Alpha Dog
Sortie:
28/03/2007
Pays:
Etats-Unis
Genre:
Durée:
1h56 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Alpha Dog

par: Arnaud Weil-Lancry

Alpha Dog est le dernier film de Nick Cassavetes, remarqué il y a dix ans pour son She’s so Lovely. Inattendu et déroutant, ce dramatique film de gang est bien plus qu’un simple nanard pour midinettes désoeuvrées…

L’histoire
Dans la banlieue de Los Angeles, Johnny et ses potes se laissent vivre, entre filles faciles, beuverie et petite délinquance. Pour s’assurer que Jake lui remboursera son argent, Johnny kidnappe son petit frère, Zack. Mais ce dernier, traité plus comme un membre de leur bande que comme un otage, s’attache facilement à cette bande de durs. Pressé par son père et par la police, Johnny fini par ne plus savoir que choisir entre une fuite en avant, et une reddition aux forces de l’ordre…

La critique

Los Angeles…
… Le pire coin du monde… Elle peut être tronquée ou erronée, mais cette image est un peu celle véhiculée par le cinéma américain depuis plusieurs décennies. Un coin de paradis (la cité des anges) où toutes les maisons sont sur un niveau unique, où toutes les routes sont tristement éloignées, identiques et parallèles, un paradis d’effrayante impersonnalité. Qu’on se rappelle les propos  du personnage de Tom Cruise dans Collateral qui affirmait avec tellement de certitude ces clichés inquiétants. Réalité… fiction… Ce stéréotype de la Californie et de Los Angeles se ballade pourtant depuis longtemps sur les grands écrans : entre autres le film précité de Michael Mann ou Down in the Valley de David Jacobson. Une image d’un grand Ouest paumé et inévitablement perturbant où cohabitent errements, grands espaces, et gangs livrés à eux-mêmes capables de vous coller une balle entre les omoplates pour un regard de travers… Alpha Dog adhère complètement à cette imagerie déprimante où impersonnel, superficiel, et mort sont synonymes d’ennui et de laissé aller permanent… Telle est la situation de Johnny Truelove, Jake et le reste de leur bande, gamins gâtés et négligés, qui vont se retrouver pris dans un engrenage complètement borderline jusqu’à un final inéluctable.
Le fils de…
… S’il est connu pour être le fils de ses parents (John Cassavetes et Gena Rowlands), Nick Cassavetes l’est aussi pour son parcours d’une polyvalence extrême (réalisateur, acteur, producteur, scénariste) surtout marqué en 1997 par She’s so Lovely avec Sean Penn et Robin Wright Penn. S’emparant avec Alpha Dog d’un fait divers dramatique, le réalisateur américain prend de gros risques en adoptant un ton résolument dramatique, certes, mais aussi en flirtant avec une pseudo image de djeun’s. La faute incombant à Justin Timberlake, star de ces demoiselles de son état, ici véritable poule aux œufs d’or. La surprise est néanmoins de taille car Alpha Dog n’est pas le navet attendu, ersatz de Boy'n the Hood mâtiné de Fast and Furious. C’est un polar nerveux pas trop mal gaulé qui met en lumière une belle brochette de jeunes acteurs fichtrement surecxités : Emile Hirsh, Justin Timberlake, et surtout, Ben Foster, LA révélation du film. Exit son image de minet apeuré de X-men 3, notre ex Angel livre ici une interprétation psychédélique et délirante, celle de Jake Mazursky, petite frappe notoirement barjot, dont les exactions n’ont d’égal que la folie. Paradoxalement, ces petits délinquants manquent de crédibilité : même aux firmament de la folie de Jake, même dans les passages soi-disant terribles de la dernière demi-heure, on a quelques difficultés à vibrer pour les malheurs de cette (trop) sympathique bande de petits merdeux. Malgré leur comportement hautement condamnable, ils demeurent ici avec leur charmante et belle gueule sans parvenir à convaincre le spectateur de la dangerosité de leurs intentions. A qui la faute… ? A une trame un rien laborieuse ? A des acteurs trop lisses pour être dingues ? A un film un peu trop propret ? Un peu de tout peut-être…

Los Angeles encore et toujours…
Un rien light dans son traitement scénaristique, Alpha Dog fait aussi apparaître Bruce Willis et Sharon Stone, décidément plus en forme lorsqu’il s’agit pour elle d’éclater dans toute sa faiblesse. Elle se fait pourtant voler la vedette par la ville de Los Angeles, qui constitue un cadre parfait pour le désoeuvrement de cette joyeuse bande de drilles. Finalement, on est tous un peu gagnés par le laissé aller dominant, entre insouciance fatale et égarements dans ces grands espaces infinis. L’absence de responsabilité des parents, le désoeuvrement de toute cette jeunesse, l’abandon que ces gosses paraissent subir, rien que des miroirs de nos chères banlieues ici-bas… Avec des conséquences qui atteindront leur climax dans les dernières minutes. Ce ressenti d’égarement est tellement fort que l’on comprend sans peine le message véhiculé par Nick Cassevetes. Les propos du réalisateur confirment ce sentiment d’une quasi recherche identitaire au cœur d’une Amérique baignant dans une contre-culture dominée par l’image des gangsters et du gang dans son sens le plus large.

Très loin du petit nanard pour ado qu’on aurait pu attendre, Alpha Dog n’est toutefois qu’à moitié réussi. Les acteurs sont doués, la réalisation technique sans faille, mais cela ne suffi pas complètement à faire un bon film. La grande star demeure Los Angeles, avec sa folie attenante et sa glauque impersonnalité… Jusqu’à un film qui bouleversera ce cliché si fortement installé…
 
Verdict : 7/10
Un film inégal que cet Alpha Dog… Pas mal réalisé, pas mal interprété, il manque pourtant de rythme et de souffle pour complètement accrocher son spectateur. A visionner pour sa vision amère d’un monde désenchanté…
Site : Alpha Dog