrière au beau fixe de Jerry Maguire, avec une caméra très mobile et un éclairage lumineux. Lorsque les affaires vont tourner mal, ce sont les perspectives qui vont noyer le personnage dans l’espace et le rendre plus petit, plus insignifiant, avec des couleurs beaucoup plus sombres. Enfin lorsque le réalisateur s’intéresse à la romance naissante entre son héros et son assistante Dorothy Boyd (Renée Zellweger), la caméra se fait plus statique et les couleurs plus chaudes.
Enfin, outre la star Tom Cruise, c’est évidemment les deux co-stars qui viennent illuminer ce film, à commencer par Cuba Gooding Jr (Boyz’n the Hood) qui vient dynamiter radicalement le film par une prestation faussement extravertie. Dans le rôle de ce footballer qui ne demande qu’une chose : Que l’on reconnaisse son talent et que l’on parle de lui, le comédien va se révéler particulièrement impressionnant de maitrise et de subtilité. Une prestation qui lui vaudra l’oscar du meilleur second rôle en 1997. Quant à Renée Zellweger (Empire Records) après des débuts de carrière un peu discrets, malgré de petites pépites, comme « Empire Records » en 1995, la comédienne, qui n’a pas encore cédé à ses tics de jeux, livre une prestation simple mais touchante.