Ex-call-girl, Gloria Swenson connaît bien le milieu de la pègre pour avoir été la maîtresse de quelques gros bonnets. Solitaire, revenue de tout, elle préfère désormais la compagnie de son chat. Aujourd’hui, dans son immeuble délabré du Bronx, elle frappe chez sa voisine Jerry Dawn pour lui emprunter un peu de café. Mais la mère de famille, affolée, lui demande de prendre son garçon de 6 ans sous sa protection : son mari, comptable, a trahi la mafia en renseignant le FBI. Gloria rechigne mais se doit d’accepter : flanquée d’un orphelin, elle qui déteste les enfants et les contraintes, elle prend la fuite…
John Cassavetes, est un réalisateur assez hors du commun dans le paysage Hollywoodien. Justement parce qu’il en est l’antithèse absolu. Pas un grand maitre du box-office, toujours à prendre à contre-pied les habitudes des studios californiens, rien de ce que fait le réalisateur n’est totalement dans le cadre de ce que produit en masse, l’industrie cinématographique américaine. Pourtant, il est l’un de ceux qui a su trouver sa place et surtout rendre unanime la critique sur l’importance de son œuvre et particulièrement cette faculté qu’il a, a peindre les sentiments et à magnifier ses personnages féminin, même en les plaçant dans des situations hors cadre. C’est le cas de « Gloria », un film de gangster où le réalisateur va casser les codes et s’amuser, au passage, a donner à sa muse, sa femme et son égérie, Gena Rowlands l’un de ses plus rôles.
D’abord écrit pour un autre, le scénario de « Gloria » est un cas d’école. On y trouve, en effet tous les ingrédients du genre, de la violence avec une famille décimée par des mafieux (Tiens cela fait penser à « Léon » de Luc Besson, un hasard ?), une femme pourchassée par les sbires du patron, et un enfant dont elle doit s’occuper malgré elle. D’abord commandé à Cassavetes pour correspondre à l’enfant star du moment : Ricky Schroder (Le Champion), qui partira finalement signer un contrat chez Disney, le scénario va revenir à son auteur qui va se l’approprier et en briser les codes. D’abord en ne montrant jamais de manière frontale une scène de violence. Ainsi lorsque la famille est massacrée, le réalisateur restera à l’extérieur de l’appartement, utilisant la subjectivité comme moyen de renforcer son propos, plutôt que de tout mettre en image. Ensuite, alors que le garçon d’origine était Blond et transmettait une image positive, il va choisir un jeune garçon, brun, d’origine hispanique : John Adames et lui faire répéter constamment : « Je suis l’homme ! », et le rendre souvent plus agaçant qu’attendrissant.
Et puis, il a le personnage de Gloria, magnifiquement interprété par Gena Rowlands (Une femme sous influence). Ici, aussi, le réalisateur va brouiller les pistes. Car contrairement à l’habitude et aux critères de l’époque, Gloria, est une femme qui n’aime pas forcément les enfants. Elle va se retrouver affubler de ce garçon pour lequel, elle n’éprouvera pas forcément de tendresse particulière. Portant ainsi le personnage féminin dans une autre dimension que celle dans laquelle les femmes étaient systématiquement enfermées depuis la nuit des temps. Cela rend le personnage encore plus captivant et encore plus intéressant que sous n’importe quelle forme.
La mise en scène de Cassavetes va également bouger certains curseurs. Lui qui, par habitude, préférait tourner dans des lieux clos, va plonger ses personnages au cœur de New-York et filmer la ville comme un personnage à part entière. Comme une sorte de labyrinthe qui va avaler les deux héros qui tentent d’échapper à leurs poursuivants. Le réalisateur va multiplier les lieux et rendre presque frénétique cette course. Il va également nuancer les relations entre Gloria et Phil, l’orphelin, en mettant en scène des dialogues où le petit garçon va interroger Gloria, sur l’amour et sur le désir, rendant à Gloria, l’image vieillissante qu’elle se refuse à affronter.