Du jour au lendemain, une inconnue (ou un inconnu) tombe follement amoureuse de vous et vous poursuit sans relâche de cet amour à sens unique… Effrayant n’est-ce pas ? C’est pourtant le scénario du premier long-métrage de Michel Spinosa,
Anna M., avec Isabelle Carré et Gilbert Melki dans les rôles principaux…
L’histoire
Suite à un accident, Anna rencontre le docteur Zanevsky. La jeune femme se persuade que le docteur est amoureux d’elle et va peu à peu sombrer dans une obsession à sens unique. Rien n’entamera sa conviction…
La critique
Une immersion immédiate…C’est probablement parce que Isabelle Carré a toujours provoqué en moi un rejet viscéral lié à son physique angélique un peu particulier que je me suis décidé à aller visionner
Anna M., l’histoire d’une jeune femme amoureuse qui finit par lentement sombrer dans la folie suite à son penchant ... Lentement ? Absolument pas. Au contraire, le sentiment de la jeune femme est à sens unique mais surtout il est radical et immédiat. Cette rapidité de la mise en scène et on pourrait le dire de l’action, surprend de la part d’un film se voulant être un drame français, genre traditionnellement très lent. Michel Spinosa choisit une plongée immédiate au cœur de son intrigue en mettant directement son spectateur aux prises avec son sujet et sa folie fulgurante. Rien ne nous est épargné : passé un ridicule préambule qui pose à peine son décor (vie professionnelle et personnelle de la jeune femme, d’une vacuité effrayante),
Anna M. plonge avec son spectateur médusé au cœur même de la folie de son héroïne.
L’Enfer selon Isabelle Carré…
Et Enfer il y a… Proche des personnages d’un Chabrol ou d’un Truffaut par son mélange de douceur et de crudité,
Anna M. renvoit directement à la folie de
L’Enfer réalisé en 1994 par Claude Chabrol, mettant en scène un effrayant François Cluzet aux prises avec son imaginaire et sa folie. Mais là où la folie d’un personnage de sexe masculin dérange simplement, celle d’une femme effraie, comme c’est le cas avec
Anna M. Isabelle Carré livre ici une interprétation hallucinée et effrayante d’une jeune femme ayant dépassé les frontières de la raison. Rien n’est épargné pour faire prendre conscience au spectateur de l’intensité de la folie de la jeune femme. Celle-ci, dont les premiers gestes empreints de solitude et de folie sont mis en scène avant son accident, tombe amoureuse de son médecin et signe pour un aller simple dans sa propre conscience. Car c’est pratiquement d’introspection dont on pourrait parler. Michel Spinosa ne tombe pas dans les clichés qui pourraient voir étaler les antécédents de la jeune femme ou alors les raisons de son comportement obsessionnel d’aujourd’hui. Il s’attarde en permanence sur la violence surprenante résultante du comportement érotomane de son héroïne. La séquence avec les deux petites filles en est le meilleur exemple.
L’embarquement est immédiat, direct, dans le cerveau de cette femme. Le réalisateur de
La Rue Ouverte concentre toute sa réalisation sur son actrice avec un soin de tous les instants à démontrer son égarement mental : plans fixes, gros plans, longues séquences égarées… Tout est mis en scène pour mettre en lumière l’étendue de la déraison de Anna, ses obsessions et son comportement horrifiant. Gilbert Melki lui oppose un docteur Zanevsy dépassé par ce cauchemar, mais aussi d’une interprétation complètement effacée, pour démontrer avec une efficacité redoutable l’ampleur d’une telle situation et l’égarement de ces êtres perdus dans leur propre prison mentale. Etrange coïncidence, C’est François Cluzet qui avait été pressenti au début pour incarner le docteur Zanevsy.
Et pour une fois, le spectateur est complètement impliqué dans ce drame sordide, ressentant au plus profond de lui l’atteinte quasi intime que constitue un tel comportement pour quiconque. L’impact constitué par une telle intrusion est d’autant plus violent qu’il est véhiculé par un visage angélique, celui d’Isabelle Carré. Pour un premier long-métrage, Michel Spinosa remporte son pari haut la main, avec cette odyssée au bord de l’explosion mentale. La boucle est bouclée lors de la dernière séquence, qui achève de tétaniser le spectateur avec son plan final glaçant…
Verdict : 8/10Isabelle Carré, complètement à contre-emploi, nous livre avec Anna M. un film éprouvant, sans doute son meilleur rôle. Ames sensibles s’abstenir…
Tchat : Isabelle Carré & Michel Spinosa