L'histoire
Gévaudan, 1765. De nombreuses attaques d'animaux sont signalées dans la région perpétrées semble t-il par une bête bien plus grosse qu'un simple loup. Pour couper court à la polémique le roi envoi son naturaliste Grégoire de Fronsac sur place afin d'enquêter, chasser la bête, la tuer et la naturaliser. Arrivé avec Mani, son frère de cœur indien, il va devoir faire face à un mystère et des dangers bien plus importants qu'il ne l'avait escompté.
Critique subjective
Christophe Gans est un cinéaste rare, quatre long-métrages seulement en plus de 25 ans de carrière et son second film qui nous intéresse aujourd'hui, Le pacte des loups, a déjà plus de 20 ans. A l'époque de sa sortie, il s'agissait d'un véritable événement. Il faut se remettre dans le contexte deux secondes pour comprendre. A une époque où le cinéma français se résumait déjà essentiellement à des comédies (sans cependant atteindre le niveau de médiocrité actuel) et les film auteurisants sur des bobos en pertes de repères voilà que débarque un OVNI. Brassant des décennies d'influences cinématographiques en tout genre, Gans a réalisé un melting-pot inédit et réjouissant, mélangeant autant d'aspects parfois normalement opposés. Vieille garde et nouvelle génération d'acteurs, film en costume et mystère à la limite du fantastique, monstres, arts martiaux, combats le résultat est effectivement absolument unique en son genre.
Gans est un adorateur du cinéma, un fan absolu qui se trouve être en position de faire des films plus qu'un cinéphile se trouvant être un cinéaste. La nuance est bien réelle, Gans filme pour son plaisir, et pour le transmettre au spectateur, et ne s'impose que très peu de limites, sauf celles de ses propres envies. Embrassant pleinement sa passion pour le cinéma asiatique, il l'intègre au niveau de la mise en scène, scénaristiquement et philosophiquement au récit, via le personnage de Mani, interprété par Marc Dacascos, véritable âme du film. Une influence du cinéma d'Asie qui était alors à l'avant garde à une une époque où cette dernière allait bientôt exploser et inséminer le cinéma grand public, tout juste entre Matrix et Kill Bill.
L'intrigue en elle-même, simple, cousue de fil blanc, presque clichée, est un écrin au véritable propos du film, l'hommage au film de genre, que ce soi le thriller, le film en costume à la Angélique marquise des Anges, le film de monstre, le film d'enquète. Le scénario est pourtant malin, déroulant son récit invraisemblable sur le papier (on passe tout de même en moins d'une heure des salons d'aristocrates français aux combats à l'épée lasso à la Soulcalibur) à une forme cohérente à l'écran, les transitions étant amenées par une mise en scène brillante qui distille les effets petit à petit jusqu'à un climax final qui lâche les chevaux, on est presque dans un autre film.
Pour donner vie au Pacte, Gans aura su réunir une belle brochette d’acteurs, venant d'horizons différents (Emilie Dequenne sortant tout juste du Rosetta des frères Dardenne, Samuel Le Bihan du succès populaire Jet Set ou Vincent Cassel le touche-à-tout). Des acteurs, il faut le reconnaitre, pas toujours parfaitement dirigés, Gans étant sans doute plus à l'aise dans la pure mise en scène, on n'évite ainsi pas quelques moments gênants ou, semblant être laissés un peu trop en roue libre, ils se sont visiblement un peu trop laissés aller à des improvisations qui ne sont pas toujours du meilleur effet.
Le film se rattrape largement au niveau de la réalisation. Quel fierté ce fut au moment de la sortie du film de voir sa plastique, sa forme. On pouvait penser à ce moment-là que oui, rivaliser en matière de divertissement avec le cinéma américain n'était pas impossible, Le Pacte des loups tenait clairement la dragée haute à une grosse partie de la production d'alors. Gans s'amuse, et ça se voit, ralentis, accélérés, arrêts sur image en cours d'action pour mieux la reprendre juste ensuite, panoramiques et mouvements de caméra rapides explorant les paysages et action bien shootée qui donne vraiment l'occasion de voir les mouvements et chorégraphies (chose bien rare à l'époque), le film, même s'il a parfois un peu vieillit sur certains aspects, notamment une bête qui est, même si elle se présente mieux dans cette version 4K, toujours inégale selon les plans, plastiquement encore très beau aujourd'hui. Il faut dire que l'équipe technique est composée de véritables spécialistes dans leur domaine respectifs. Le public américain ne s'y est d'ailleurs pas trompé, il voue aujourd'hui un véritable petit culte à ce curieux film français dont l'aspect et le genre n'existe tout simplement pas dans leur cinéma.
Et chez nous non plus malheureusement. Le pacte des loups avait tout pour être le fer de lance d'un nouveau cinéma de divertissement ambitieux en France, mais à quelques exceptions près, il n'en fut rien. Le cinéma français ne voulait simplement pas de ces films, pas assez sérieux, trop populaires, et la difficulté qu'aura eu Christophe Gans à monter ses projets suivants en sont le témoignage. On revint bien vite, malgré le grand succès du film, à la "normale" : comédies nullissimes calibrées pour une diffusion TV, drames d'auteurs assommants, etc. Les évènements comme l'était Le pacte des loups se font rares, très rares et on ne peut qu'espérer que d'autres tentatives du même calibre voient le jour pour redonner un gros coup de pied dans la fourmilière. On peut toujours espérer.
En conclusion
Certes imparfait, Le pacte des loups reste une proposition quasi-unique dans le cinéma français depuis plus de 20 ans. L'enthousiasme manifeste de son auteur, les moyens déployés, la réussite visuelle du film et surtout son improbable et réjouissant mélange des genres le rende éminemment sympathique. Non, ce n'est pas un chef d’œuvre, et le film à certes ses détracteurs, mais Christophe Gans ne s'est jamais vanté d'avoir réalisé Barry Lyndon, mais plutôt un film de divertissement ambitieux et honnête en hommage au cinéma qu'il aime et qu'on aime nous aussi. Et c'est une réussite.