De son enfance misérable dans le Kentucky, Larry a gagné l’art de la débrouille, le goût d’entreprendre et l’irrépressible désir d’améliorer sa condition. Propriétaire d’un bar à stripteaseuses, il flaire le bon coup et lance en 1974 Hustler, une publication licencieuse qui fait bientôt de l’ombre à Playboy, en ne reculant jamais devant le scandale et l’obscénité. Mais un succès aussi sulfureux ne pouvait qu’attirer les foudres des dévots : l’Amérique puritaine fera tout pour mettre Larry au pilori...
Alors que l’affaire Monica Lewinky commençait ses premiers remous, un film vint mettre en lumière l’une des personnalités les plus sulfureuses que les Etats-Unis aient connu : « Larry Flynt ». Créateur du magazine pornographique « Hustler », Larry Flynt fut surtout connu pour ses démêlés avec la justice et particulièrement avec le gouvernement Reaganien ultra conservateur qui ne voyait pas d’un très bon œil que ce type de magazine soit venu dans des lieux publics à la vue du jeune public. Une Amérique faussement puritaine qui s’opposait à celle beaucoup plus pragmatique et surtout beaucoup plus en phase avec le 1er amendement des Etats-Unis qui garantit la liberté de penser et de dire.
« Hustler » fut donc au cœur de ce débat, et le réalisateur et surtout le producteur et les scénaristes Scott Alexander (Dolemite is my name) et Larry Karaszewski (Big Eyes) virent que l’intérêt de parler de Larry Flynt n’était pas de sa création ou de son métier, mais plutôt de sa personnalité et de ce combat qu’il mena en justice pour faire respecter ce droit fondamental. Mais voilà, la chose n’était pas aisée, tant le personnage était complexe et pas forcément facile à aborder sur le point narratif, car l’image publique n’était pas forcément celle que voulait donner l’équipe en question. Larry Flynt aimait, d’une certaine manière être traiter d’« ordure », peut-être en était-il une, mais il avait un charisme évident et avait su comprendre avant tout le monde que ce qui intéressait la clientèle de revues comme « PlayBoy », par exemple, ce n’était certainement pas les articles mais plutôt les photos. Et que ce la soit condamnable ou pas, outrancier ou non, obscène ou non, là n’est pas la question et sur cette dernière question d’ailleurs, il y a un magnifique monologue dans lequel le créateur de « Hustler » met en opposition des images de son magasine et des images atroces de guerres et de tueries en ne posant qu’une seule question : « Quelle est la plus obscène des photos ? ». Une réponse laissée à la seule discrétion des spectateurs.
Le réalisateur Milos Forman, comme il l’avait fait dans « Amadeus » (1984) va mettre toute la folie de son personnage dans sa mise en scène avec une réalisation très dynamique, très pop et en même temps très formelle lorsqu’il s’agira de scènes de procès. Il se gardera bien de présenter son personnage comme un héros, mais en fera, au contraire une sorte d’électron libre souvent ingérable et parfois insupportable pour que chacun puisse réellement se mettre dans la position de s’interroger. Flynt était, certes un visionnaire, mais surtout un calvaire pour son avocat qui eut bien du mal à le défendre et à faire valoir ses idées face à la loi. La tentative de meurtre qui le paralysera ne fera qu’amplifier cette folie et cette propension à n’en faire qu’à sa tête et à ne jamais savoir se taire pour calmer les choses.
Bien sûr le choix de Woody Harrelson est presque une évidence, tant l’acteur possède toute la folie, l’énergie et l’émotion nécessaire pour donner corps aux paradoxes de ce personnages. L’acteur est habité et nous offre souvent des moments de grâce inouïe, comme lorsqu’il découvre le corps de se femme. Une femme jouée par Courtney Love tristement connue pour être la femme de Kurt Cobain, le chanteur du groupe Nirvana, décédé en 1994. L’actrice est étonnante, même si parfois elle manque de précision dans son jeu et dans ses gestuelles.
En conclusion, « Larry Flynt » est un œuvre de Milos Forman qui est à redécouvrir, particulièrement en ce moment où les Etats-Unis et une partie du monde commencent à faire machine arrière sur des valeurs qui nous semblaient enfin acquises.