Débarqué de nulle part, Les Fils de l’homme reprend pour la énième fois divers thèmes chers au cinéma d’anticipation. Sauf que c’est Alfonso Cuaron, responsable de l’excellent Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban, qui est aux commandes …
Les Fils de l’homme
Titre original : Children of men
USA, 2006
Réalisateur : Alfonso Cuarón
Acteurs : Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine
Adapté du livre de P.D. James
Durée : 1h50
L’histoire
Dans un futur proche, les êtres humains ne sont plus capables de se reproduire. Une jeune femme, Kee, tombe enceinte, et devient par la même occasion une proie pour tous. Un homme, Théo, est chargé de la protéger…
Pour, par Arnaud Weil-Lancry
L’anticipation, (petite) poule aux œufs d’or…
Les films d’anticipation brillent rarement par leur originalité : futur post-apocalyptique (Mad-Max, L’armée des 12 singes…), futur chaotique camé (Strange Days…), mais surtout, futur proche gris, blanc, aseptisé. Dans cette catégorie, on peut classer bien des succès contemporains, allant de Gattaca à Equilibrium, en passant par Blade Runner ou le méconnu Passé Virtuel. Beaucoup de réussites intéressantes, mais banalisées par leur souci de présenter un futur proche « métallique » et donc peu accessible car trop éloigné de nos réalités actuelles. Alfonso Cuaron rectifie le tir avec Les Fils de l’homme, film d’anticipation marqué par son souci de l’authenticité et d’un futur quasi immédiat indigeste et très peu souhaitable.
Que c’est crade…
C’est probablement la première réflexion qui vous viendra à l’esprit lors des premières minutes du dernier film du réalisateur du Prisonnier d’Azkaban. En effet, on retrouve dans Les Fils de l’homme ce qui avait fait le succès du troisième volet de la saga Harry Potter : une vision sombre et torturée de la nature humaine et un penchant pour la noirceur, le tout mâtiné d’un goût esthétique cradingue et léché. Fils de l’homme ne dépareille pas et met en scène Théo, acteur malgré lui d’une course effrénée pour sauver l’être le plus jeune du monde. Dans ce futur proche, plus rien n’appelle l’espoir puisque la procréation n’est plus possible. Ce désespoir appelle la perdition, et ce devenir funeste paraît tellement concret qu’il fait froid dans le dos. A qui la faute ? Aux manipulations génétiques gouvernementales ? Aux extraterrestres ? A la pollution ? Alfonso Cuaron ouvre bien des portes en laissant le spectateur seul maître des réponses. A travers son thriller futuriste d'un scénario un peu alambiqué, il parvient à distiller progressivement une angoisse : que l’avenir que nous nous construisons est loin d’être rose et qu’un tel monde soumis au chaos n’est pas si invraisemblable, loin de là.
Nature morte…
Si le réalisateur mexicain excelle à mettre en scène intelligemment des problématiques très actuelles (immigration, stérilité, ordre et chaos, pollution…), c’est aussi grâce à des acteurs authentiques qui paraissent refléter très exactement cette vision destructurée du réalisateur. Michael Caine et Clive Owen apportent tout juste ce qu’il faut de mélancolie et de nostalgie pour interpeller très justement le spectateur. Un peu comme les versants organiques d’un monde en déchéance complète, les deux acteurs permettent au film de Alfonso Cuaron d’atteindre un degré palpable saisissant, partiellement atténué par une caméra un peu trop baladeuse et des longueurs balourdes inutiles. Toutefois, ces petits désagrément n’entachent en rien l’intérêt de ces
Fils de l’homme qui fini par laisser un sale arrière-goût dans la bouche : voici le monde que nous méritons car c’est le futur que nous nous construisons.
Verdict : 7/10
Sans être inoubliable, Les Fils de l’homme a le mérite de mettre en scène un futur très proche et de poser des questions véritablement importantes. Un film d’anticipation qui vaut le détour pour son regard très authentique, malgré des longueurs un peu malvenues.
Site officiel:
Les fils de l’homme
Contre, par Sébastien Keromen:
Imaginez un livre avec une superbe couverture, superbement illustrée, avec un titre en verni UV repéré ou n’importe quel autre effet spécial de packaging, et pas d’histoire à l’intérieur. Ou imaginez le cadre d’un tableau, superbement ciselé et en or massif, autour du dessin d’une voiture fait par votre petit neveu de 2 ans et demi. Ou imaginez que vous compreniez ce que j’ai à dire sans passer par des métaphores douteuses. Le cadre, l’ambiance, l’univers, le décor des Fils de l’homme sont irréprochables. Rarement on a vu un univers aussi complet et cohérent, aussi déprimant aussi, mais c’est voulu. Tout le futur décrit semble cohérent et crédible, et on adhère tout de suite à ce monde. Et on n’attend plus qu’une chose : une histoire à la hauteur du cadre. Mais j’attends toujours (et pourtant le film est fini, oui).
Tout ça pour rien. Parce qu’il ne se passe rien. Oh, il y a bien des gens qui courent, qui se tirent dessus, avec notamment vers la fin un immense plan séquence à la première personne dans une guérilla urbaine, un morceau de Medal of Honor très convaincant. Et aussi des personnages, dont certains honteusement sous-employés. Et des raisons pour ce qui arrive, mais c’est pas très net, et de toute façon le héros a juste à se sauver, pour amener un bébé quelque part. Franchement, on ne saisit pas bien pourquoi c’est si important, mais si ça compte pour lui, on va le laisser faire. On suit donc tout le monde s’agiter mollement sans trop comprendre ce qui les motive, on essaie de comprendre si on a raté quelque chose dans ce scénario anémique, mais on ne peut que répondre par la négative. On en vient même à douter de l’univers décrit : les raisons conduisant à tout ça ne sont pas décrites, ni la raison de la stérilité générale, ni le traitement des immigrants, ni l’origine des groupes terroristes. Entre parenthèses, je serais à la tête d’un pays où il n’y a plus de naissances, j’encouragerais fortement l’immigration pour éviter la diminution de la population, plutôt que de la réprimer strictement. Pas très clair tout ça.
Voilà pour le film. Un superbe cadre pour une histoire indigente dont le spectateur se fout éperdument. Sans doute une attaque contre la politique pas assez écolo et trop fasciste actuelle, mais tellement diffuse qu’on ne peut la rattacher à rien de concret dans l’actualité. Peut-être le livre original était-il plus explicite, mais le film en tant que tel est insuffisant. Une belle occasion gâchée, mise en scène avec talent, mais ça ne suffit pas.
A voir : pour l’univers décrit
Le score presque objectif : 6/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, quel dommage de n’avoir rien à raconter
Sébastien Keromen