Casino royale : pour ou contre

par: Sebastien Keromen

Pour sa première mission (Casino royale est le premier roman de Ian Fleming et donc la première aventure officielle du personnage), James Bond affronte un puissant banquier privé à la solde de terroristes internationaux, Le Chiffre. Pour achever de le ruiner et démanteler le plus grand réseau criminel qui soit, Bond doit le battre lors d'une partie de poker à haut risque au Casino Royale. La très belle Vesper (Eva Green), attachée au Trésor, l'accompagne afin de veiller à ce que l'agent 007 prenne soin de l'argent du gouvernement britannique qui lui sert de mise, mais rien ne va se passer comme prévu.

Pour, par Bruno Orrù

Casino Royale est le premier Bond officiel qui n’est pas directement produit par la MGM, mais par Sony Pictures (placement produits Sony récurrent tout au long du film !). Est-ce pour cela que Casino Royale met en scène un Bond qui tranche radicalement ? La longue séquence de pré générique a disparue, Q et ses nombreux gadgets sont remplacés par une violence accrue et des combats corps à corps et le personnage lui-même est encore différent des précédents. Fini également les poursuites improbables avec des véhicules de fiction. Casino royale place Bond en poursuite terrestre, genre jeu vidéo de plateforme, et en violents échanges de coups de points.
C’est Daniel Craig qui à la lourde tâche de remplacer un Pierce Brosnan qui a endossé avec succès le smoking anglais. Outre un faciès à la limite inquiétant à mille lieux de celui de Roger Moore, Craig est du genre body buildé.



Une époustouflante poursuite urbaine dès le début du film
La mise en scène de Martin Campbell, déjà en charge de l’excellent Goldeneye, laisse une partie importante du métrage à la découverte du personnage, de sa sensibilité amoureuse, de ses doutes sur son métier. De fait, le film alterne des séquences bavardes avec les habituelles séquences de poursuites et bagarres à la différence près que ces dernières, comme précédemment indiqué, sont moins gadget et plus terre à terre. Bond est amoureux, on le sait si on connaît le pitch mais cela se révèle graduellement dans l’histoire. L’échange amoureux prend la (les) forme(s) de la séduisante Vesper Lynd interprétée par Eva green, française comme son nom ne l’indique pas.
Une histoire moins rocambolesque que les derniers films, pas d’enjeux pour sauver la terre ou l’univers par exemple. Ici il est plutôt question d’argent, même pas de pouvoirs d’ailleurs avec la confrontation avec Le chiffre, un banquier tendance terroriste. Le chiffre est épaulé par quelques autres méchants vénaux qui, comme toujours, se déplacent aux quatre coins du monde, et sont entourés de belles femmes.



Daniel Craig, au visage plus inquiétant au fil du film que sur les photos qui circulent...


Casino royale est le premier roman de Ian Fleming, le créateur du personnage James Bond. De fait, Bond au début du roman, et du film, vient d’acquérir sa licence de tuer, fameux double zéro. Cela explique une erreur importante que commet le personnage dès le départ de cette aventure et une appréhension palpable sous les yeux bleus de Craig. Des yeux bleus qui ont littéralement interloqué des fans du personnage si l’on en croit les réactions en nombre sur l’Internet. Pour autant, celui qui a lu, et relu, les romans trouvera en la personne de Daniel Craig un Bond proche de celui décrit par Fleming.
Au final Casino Royale se révèle un métrage plaisant, permettant de rajeunir la licence, en phase avec la cinématographie du 21ème siècle, dans le bon sens du terme. Le personnage Bond, la qualité des méchants, le rôle actif de la Bond girl principale, le réalisme posé de la situation… Casino royale se veut un film d’aventure convainquant.

