En 1954, le marshal Teddy Daniels et son coéquipier Chuck Aule sont envoyés enquêter sur l'île de Shutter Island, dans un hôpital psychiatrique où sont internés de dangereux criminels. L'une des patientes, Rachel Solando, a inexplicablement disparu. Comment la meurtrière a-t-elle pu sortir d'une cellule fermée de l'extérieur ? Le seul indice retrouvé dans la pièce est une feuille de papier sur laquelle on peut lire une suite de chiffres et de lettres sans signification apparente. Œuvre cohérente d'une malade, ou cryptogramme ?
En 2010 Martin Scorsese signe avec « Shutter Island » sa quatrième collaboration avec Léonardo DiCaprio après « Gangs of New-York » (2002), « Aviator » (2004), et « Les Infiltrés » en 2006. Le réalisateur a bien compris que son nouvel acteur fétiche, a encore beaucoup à dire et surtout une capacité à interpréter les personnages complexes avec une évidente facilité, qu’il lui confie le rôle de ce Marshall qui va plonger dans une enquête qui l’emmènera aux frontières de la folie. Complexe parce que le rôle qui lui est confié est constamment sur la lame entre la détermination dans son enquête et les doutes qui commencent à l’habiter et à le hanter, d’autant que son passé semble le torturer. DiCaprio est éblouissant de précision, de complexité et de maitrise dans un rôle difficile qui doit constamment jouer sur les silences, sur les regards et sur une diction qui se révèle incroyablement juste pour mieux imprégner le spectateur.
Et Martin Scorsese va d’ailleurs multiplier les pistes et les scènes, jouant sur nos peurs et nos angoisses pour mieux nous entrainer dans les méandres de cette folie qui entoure les personnages jusqu’à un twist final qui va nous laisser avec plus de questions que de réponses. Un choix assumé par le réalisateur qui se base sur l’adaptation par Laeta Kalogridis (Alexandre) du roman de Dennis Lehane, qui est également l’auteur de « Gone Baby Gone » adapté au cinéma par Ben Affleck en 2007, ou encore « Mystic River » adapté par Clint Eastwood en 2003, pour donner une couleur spécifique à son long métrage, dans lequel tout participe à rendre complexe une intrigue, qui pourtant ne le paraissait pas. Intrigue à tiroir, mais qui tourne principalement autour de la psychologie des personnages, « Shutter Island » est avant tout une œuvre d’une inventivité folle, qui plonge le spectateur dans une course effrénée où personne ne semble ni innocent ni coupable, mais où la folie est toujours présente, comme un fantôme qui hante les pensées.
Et de tout cela, Martin Scorsese va nous offrir une œuvre puissante aux personnalités complexes et à la mise en scène toujours aussi remarquablement précise, pour que, à chaque instant, le spectateur ne soit jamais en terrain connu et encore moins en terrain ami, pour mieux nous imprégner dans cette histoire où rien n’est jamais totalement à sa place et où, même lorsque nous pensons détenir enfin la clé de l’énigme, un simple plan ou une simple ligne de dialogue vient tout rabattre pour mieux nous entrainer dans le doute et dans la folie. Scorsese parvient, avec son chef opérateur Robert Richardson (Once Upon a time in Hollywood), a créer une atmosphère oppressante dont on ne sort jamais totalement intacte, et c’est toute la force de ce film que de nous faire parler de lui encore et encore, comme si l’œuvre n’était jamais définitivement close.
Et puis bien sûr, il y a la distribution, Léonardo DiCaprio, nous l’avons déjà dit, mais également le grand Ben Kingsley (Gandhi) qui maintient une certaine distance avec son personnage pour mieux inquiéter et rassurer en même temps dans cette schizophrénie ambiante. Mark Ruffalo (Avengers) campe ici un partenaire sobre, qui se laisse déborder par les dérives de son co-équipier. Michelle Williams (Le secret de Brokeback Mountain) incroyable dans sa folie et sans oublier le toujours impeccable Max Von Sydow (Star Wars Le Réveil de la force).
« Shutter Island » est une œuvre majeure dans la carrière, pourtant déjà bien remplie, de Martin Scorsese et de Léonardo DiCaprio. Une quatrième collaboration où les deux artistes se complètent et se donnent à corps perdu dans cette intrigue complexe qui se regarde plusieurs fois pour commencer à en percer les secrets.