Martin W. Semple s’est tué dans un accident de voiture, léguant son immense fortune à un neveu qu’il n’a jamais vu. La haute société new-yorkaise est en émoi ! Qui est donc ce Longfellow Deeds, ce jeune homme naïf, un tantinet loufoque, qui joue du tuba et écrit des vers, pour la plus grande joie des habitants de sa bourgade, Mandrake Falls ? Comment ce célibataire ultra-convoité, sollicité par toutes sortes d’aigrefins, va-t-il s’acclimater à la ville qui ne dort jamais ? Les reporters traquent le scoop mais la malicieuse Babe Bennett a choisi la meilleure tactique pour approcher Deeds…
Certains films ne sont pas des succès immédiats, mais d’autres parviennent quasi immédiatement à trouver leur place dans le panthéon des films cultes. Considéré par les critiques de l’époque comme le plus grand film de 1936, « L’Extravagant Mr Deeds » de Frank Capra, est un cas d’école à lui tout seul. D’abord parce que le film offre une vision froide et sans concession de la société à travers le regard de cet homme généreux et humain, qui hérite d’une fortune immense, mais va se retrouver face à la perfidie des financiers, des journalistes et à la sollicitation permanentes des escrocs en tout genre. Ecrit par Robert Riskin qui fut aussi le scénariste de John Ford pour « Toute la ville en parle » en 1935, cette adaptation du roman de Clarence Budington Kelland (Arizona), ce film permet à Capra de dérouler son thème favori : La société américaine à travers ses dérives capitalistes.
« L’Extravagant Mr Deeds » » brille d’abord par une mise en scène inventive, toute en subtilité, qui montre un réalisateur au plus haut niveau de son art. D’abord parce que ce dernier va utiliser tout son savoir-faire pour distiller un regard critique tout en prônant les valeurs américaines de partage et de solidarité qui doivent être le cœur de n’importe quel américain qui se respecte. Deeds n’est pas simplement un idéaliste, il est n’est pas, contrairement à ce que pensent ceux qui le croisent, un fou naïf, c’est simplement un homme qui devrait être l’exemple de ce qu’est l’Amérique telle que la voit Capra et telle qu’il le développera à travers son œuvre jusqu’à « La Vie est belle ». C’est également l’occasion pour le réalisateur, d’aller toujours plus loin dans sa mise en scène, de lui donner de la vitesse, comme il se plaira à le dire dans l’interview que l’on peut voir dans les bonus. Frank Capra n’aimait pas le côté statique et trop lent des mises en scène de l’époque, il va alors s’amuser à accélérer le jeu des acteurs, provoquer de la vitesse comme dans la scène d’ouverture de « L’Extravagant Mr Deeds ».
Et Capra trouve en Gary Cooper (Les trois lanciers du Bengale), un acteur à la hauteur de ses ambitions. Soucieux de privilégier, la prise de son en direct, conscient que son acteur principal excelle dans son personnage, le réalisateur va casser l’image de playboy pour en faire un homme normal, simple, et faussement naïf. Le réalisateur va utiliser toute la palette de nuance de l’acteur pour donner à corps à sa mise en scène. Face à lui, Frank Capra a choisi la remarquable et captivante Jean Arthur (Mr Smith au Sénat) qui va venir faire le pendant du comédien. L’actrice est à la fois troublante, manipulatrice et sait jouer de l’émotion durant la scène du procès en parvenant parfois à effacer un peu ce jeu si Théâtrale propre aux actrices de cette époque.
En conclusion, « L’extravagant Mr Deeds » est un chef d’œuvre de Frank Capra, qui trouva sa place dès sa sortie et offrit à son réalisateur les prémices d’une liberté de ton totale et devint culte en plus pour la qualité de son scénario et les idées remarquables de mise en scène qui donne à son œuvre une hauteur et une profondeur rarement atteinte dans le cinéma d’avant-guerre.