La note : 8/10

Bande annonce officielle et goodies : http://www.casinoroyale.fr/

Bruno Orrù


Contre, par Sébastien Keromen



Après quatre ans d’attente, voici enfin le nouveau James Bond. Nouvel acteur, nouvelle orientation, nouveau démarrage (Casino Royale est le premier bouquin mettant Bond en scène), on pouvait craindre qu’à force d’être trop nouveau, on ne retrouve plus ce qui faisait le charme des anciens (surtout des très anciens). Et effectivement, le film s'est tellement débarrassé d’éléments qu’on retrouvait dans les autres films qu’on va avoir un peu de mal à le considérer comme un James Bond. Tout d’abord, pas de séquence de poursuite pré-générique, et un générique certes très travaillé et réussi, mais qui n’est plus dans la lignée de ses prédécesseurs : pas de jeux d’ombres, pas de femmes nues. Et surtout, crime de lèse-majesté, l’intro du générique où James Bond, vu du canon d’un revolver, marche quelques pas, se tourne et tire, est écourtée et sans la sacro-sainte musique. Quel intérêt d’enlever même ça ? Sur mon échelle de James-Bonditude, listant tous les éléments typiques d’un James Bond pour évaluer le degré de fidélité à l’héritage, Casino Royale descend à 54%, c’est-à-dire plus bas que tous ceux avec Pierce Brosnan, faut quand même le faire.
Mais bon, même en ne ressemblant pas à un James Bond, Casino Royale peut être réussi. Aurait pu, plutôt. Si le spectacle n’est pas honteux, il est tout de même entaché de pas mal de défauts. Le principal est son scénario. Côté histoire, on peut tout de même espérer dans un film d’espionnage un enjeu national (sinon mondial), des fausses pistes, des indices en pagaille, des surprises et autres retournements de situation. Si on a tout de même droit à quelques coups de théâtre, le film manque cruellement d’enjeu et d’enquête. Notamment pendant la première moitié du film, où Bond traque un mec qui le conduit à un autre mec qui le conduit à un autre mec… sans qu’on sache le moins du monde pourquoi il remonte cette piste, ce qu’il cherche, pourquoi il suivait le premier mec. C’est dommage parce que cette partie présente de belles scènes d’action, mais poursuivre un mec sans qu’on sache pourquoi, ça nous démotive un peu. Cette partie présente aussi un bout d’investigation avec des nouvelles technologies qui permettent à Bond de retrouver qui a envoyé un SMS à partir d’une vidéo de surveillance et de l’heure et du lieu d’envoi du SMS, car, comme chacun le sait, toutes les caméras de surveillance du monde et tous les téléphones portables du monde sont tous parfaitement à l’heure et synchronisés. Non, c’est pas un peu gros. Le reste de l’histoire sera un peu plus consistante, mais avec la désagréable impression de ne pas suivre une histoire globale, mais trois petites histoires à la suite, quasiment sans lien entre elles.

La superbe Eva Green


Mais n’oublions pas les personnages. Ce Bond était censé nous faire comprendre comment James Bond est devenu James Bond. Si certains côtés sont croustillants (le Martini, ou le " Bond, James Bond "), l’évolution principale est criante de manque de finesse. Il a été trahi donc il ne fait pas confiance, c’est à peu près l’ensemble de la portée psychologique de ce qu’on apprend, et c’est bien peu. Les personnages sont d’ailleurs assez mal écrits, assez caricaturaux et sans grand charisme, peu aidés par des dialogues qui alternent quelques bons mots et des kilomètres de discours lourdauds. On y ajoute une romance mal fichue, à peu près aussi peu légère que celle de l’Attaque des clones, et il ne reste pas grand chose de l’histoire pour nous contenter. Le renouveau de la licence était censée supprimer tout ce qui était superflu (donc pas de Q, et même pas de Moneypenny) pour obtenir un film plus dur, plus dépouillé, plus réaliste. Ce qu’il réussit par moment et manque complètement dans des scènes trop énormes (le défibrillateur) ou trop décalées (la scène de torture). Au menu également, un nouvel acteur pour James Bond, qui, s’il reste crédible dans le rôle, n’est pas vraiment convaincant, surtout lorsqu’il s’agit de tomber les femmes. A noter qu’il n’est pas aidé par son rôle de James Bond apprenti pas très doué, qui en fait ne résout pas grand chose par lui-même, sauf quand il faut jouer du muscle.
Un mot sur la partie de poker. Le livre mettait en scène une partie de chemin de fer, jugé trop obsolète de nos jours et remplacée par du poker à la mode Texas hold’em. Lequel fait pâle figure dans le film, étant réduit à la lecture du visage de l’adversaire pour savoir s’il bluffe, et occultant complètement la stratégie des mises et relances, qui permet normalement de gagner une bonne partie des coups sans avoir à abattre les cartes. Ici, tous les pots se gagnent au showdown, et avec des mains de folie. Alors que Bond essaie de nous faire croire que les cartes n’ont rien à voir avec la victoire, il va aligner en une partie plus de mains fabuleuses qu’un joueur professionnel n’en voit en une année (à ce propos, les mains du dernier tour relèvent vraiment de la science-fiction). Et comme le méchant, censément champion de poker, a un tell (geste trahissant son état d’esprit, notamment bluff ou pas bluff) aussi évident que de se frotter l’œil quand il bluffe, on se dit que nous aussi on peut le battre, et que franchement c’est très surfait, James Bond.

Le visage inquiétant du méchant de Casino royale : Le Chiffre

Bon, j’imagine que pas mal d’entre vous sont aussi et surtout venus pour les scènes d’action. De ce côté-là, on est plutôt pas mal servis. Même si le rythme est assez inégal et que les 2h20 de film réservent pas mal de plages un peu trop calmes, on a droit aux poursuites, bastons et fusillades qu’on était en droit d’attendre. Elles sont dans l’ensemble réussies, même si le montage est parfois un peu trop cut, plutôt originales sans être non plus inédites. Reste qu’elles manquent un peu d’impliquer le spectateur par leur absence d’enjeu, surtout au début. Un petit mot sur le product placement, qui a rarement été aussi envahissant (surtout Sony, producteur du film, et on appréciera la référence feutrée aux montres Oméga). Au final, si on ne s’ennuie pas, difficile de ne pas être déçu par ce Bond qui s’est délesté d’une partie de la légende pour la remplacer par un Bond débutant et pas très doué, dans un film finalement fade et qui manque pas mal de personnalité, de scénario et de piquant.

A voir : pour prendre des nouvelles de James Bond
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, pour un film lambda ça pourrait passer, mais pour un Bond, alors qu’ils avaient réussi le précédent, c’est la redescente aux enfers

Sébastien Keromen