Une plongée au cœur de l’Anti-Terrorisme pendant les 5 jours d'enquête qui ont suivi les attentats du 13 novembre.
Il y a des sujets, du moins en France, qui ont bien du mal à trouver leur place sur les écrans de cinéma, tant leur impact est jugé sensible et touche le cœur de la population. Celui des attentats de novembre 2015, en fait partie. Comment traiter de ce qui s’est passé lors de cette funeste soirée où une bande de terrorisme a mis la capitale à feu et à sang en massacrant des centaines de victimes attablées à des brasseries, assistant à un concert où travaillant au Stade de France ? Quel est le bon angle à adopter pour ne pas choquer, réveiller des douleurs, mais en parler pour ne pas oublier ? Et surtout, comment parler des victimes ou de ceux qui ont œuvré dans l’ombre pour arrêter les auteurs et ceux qui ont aidé les terroristes ? Et bien deux films ont répondu à cette question, sans se concerter et ont trouvé la même réponse : « Revoir Paris » d’Alice Winocour sorti en 2022 et « Novembre » de Cedric Jimenez sorti la même année. Tous les deux parlent des attentats de Novembre 2022, sans jamais mettre en scène les tueries et encore moins en faisant jouer les terroristes. Si le premier s’intéresse avec sensibilité et intelligence au victimes et la manière dont elle se reconstruisent, le deuxième s’oriente autour des services de l’état, chargés de retrouver les terroristes et leurs commanditaires.
Cédric Jimenez qui a débuté sa carrière par un documentaire puis par un thriller malin « Aux yeux de tous », a marqué les esprits l’année 2021, en réalisant « Bac Nord », un film musclé sur une brigade de la Bac à Marseille dont les membres d’une équipe furent arrêtés pour trafic de stupéfiant. Un film qui fit naitre des polémiques, un peu trop faciles à mon goût, mais dont on parle encore maintenant. Avec « Novembre », le réalisateur enfonce le clou, et nous plonge cette fois-ci dans les minutes, les jours et les semaines qui ont suivi les attentats de Novembre 2015, pour, non pas faire une reconstitution fidèle du drame, mais pour faire une reconstitution précise et fidèle du travail acharné que les brigades anti-terroristes durent amasser pour parvenir a l’arrestation des commanditaires et autres participants à l’organisation de cette tuerie d’innocents.
En prenant le parti de ne jamais donner plus de détails que cela, sur les personnages pour ne se concentrer que sur le moment présent et cette tension qui les entoure en permanence pour que les terroristes ne leur échappent pas, le réalisateur fait un choix gagnant car le spectateur est littéralement happé par l’action et n’est pas parasité par une éventuelle narration parallèle sur l’intimité de tel ou tel personnage. De plus Cédric Jimenez, de la même manière que dans « La French » en 2014 ou encore dans « Bac Nord » en 2021, ne lâche jamais ses personnages et cherche, avant tout, à garder une pression et une dynamique qui ne s’amoindrira jamais durant tout le film. Avec un sens du rythme et de la narration, le réalisateur nous plonge dans une œuvre documentée et jamais gratuite sur une situation dramatiquement tendue où les protagonistes doivent avancer dans une enquête sensible dont les résultats sont scrutés par les médias, les politiques et par les Français dans leur généralité.
Autre parti pris de taille, celui de ne jamais donner plus d’importance qu’un autre à un personnage, si ce n’est sa place dans la hiérarchie. Cédric Jimenez n’a pas voulu parler d’un héros, ais d’une équipe de héros, et cela se ressent sur la manière dont il dirige ses comédiens et la façons dont ces derniers se sont imprégnés de leurs rôles. Ainsi, le trio de tête formé de Jean Dujardin (La French), Anaïs Demoustier (Fumer fait tousser) et Sandrine Kiberlain (9 Mois Ferme) ne cherche jamais à se faire valoir d’un quelconque égo et parvient à trouver l’équilibre dans son interprétation très physique avec des acteurs moins expérimentés comme Sofian Khammes (Arthur Rambo), Sami Outalbali (Une histoire d’amour et de désir) et Stéphane Bak (Twist à Bamako). Ce dernier affirmant de plus en plus son goût pour des œuvres plus complexes que celles de la comédie, et le faisant avec brio.
« Novembre » est un film remarquablement mise en scène où les évènements de Novembre 2015 ne sont jamais exposés à l’écran et restent hors champs ou Bord Cadre pour ne pas sombrer dans le voyeurisme gratuit et surtout raviver sans intérêt majeur, une blessure encore saignante. Le réalisateur comme les acteurs font preuve d’une maitrise et d’une envie perceptible de rendre hommage à ceux qui ont mis leurs vies privées de côté pour retrouver les auteurs et complices de ces attentats meurtriers et sans commune mesure en France.