Billy Pilgrim mène une vie heureuse avec sa femme Valencia. Mais sa conduite inquiète de plus en plus sa fille Barbara, son gendre Stanley et son fils Robert de retour du Viêt-nam. En effet, Billy a le don de voyager dans le temps. Il se revoit soldat au cours du deuxième conflit mondial ; d'abord agressé par deux GI, puis prisonnier de guerre, il se retrouve à Dresde au cœur du bombardement le plus meurtrier de l'histoire.
George Roy Hill fut un réalisateur assez atypique du cinéma américain, notamment parce qu’il passa tout au long de sa carrière, de succès phénoménaux en bides tout aussi impressionnant, malgré des critiques élogieuses, le public ne suivit pas forcément les choix de ce réalisateur. Et « Abattoir 5 » est l’un de ces exemples que nous pouvons prendre en compte. D’abord parce que ce film de science-Fiction vint juste après le succès de « Butch Cassidy et le Kid », un film avec Paul Newman et Robert Redford. Qu’ensuite il surprend par une structure narrative assez décousue, à l’image du roman, dont même l’auteur a salué la fidélité, et que cela pourrait être un piège risquant de désarçonner le spectateur. Et malheureusement pour lui, « Abattoir 5 » fut un échec public, mais reçu le prix spécial du Jury au Festival de Cannes en 1972, ce qui le fit rentrer du même coup au panthéon des œuvres jugées élitistes et adorées des cinéphiles exigeants.
Film culte s’il en est, « Abattoir 5 » est donc une œuvre remarquable parce qu’elle se joue de la narration classique tout en apportant une cohérence dans sa construction et surtout dans le parcours du réalisateur, lui -même ancien pilote dans l’armée, qui y trouve ici l’occasion de parler de la seconde guerre mondiale. Roman à la fois autobiographique et de science-fiction, ce monument de la littérature américaine, directement inspiré de la vie de son auteur qui fut lui-même prisonnier des nazis pendant la seconde guerre mondiale, trouve ici un écrin de luxe pour livrer un discours antimilitariste à la résonnance particulière lors de sa sortie, en plein milieu de la guerre du Vietnam et de son opposition Woodstockienne. George Roy Hill, ne cherche, étonnamment, pas à se libérer de la narration du roman mais l’utilise au contraire pour être au plus proche de son sujet.
Il pose d’ailleurs les bases dès la séquence d’ouverture avec cette petite phrase qui sonne comme une mise en bouche et une façon de tracer la ligne directrice de l’œuvre : « Sur la planète Trafalmador où je réside actuellement, la vie n’a pas de milieu, de début, ni de fin. Bonjour et Adieu y sont éternellement connectés l’un à l’autre. Alors Bonjour et Adieu ! ». Mais ce qui est intéressant, c’est que le réalisateur va utiliser la seconde guerre Mondiale comme point de repère pour le spectateur, en y revenant bien plus que dans les autres éléments de la vie du héros, comme s’il voulait que le spectateur le prenne pour une sorte de Gourou illuminé ou de vieil homme rongé par le trauma de la guerre et de la déportation. A lui alors de se faire sa propre idée et de se laisser guider par la mise en scène et le récit du scénariste Stephen Geller (Ashanti) qui livre, ici, un scénario complexe et pourtant parfaitement cohérent.
« Abattoir 5 » est très loin d’une œuvre conceptuelle obscure, mais se révèle, bien au contraire un film totalement abouti et à la cohérence redoutable qui va forcer le spectateur à ne pas être simplement public passif, mais à s’interroger et à se faire une opinion qui puisse changer à mesure que le film se déroule. Loin de la rêverie qui pourrait être affichée, « Abattoir 5 » est avant tout une œuvre qui prône la paix et réfute la guerre sous toutes ses formes et toutes ses horreurs. Si Billy n’est pas un personnage à la santé mentale fragile, il est quelqu’un prisonnier d’une capsule temporelle qui lui fait voir le monde autrement. Dans tous les cas « Abattoir 5 » est un chef d’œuvre oublié qu’il est nécessaire de découvrir pour prendre conscience de l’impact qu’il a eut sur toute une génération de réalisateur.