Quelque part en Amérique latine, un dictateur nommé Leónidas Arévalo fait régner la terreur dans son pays. Comme de nombreux autres opposants politiques, le mathématicien Arístides Ungria croupit derrière les barreaux de la prison de San Justo. Un jour, il profite d’un moment d’inattention pour s’enfuir, avant d’être rattrapé par le gardien Zancho et son redoutable chien. Arístides finit par abattre le militaire mais, avant de mourir, celui-ci ordonne à l’animal de tuer le fugitif. La bête va alors traquer Arístides jusqu’à la capitale pour venger son maître…
Les films d’attaques animales sont un genre bien spécifique, dont certains ont marqué les esprits comme « Cujo » de Lewis Teague en 1984 ou « dressé pour tuer » de Samuel Fueller en 1982. Avec « Les Crocs du diable », le réalisateur espagnol Antonio Isasi (Scaramouche) livre ici une œuvre singulière presque organique dans laquelle il va distiller en toile de fond une critique des états totalitaires qui minent l’Amérique du Sud et du Franquisme encore en vigueur en Espagne, au moment du tournage. Le chien personnage central représentant Le Bras armé de ces états totalitaires qui régnèrent par la terreur et firent des milliers de morts au nom de leur idéologie.
L’œuvre d’Isasi est singulière parce qu’elle donne d’emblée une volonté de faire un gros plan sur ses hommes emprisonnés (les allusions au prisonniers politiques sont suffisamment subtiles pour ne pas être anecdotiques et ne pas non plus venir cannibaliser le scénario) qui sont livrés à la perversion morbide des gardiens et de leur hiérarchie. Le scénario, d’ailleurs, qu’il a coécrit permet tout de même au réalisateur de faire une critique ouverte du totalitarisme et de ses travers. Efficace, et privilégiant le naturel des scènes, Antonio Isasi va, par ses choix narratifs et de mise en scène livrer un film implacable, violent qui tient le spectateur en haleine du début à la fin. Et même si le film souffre d’une introduction un peu maladroite dans sa mise en en scène et particulièrement dans son montage avec des plans montés à la serpette, le film qui débarqua sur les écrans alors que le régime franquiste est toujours en vigueur mais déjà moribond, se livre d’emblée à une attaque frontale des exactions commises par les milices.
Tendu du début à la fin, le film brille surtout par une mise en scène efficace qui va suivre le parcours du prisonnier et des attaques du chien bien décidé à venir au bout de la mission confiée par son maître lors de sa mort. Avec un sens du rythme remarquable et une démarche volontairement réaliste, « Les Crocs du diable » entre alors directement, malgré des défauts de montage dans le panthéon des meilleurs films d’attaque d’animaux.