Financée par André Citroën, l’expédition de la Mission Citroën Centre-Asie, la Croisière jaune, doit relier Beyrouth à Pékin en véhicules autochenilles. Un premier groupe dirigé par Georges-Marie Haardt quitte le Liban le 4 avril 1931 pour retrouver à mi-chemin un second groupe parti de Pékin sous la conduite de Victor Point. Une quarantaine d’hommes, parmi lesquels des savants et des médecins, vont parcourir trente mille kilomètres à travers le Moyen et l’Extrême-Orient, bravant les intempéries, les défaillances mécaniques et les conflits politiques…
Cinéaste poète et aventurier, auteur du très acclamé Études sur Paris, André Sauvage est engagé pour filmer cette extraordinaire épopée à but aussi bien scientifique que promotionnel. Cet incroyable témoignage cinématographique permet de suivre les péripéties d’une expédition longue et difficile à travers laquelle se déploie toute la beauté et la diversité des paysages, des hommes et des cultures rencontrés.
« La croisière jaune », ce devait être, et ce fut une aventure humaine extraordinaire, commandée et financée par André Citroën pour mettre en valeur ses véhicules et dans le même temps rapporter des témoignages visuels hors du commun de ces hommes : Aventuriers, Archéologues, médecins et réalisateurs qui partirent en deux équipes, l’une au départ de Beyrouth et l’autre de Pékin et devaient se rejoindre aux abords de l’Himalaya. Mais voilà, comme toujours dans ce type d’expédition et particulièrement à cette époque où le monde est encore en pleine mutation et où les éléments ne sont pas aussi faciles à affronter, l’expédition ne sera pas forcément de tout repos et les deux équipes vont être rapidement mises à rude épreuve.
Une partie de l’équipe sera retenue en otage au beau milieu d’un conflit Chinois ou encore, la traversée hasardeuse d’une région en plein conflit sino-Japonais, ou encore des Inondations exceptionnelles au Penjab et puis, bien sûr, la traversée de l’Himalaya toujours aussi redoutable, particulièrement dans une expédition qui semble n’avoir pas toujours été bien préparée. Mais les hommes ne sont pas décidés à se laisser impressionner et ont bien comme intention de réussir coute que coute cette expédition. 50 000 mètres de pellicules sont impressionnés dans des conditions particulièrement difficiles, avec un matériel pas forcément adapté à ces conditions, que ce soient les caméras qui résistent mal aux effets du froid ou encore le matériel de prise de son direct qui ne supporte pas vraiment les tempêtes de sable. Pourtant, cela n’empêche pas les équipes de faire des rencontres, de découvrir des paysages magnifiques et des peuples si différents mais en même temps si chaleureux que leurs vies seront à jamais marquées par cette aventure.
Si « La croisière jaune » est aussi l’occasion de découvrir la vision du monde telle que pouvait l’avoir les contemporains du film, elle permet également de revoir des paysages et des situations géopolitiques qui ont bien changés depuis, comme les Bouddhas de Bamyan en Afghanistan, disparues en 2001, suite à leur destruction par les talibans. Pourtant ce que l’on retiendra aussi de ce film, c’est cet affront fait au réalisateur qui sera littéralement dépossédé de son œuvre, suite à un désaccord avec André Citroën qui lui reproche de ne pas mettre suffisamment en valeur le matériel et les véhicules. Après une décision de justice, la société Pathé Nathan, donne tout le matériel cinématographique à Citroën qui embauchera un autre réalisateur, Léon Poirier (La Croisière Noire), qui n’a pas participé à l’expédition et sera en charge de monter le film en accord avec l’industriel. L’affront sera tel que le nom d’André Sauvage n’apparaitra plus au générique et « La Croisière jaune » sera présenté comme un film de Léon Poirier. Sauvage, lui quittera définitivement le cinéma et se réfugiera dans la Beauce.
Pourtant c’est bien son film qui est présenté devant les écrans, ses images qu’il a tourné lui-même et qui mettent en valeur toute la beauté des rencontres, la dureté des épreuves, mais également ces paysages incroyables traversés tout au long de cette expédition. Le film est un bijou qui nous montre des pays encore peu touchés par l’occident et d’autres en pleine révolution. Des coutumes et des responsables politiques qui traversent l’espace d’un instant l’image, pour montrer la présence française un peu partout dans le monde. Enfin, la restauration en 2K permet à l’équipe de rendre à André Sauvage en remettant son nom au centre de l’aventure et au générique de ce film qui n’aurait jamais existé sans lui.