Après plus de 35 ans d’absence sur nos écrans, OSS 117, l’espionnage à la française, revient sous les traits de Jean Dujardin. Si l’époque d’OSS 117 reste la même, la nôtre a bien changé… Le film, qui joue avec délice sur ce décalage, a enthousiasmé nos deux rédacteurs !
OSS 117, Le Carie nid d’espions
France, 2006
Réalisateur : Michel Hazanavicius
Acteurs : Jean Dujardin, Bérénice Bejo, Aure Atika
Adapté des livres de Jean Bruce
Durée : 1h40
L’histoire
En 1955, Le Caire est un véritable nid d’espions. C’est ce que va s’efforcer d’affronter Hubert Bonisseur de la Bath, dit OSS 117, l’un des meilleurs éléments du président René Coty. Arrivera-t-il à séduire les belles femmes, démasquer les méchants, et surtout comprendre quoi que ce soit à ce qui se passe autour de lui ?
La critique enthousiaste de Sébastien Keromen
En voilà, un film plaisant ! Hubert Bonisseur de la Bath déjoue avec brio et humour les plus vils complots contre notre belle nation. Légèreté, bagarres, un zeste d’érotisme fripon, des pays lointains et des cultures exotiques, tout ça pour le prix d’un fauteuil dans votre cinéma. Oui, si on était il y a cinquante ans, la réclame ce de film aurait pu ressembler à ça. Mais aujourd’hui, en 2006, la réclame de ce film serait plutôt de ce genre : " En voilà, un film plaisant ! Hubert Bonisseur de la Bath déjoue avec brio et humour les plus vils complots contre notre belle nation. Légèreté, bagarres, un zeste d’érotisme fripon, des pays lointains et des cultures exotiques, tout ça pour le prix d’un fauteuil dans votre cinéma. " Oui, pareil (sauf qu’une place de cinématographe coûte aujourd’hui plus cher). Car OSS 117, c’est toute l’ambiance des années 50 remises au goût du jour, à la sauce héros peu futé.
A la bonne heure, ça marche ! Ça court, même ! Avec un grand soin sur les décors, le traitement de l’image et des couleurs, le grain de pellicule, les costumes, on s’y croirait. Avoir choisi peu d’acteurs connus aide également à briser les amarres de ce film dans notre époque, pour le rendre plus crédible en film d’une autre époque. Et les dialogues, ah, les dialogues. Un bonheur, surtout pour ceux qui comme moi sont si attachés à ce que disent les protagonistes. Un bonheur d’expressions inusitées et terriblement surannées, de comique de décalage entre notre perception et le vocabulaire des personnages, sans compter toute une famille de piques antireligieuses et racistes au 150ème degré : Hubert Bonisseur de la Bath est un français aux pieds trop larges et aux opinions trop arrêtées, misogyne, homophobe, xénophobe, qui déplore une religion qui ne durera pas (l’Islam) et une écriture illisible (l’Arabe), tout cela sans être le moins du monde offensant mais avec une cocasserie sans limite. Le rythme est de plus parfaitement minuté pour nous permettre de réaliser et rire à chaque bon mot, sans qu’autre chose ne se télescope dans l’amusement de nos zygomatiques.
De fait, le film a un charme infini. Si le scénario est plus risible et inutile que construit, nous sommes en présence d’un des rares films où cela ne gêne pas un instant. Car ce que nous voulons voir, c’est l’inénarrable Hubert Bonisseur de la Bath faire toutes les bourdes imaginables, castagner les méchants comme quelques gentils, et tout ça avec une classe folle. On imagine mal qui d’autre que Jean Dujardin pouvait avoir le charisme pour ce rôle, tout en restant crédible quand il ne comprend rien à la situation. Le travail sur ses expressions et ses attitudes est évident, et nombre des images du film semble sorties des films d’aventures colorés qui ont enchanté les années 50. Si on ajoute les charmantes et envoûtantes Bénérice Béjo et Laure Attika comme partenaires féminines, on comprend que le charme des interprètes agira sur les spectateurs des deux sexes. L’ambiance arrive à mêler si habilement le cadre colonial des années René Coty et un ton décalé et anachronique irrésistible. Le résultat aurait pu être de guingois, mais fi des objections, le tout fonctionne parfaitement. Si quelques scènes ou répliques sont d’une drôlerie piquante (dont une scène musicale dont je vous laisse la surprise), le spectateur reste le sourire aux lèvres d’un bout à l’autre du film, grâce au doux délire et au parfum aussi désuet que charmant que l’histoire distille. Humour, action, aventures, OSS 117 doit être votre prochain spectacle sur les grands écrans.
A voir : pour une ambiance doucement délirante et délicieusement vieillotte, qui vous poursuivra longtemps
Le score presque objectif : 8/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, courez-y, le jeu en vaut la chandelle, vous ne risquez guère de le regretter
Sébastien Keromen
La critique également enthousiaste d’Arnaud Weil-Lancry
Après L’amour aux trousses, nanard sidéral, on pouvait émettre de sérieux doutes sur la crédibilité de Jean Dujardin dans le paysage cinématographique français, tout comme sur la pérennité de sa carrière... Les premières images de OSS 117 Le Caire, Nid d’espions n’étaient guère rassurantes, orientant ce remake d’un film d’espionnage des années 60 dans la direction des Y a-t-il un flic… Donc, vers le ratage le plus complet. Si suspense il y avait, il disparu au bout de dix minutes pour laisser place à une comédie remarquable, d’une finesse rarement vue depuis bien des années au cœur du cinéma français. Peut-être remontant au Dîner de cons…
En fait, cette comédie est tellement réussie que l’objectivité n’est plus de mise : les gags font presque tous mouche et on est plié de rire du début à la fin face à une véritable accumulation de passages cultes (les poules (!))… Dans cet incroyable film réunissant un peu de James Bond, pas mal de Indiana Jones et beaucoup d’Austin Powers, on atteint un niveau de qualité rarement vu aussi bien dans une comédie Française que dans un film d’action Français (remarquez que sur ce dernier point, la tâche est aisée). L’exploit était pourtant de taille : parvenir à un film différent de l’original des années 60 en évitant le plagiat, tout comme le ridicule. Le ridicule, OSS 117 y est pourtant en permanence, sorte d’anti-héros calamiteux et catastrophique qui ne rate jamais la moindre occasion de passer pour le plus infâme goujat, le plus bête des agents secrets, le plus raciste des individus, le plus misérable des misogynes. Extrêmement respectueux des genres et de l’Histoire, Michel Hazanavicius démontre une parfaite maîtrise de son sujet. Loin de rechigner face à la difficulté, il introduit même dans son film des thèmes importants comme celui des préjugés et de l’intolérance, mais surtout d’une certaine vision française du monde, très proche de celle décrite par Hergé il y a près de 80 ans avec Tintin. Ce point, très délicat, est parfaitement retranscrit par Larmina lorsqu’elle dit à notre héros " vous êtes très français ".
Pour un second film, le réalisateur de Mes Amis parvient à innover dans un genre où les Français paraissaient condamnés à exécrer… Souvenez vous du Cactus, de la Beuze, de Incontrôlable…
On ne dira qu’une seule chose : vivement un nouvel épisode !!