Don Rafael Acosta et ses amis M. et Mme Thévenot, accompagnés de Florence, la sœur de madame, se rendent à dîner chez M. et Mme Sénéchal. À leur arrivée, ils s’étonnent de l’absence de feu dans la cheminée et constatent que la table n’est pas mise. C’est que les Sénéchal n’avaient pas noté la bonne date sur leur agenda. Ils décident quand même de se rendre dans un restaurant du coin mais son propriétaire vient de passer l’arme à gauche et repose dans la pièce d’à côté. Chaque fois que les six amis décident de se retrouver, une circonstance imprévue va interrompre leur repas...
Le sujet du « Charme Discret de la bourgeoisie » est aussi surprenant que le réalisateur est imaginatif et capable de partir sur une intrigue linéaire pour en sortir une œuvre majeure qui part de l’absurde, la peinture de personnages d’une subtilité rare. Ici, le point de départ est un diner manqué. Un couple, et un ambassadeur se retrouvent dans la demeure d’un autre couple pour un diner, mais celui est prévu le lendemain. Frustrés et embêtés de ne pouvoir obtenir ce pour quoi ils sont venus, ils décident alors de partir dans un restaurant, mais encore une fois, pour une raison différente, cette fois-ci, le diner ne sera pas possible. Le film accumulera ce genre de situation qui peuvent paraître rocambolesque, mais en y regardant de plus près, Buñuel va peindre toutes sortes d’envie, d’appétits qui viennent contrecarrer le projet initial d’un repas.
Avec une poésie et un sens de la narration rare, et propre au réalisateur, il va tisser un scénario avec son ami Jean-Claude Carrière (La Piscine), qui lui permettra d’explorer ses thèmes favoris que sont la rêverie et la métaphore. Chacun des personnages aura une histoire à raconter, des hommes principalement, pendant que les femmes satisferont leurs frustrations par d’autres formes d’appétits tout aussi réconfortantes. Toujours avec un sens de la mise en scène et de l’absurde, le réalisateur livre, ici, une œuvre foisonnante d’idées, de clins d’œil sans jamais se départir d’un humour noir qui rend les situations encore plus savoureuses, à l’instar de la scène de l’évêque qui veut se faire embaucher comme jardinier.
Pour donner corps à ses personnages, le réalisateur s’est entouré d’une distribution fidèle et inspirée : Stépahen Audran (L’Ivresse du Pouvoir), Fernando Rey (1492 : Christophe Colomb), Paul Frankeur (Mon Oncle Benjamin), Delphine Seyrig (Peau d’Âne) et Jean Pierre Cassel (Contre-Enquête). Tout ce petit monde évolue comme sur la scène d’un théâtre, un choix de mise en scène surprenant mais qui colle tellement bien à la vision de Bunuel et qui semblent beaucoup s’amuser à jouer des personnages, un peu perdues dans leurs aventures aux rebondissements chaque différents qui les emmènent dans des réflexions chaque fois plus intéressantes.
« Le Charme Discret de la Bourgeoisie » de Luis Bunuel est une œuvre d’une poésie et d’une inventivité folle, qu’il faut absolument découvrir, si cela n’a pas déjà été fait. Le film reçu l’Oscar du meilleur film étranger en 1972, une récompense hautement méritée.