Un officier de police, Takabe, enquête sur une série de meurtres dont les victimes sont retrouvées avec une croix gravée dans le cou. Un jour, un jeune vagabond est arrêté près de l'endroit ou a été retrouvé le dernier corps. Il est vite identifié comme un ancien étudiant en psychologie, devenu fou et ayant d'inquiétants pouvoirs hypnotiques, lui permettant de pousser des gens à commettre des actes criminels...
Dans les années 90, des personnages sombres venus des Etats-Unis, ont marqué le cinéma par l’intrusion psychologique qu’ils exerçaient sur les enquêteurs auxquels ils étaient confrontés : Hannibal Lecter dans le « Silence des Agneaux » de Jonathan Demme (1991) ou encore John Doe dans « Seven » de David Fincher. Au Japon ce cinéma ne resta pas sans écho et une nouvelle génération très inspirée de ce style mais également d’œuvres marquées des années 70. Associant la culture dleur pays et ces influences venues de l’Occident, ces nouveaux réalisateurs vont être la figure de proue de la renaissance du cinéma Japonais, qui va ainsi laisser de côté ses inspirations historiques ou sociétales pour aller vers des œuvres plus universelles, destinées à un plus large public. Nous pouvons bien évidemment citer Hidéo Nakata avec « Ring » (1998) qui terrorisa des millions de spectateurs à travers le monde et puis Kiyoshi Kurosawa.
Ce dernier, moins connu par nos frontières n’en demeure pas moins l’un des plus prolifiques, puisqu’il aura réalisé pas moins de 20 films depuis le début de sa carrière et c’est justement « Cure », réalisé en 1997 et sorti chez nous en 1999, après une tournée des festivals remarquée, qui le révèlera au public international. D’abord parce que contrairement à Nakata, Kurosawa (Qui n’a aucun lien de parenté avec Akira Kurosawa), ne fait pas dans le film d’horreur classique, il mêle la culture très présente au Japon du fantôme et y insère quelques touches des peurs de sa société très marquée par la destruction massive pour ensuite y tisser une histoire solide et toute en différents niveaux. Dans « Cure » par exemple, nous suivons l’enquête de Takabe (Koji Yakusho) et dans le même temps le parcours de ce personnage étrange qui hypnose les gens qu’ils rencontrent et le force à commettre un crime odieux. Si l’on gratte un petit peu ces deux personnages, on très rapidement y découvrir une métaphore du fantôme venu porter la destruction et la mort face à celui qui tente de la préserver. Des thèmes fort au Japon.
Kiyoshi Kurosawa, qui a écrit également le scénario, puise dans sa culture et dans ses influences toute la matière pour offrir un film à la structure solide et à l’intrigue passionnante. Avec une mise en scène qui tourne dans un Tokyo fantomatique, vidé de sa population pourtant si fourmillante, avec des bâtiments dont les perspectives noient les personnages ou au contraire le sortent d’une temporalité, qui pourrait servir de point de repère au spectateur, le réalisateur va nous plonger dans une enquête où les protagonistes vont être manipulés ou vont tenter de se manipuler les uns et les autres. Chacun ayant un destin fait de souffrance et de douleur, à l’instar de Takabe dont la femme souffre d’un mal qu’il a bien du mal à contenir. Sa rencontre avec Kunihiko Mamiya (Masato Hagiwara) va devenir le point de départ d’une sorte d’exutoire de sa colère et de sa peine. L’inspecteur va se lancer dans sa quête de vérité comme une obsession, mais ne pourra cacher une certaine fascination pour son suspect, qui va tenter de le manipuler.
A la manière des réalisateurs américains marquants des 3 décennies précédentes, Kiyoshi Kurosawa signe une mise en scène toute en technicité où se mêle parfois el théâtre comme l’interrogatoire de l’instituteur qui n’est pas sans rappeler le Kabuki, avec ses codes et son style épique. Le maquillage en moins, la mise en scène du réalisateur semble se poser sur une scène et donner libre court à la tragédie des personnages. Kurosawa se démarque par une technicité évidente et une assimilation des peurs de son pays, de son histoire qui lui permet de ciseler ses œuvres. Reconnus comme un réalisateur écrivant vite et tournant tout aussi rapidement, Kurosawa n’en demeure pas moins un réalisateur remarquable, qui a su digérer, comme personne, ses influences extérieures autant que les codes sociétaux et historiques de son pays. « Cure » en est le plus bel exemple.