La Môme

par: Sebastien Keromen



Marion Cotillard en Édith Piaf, quelle belle affiche ! Quel beau film ?

La Môme
France, 2007
Réalisateur
 : Olivier Dahan
Acteurs : Marion Cotillard, Sylvie Testud, Gérard Depardieu, Clotilde Courau, Pascal Greggory, Emmanuelle Seigner, Jean-Paul Rouve
Durée : 2h20

L’histoire
Édith Piaf de son enfance à sa mort. Que dire de plus ?



La critique

Voilà un film qui était déjà un événement avant le premier tour de manivelle, tant le personnage fascine et les projets portant sur sa bio échouaient les uns après les autres. A l’avantage du projet, la présence de Marion Cotillard, qu’on voyait parfaitement en Piaf. A son désavantage, le réalisateur Olivier Dahan, qui a notamment commis Le Petit poucet, peut-être l’un des pires films de 2001. Et à l’arrivée, on retrouve exactement cela : Marion Cotillard qui tire le film vers le haut, et le réalisateur vers le bas. Mais qui va gagner ?
Bien sûr, c’est toujours difficile de faire une biographie. Arriver à rester intéressant, tout en racontant fidèlement l’histoire, et que tout le monde en comprenne les subtilités, c’est un exercice d’équilibriste, qui se résout souvent par une narration assez plate, réaliste et chronologique. Olivier Dahan a essayé de contourner le problème, et s’est fourvoyé entre le trop et le trop peu. Pas entre les deux, ce qui serait la juste mesure, mais alternativement en trop et trop peu. Trop peu d’abord par son histoire assez longue et complète, qui ne nous épargne aucun des épisodes de la vie d’Édith Piaf, et notamment sa jeunesse, en évitant soigneusement les ellipses. Et trop parce que, pour masquer cette platitude, il a décidé de mélanger les scènes selon une logique connue de lui seul. On commence donc vers la fin, puis on revient à sa jeunesse, puis plus tard, puis plus tôt… On nous indique bien (et même pas à tous les coups) le mois et l’année, mais à part en notant tout sur un calepin au fur et à mesure (ou si vous êtes un cyborg, ça marche aussi), on perd vite le fil. Vers la fin du film, après une date est indiqué " 5 ans après ", et on se prend à sourire en imaginant que le délai avec la scène précédente ait été indiqué à chaque fois pendant tout le film…
Toujours au registre du trop, on trouve la fameuse scène où Piaf apprend la mort de Cerdan, qui sort complètement du cadre de la narration réaliste à laquelle le film s’était tenu (et à laquelle il se tiendra par la suite), et choque complètement par rapport au reste. Trop toujours quand chaque scène un peu choc est filmée en caméra à l’épaule, tendance caméra lourde sur épaule frêle, sans doute, car ça bouge tout le temps et oublie de filmer de façon à ce qu’on voie ce qui se passe. À force d’essayer de suivre tous les effets de manche et les retours et avances rapides du réalisateur, on en oublie le propos et l’émotion. Et c’est pourtant pas la faute des comédiens. Ou disons plutôt de la comédienne. Car les seconds rôles, sans être mauvais, restent un peu en deçà de ce qu’on aurait pu attendre pour un film de cette trempe, chacun jouant ce qu’il sait déjà jouer, comme Depardieu, ou surtout Sylvie Testud, insupportable dans son rôle de Sylvie Testud.



Mais heureusement il y a Piaf, heureusement il y a Marion Cotillard.
C’est peu dire qu’on l’attendait au tournant, c’est peu dire que le rôle était énorme, c’est peu dire que la gageure était de taille. Et même avec toute cette exigence, on peut résumer sa performance en un mot : irréprochable. Sans nier l’apport de la qualité des maquillages, on ne peut que s’incliner devant la qualité de son interprétation, de son identification à la chanteuse, à tel point qu’on ne sait plus laquelle des deux est à l’écran. Elle arrive à rendre fascinante cette femme qui aurait pu apparaître assez antipathique, à rendre touchante ses caprices et sa vulgarité. Et si l’émotion n’arrive pas à percer dans le film, c’est bien en dépit de sa performance, et non pas à cause d’elle.
Alors, la superbe performance d’une actrice contre l’insupportable maniérisme d’un réalisateur, qui l’emporte ? C’est malheureusement un match nul, aggravé par la longueur d’un film qui n’a pas trop su sur quoi se concentrer et aurait gagné à écourter la jeunesse de son héroïne en quelques scènes qui nous auraient autant permis de comprendre son parcours. On reconnaîtra toutefois au réalisateur (et scénariste) le mérite de ne pas avoir fait une bio toute rose, mais au contraire d’avoir abordé de front le côté sombre de la chanteuse (humeur, drogue…), mais ça ne suffit pas. On n’ira pas jusqu’à dire qu’on s’ennuie, mais difficile de ne pas trouver le film trop long. Alors si on adore Piaf, ça devrait aller, mais si on n’a pas a priori d’intérêt pour la chanteuse, le film va sembler un peu trop long.

A voir : pour la vie de Piaf, pour la performance de Marion Cotillard
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, vous pouvez vous laisser tenter, si ça vous tente, justement

Sébastien Keromen