Elise, 26 ans est une grande danseuse classique. Elle se blesse pendant un spectacle et apprend qu’elle ne pourra plus danser. Dès lors sa vie va être bouleversée, Elise va devoir apprendre à se réparer… Entre Paris et la Bretagne, au gré des rencontres et des expériences, des déceptions et des espoirs, Elise va se rapprocher d’une compagnie de danse contemporaine. Cette nouvelle façon de danser va lui permettre de retrouver un nouvel élan et aussi une nouvelle façon de vivre.
Comme il le dit si bien lui-même, il y a toujours eu de la danse dans les films de Cedric Klapisch, mais elle n’était jamais au cœur de l’intrigue, le centre de son histoire. Et comme à son habitude, le réalisateur a d’abord parcouru les parquets de répétitions pour ressentir les souffrances, le travail, la beauté et la sensualité qui ressort de ces corps en mouvement qu’ils soient en danse classique ou contemporaine. Puis petit à petit l’histoire s’est construite lentement mais à l’évidence, avec des esquisses de personnage et bien sûr des choix tout de suite apparus comme évident, tel que le fait de ne pas avoir des acteurs qui jouent des danseurs mais des danseurs qui s’essayent à la comédie.
C’est donc après un documentaire sur la danseuse étoile Aurélie Dupont, que le réalisateur s’est lancé dans l’écriture de son scénario, avec pour objectif assumé, d’être le contre-point de « Black Swan » (2010) de Darren Aronofsky, où la souffrance endurée par la danseuse est au cœur de la trame. Klapisch voulait, au contraire, montrer le plaisir, le regard vers la vie de ces chorégraphes et de ses danseurs. Et c’est d’ailleurs la rencontre avec Hofesh Shechter qui va venir confirmer cet angle de narration qui donne toute sa substance au film. Car, à la différence de bon nombre de productions, « En Corps » est un film positif dans lequel la détermination, la beauté et le plaisir sont au cœur d’une intrigue, somme toute, basique, avec une jeune danseuse au cœur brisée, qui le transmet par son corps et se blesse. Elle va alors croiser la route d’une compagnie de Danse Contemporaine, qui va lui redonner goût à la bataille qu’elle doit mener. Précis et jamais dans la surenchère le scénario écrit, comme souvent à quatre mains, ne se perd pas dans des narrations trop évidentes pour mieux laisser parler la danse et ses subtilités.
Et c’est d’ailleurs la mise en scène de Klapisch qui va donner tout son sens au scénario en épousant les mouvements des danseurs. Après une scène d’ouverture sans dialogue, qui nous permet de nous concentrer sur la danse, le réalisateur va alterner des scènes de dialogues et des mouvements de ballets classiques ou de danses contemporaines avec une certaine virtuosité. Les chorégraphies apparaissent avec une beauté renversante et nous donne une image moins sombre de l’approche des danseurs de leur art. Les personnages qui gravitent autour deviennent subitement des éléments pour rendre l’ensemble cinématographique. La mise en scène de Cedric Klapisch est inventive et parfaitement maitrisée pour donner au spectateur toute la matière suffisante pour se laisser porter par les mouvements des danseurs et es mots d’Hofesh Shechter qui conseille ses musiciens avec une sorte de douceur et de plénitude qui les poussent au meilleur de leur art.
Côté distribution, si les danseurs, à commencer par Marion Barbeau, qui signe là sa première prestation cinématographique, manquent parfois de justesse, la grande surprise vient de Muriel Robin (Mon Ange) dont le réalisateur a su percevoir toute la subtilité, la fragilité et en même temps la drôlerie qui sont si loin de ses personnages de scène. L’actrice est touchante et précise dans son rôle. Une mention spéciale, tout de même, à François Civil (Le Chant du Loup) dont la composition n’est pas sans rappeler le personnage de Chad incarné par Brad Pitt dans « Burn After Reading » (2008) des frères Cohen. Un personnage dont on ne sait pas s’il est idiot ou non.
En conclusion, « En Corps » de Cédric Klapisch est enfin un film sur la danse qui ne se centre pas sur la souffrance, mais plutôt sur la lumière qui s’en dégage. Le réalisateur a su construire une intrigue basique sur une idée de base qui prend tout son sens avec l’inventivité de sa mise en scène pour mettre les ballets en valeur, qu’ils soient classiques ou contemporains.