Bubble
Bubble
Sortie:
10/05/2006
Pays:
USA
Genre:
Durée:
1h 13 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Bubble

par: Olivier Sandoval



Soderbergh continue son alternance grosses productions / petits films avec Bubble, plutôt réussi dans son registre.

 

L’histoire

Dans l’Amérique profonde, Martha, la cinquantaine rondouillarde, aime bien Kyle, son jeune collègue de la fabrique de poupins. Leur train-train quotidien va être bousculé par l’embauche à l’usine de Rose, jeune mère célibataire qui sympathise avec eux.



La critique


Retour à la sobriété

  Après Ocean’s Eleven, Steven Soderbergh réalisait pour une bouchée de pain le très bon Full Frontal. Après Ocean’s Twelve, le réalisateur poursuit le rêve des indépendants américains, alterner grosses sorties et petits films, avec Bubble.

  Petit, Bubble l’est assurément par son budget (moins de 2 millions de dollars), son casting (acteurs non professionnels), son tournage (moins de 20 jours) ou sa durée (à peine 1h15). Adieu les beaux gosses de la bande à Clooney, les clinquantes capitales européennes, le montage un peu tape-à-l’œil et la musique entraînante, Soderbergh revient à une sobriété extrême. Plans fixes (on compte les mouvements de caméra sur les doigts d’une main), musique ultra-dépouillée (accords de guitare sèche), dialogues réduits à l’essentiel, décors pas franchement sexy… On n’est pas vraiment dans le glamour hollywoodien, mais bel et bien dans l’Amérique profonde des sans-grades rêvant de camping ou de cannes à pêche, celle de Wanda (de Barbara Loden, 1970) ou plus récemment de Lonesome Jim (de Steve Buscemi, 2005).

  Soderbergh s’autorise quand même une petite originalité : ses personnages travaillent dans une usine fabricant des bébés en plastique (métaphore de la reproduction d’un certain désenchantement – si ce n’est humain, du moins américain ?), offrant quelques plans d’un second degré remarquable.


La solitude du travailleur de fond

  Cumulards de petits boulots plutôt rébarbatifs, évoluant dans des espaces cloisonnés, presque étouffants (l’usine, la salle des repas, les petits appartements), Martha, Kyle et Rose ne s’apitoient pourtant quasiment pas sur leur sort. Ils ne sont certes pas esseulés, chacun étant rattaché à sa famille : Martha s’occupe de son vieux père, Kyle habite encore chez sa mère et Rose élève seule sa petite fille. Mais chaque membre de la famille est en soi une sorte de boulet à traîner, ancrant inévitablement dans la réalité les rêves les moins fous.

  Néanmoins, Bubble ne fait pas dans la franche critique sociale, plutôt dans un constat doux-amer des rapports humains de cette frange de la population qui n’aura jamais droit aux cocotiers ou aux couvertures de magazines. Rapports qui, bien que plutôt simples, sont aussi fragiles, révélant des failles cachées au fur et à mesure de l’histoire, même si on n’est pas non plus dans les bourgades cauchemardesques de Lynch. Qui est vraiment Rose la nouvelle ? Et qui est vraiment Martha l’ancienne ? Grattons un peu la couche apparente pour le savoir… Le scénario n’est certes pas bien épais ni très complexe, mais l’on s’attache aux excellents acteurs et à leur mise en scène talentueuse. L’apathie de ces anti-héros moyens nourris au fast-food, leur isolement par l’utilisation du grand angle dans les nombreuses scènes d’intérieur, la fixité des plans, la mécanique de l’usine, tout est fait pour que le spectateur soit contemplatif de la routine ambiante.

  Difficile d’en dire plus sur l’intrigue au risque de dévoiler rapidement le déroulement de la grosse heure que dure le film. Soderbergh livre pourtant une remarquable leçon de simplicité et de cohérence à tous les niveaux, qui vaut le détour, même si l’on peut rester un peu sur sa faim au bout du compte.


Autour du film

  Bubble a occupé le devant de l’actualité cinématographique en raison d’une première historique : il est sorti en même temps en salle, en DVD et en vidéo à la demande. On ne tirera pas d’ores et déjà des conclusions « de marché ». Cette expérience se renouvellera à l’avenir puisqu’il est prévu que Soderbergh réalise 5 autres films sur ce mode.

  Sur un point plus technique (et lié à ces sorties simultanées salle/DVD), on notera l’utilisation d’une caméra HD. Bien loin de l’image bruitée, du fourmillement et des défauts de sensibilité de la DV, on retrouve une photographie très propre (bien que l’éclairage n’ait pas bénéficié d’une attention de tous les instants…) et des scènes nocturnes intéressantes : la texture de l’image rejoint celle de certaines scènes de Collateral (tourné en partie en HD) par exemple. Troublante sur certains plans (dans l’usine on sort presque de la fiction pour entrer dans l’information vu la netteté et la précision des détails que permet la définition de telles caméras), la HD apporte aussi de nouvelles possibilités esthétiques. Bubble est aussi à voir sous cet aspect pour les passionnés de technique numérique.


A voir : pour sa sobre leçon de mise en scène

Le score presque objectif : 7/10

Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, sauf si vous n'aimez que les Ocean's  et Hors d'Atteinte  chez Soderbergh