Les Promesses de l'ombre
Eastern Pomises
Sortie:
07/11/2007
Pays:
USA / Brit
Genre:
Durée:
1h40 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Les Promesses de l'ombre

par: Arnaud Weil-Lancry



Un film de David Cronenberg est toujours un évènement à saluer. Sa dernière oeuvre, Les Promesses de l’ombre, n’entache en rien la réputation solide et sulfureuse du réalisateur canadien…

L’histoire
Suite à un accouchement qui tourne mal, Anna se retrouve en possession du journal intime de la victime. Ce petit carnet va la mener tout droit au cœur de la mafia russe de Londres…

La critique

Le réalisateur borderline…
David Cronenberg n’a jamais rien su faire comme les autres… Son cinéma, un rien éclectique, a, avant tout, été marqué par le fantastique et le gore. Tour à tour artisan du bizarre (le Festin Nu), des métamorphoses dérangeantes (La Mouche) ou d’une forme de masochisme métallique (Crash), le génial réalisateur de Dead Zone est progressivement sorti du cinéma fantastique pour s’imposer à part entière comme un des plus grands cinéastes avec History of Violence en 2005. En quelque sorte évadé du genre fantastique habituellement ultra cloisonné et réservé à une certaine catégorie de cinéphages et cinéphiles un peu élitistes, David Cronenberg a accompli l’exploit de s’imposer comme un réalisateur incontournable en demeurant fidèle à ses convictions et à ses idées. En effet, de La Mouche à Crash, le canadien n’a jamais caché son attirance quasi malsaine pour un rapport à la chair cru et décomplexé, brutal et brut. Ses films n’hésitent jamais à mettre à mal les corps de ses comédiens, comme s’il s’agissait d’en permanence leur faire prendre conscience de l’existence de leur propre corps, et La Mouche, un de ses chefs d’œuvre, est le meilleur exemple de cette philosophie d’être son corps. Le réalisateur l’a déjà affirmé : il ne croit pas à la vie après la Mort, cette dernière réduit l’Homme à l’état de poussière, la Vie, c’est donc maintenant… Bien sûr, on ne peut réduire son œuvre à une simple approche corporelle et ses films mettent toujours en avant l’humanité de ses personnages. Même à travers ses travaux récents, comme History of Violence, David Cronenberg conserve sa passion pour le corps humain (bagarres extrêmement violentes et brutes, séquence d’amour authentique et éprouvante) avec néanmoins une petite difficulté à imprimer durablement. Les Promesses de l’ombre a le même défaut : malgré d’indéniables qualités, ce dernier film a quelques difficultés à marquer durablement l’esprit du spectateur.






Les Promesses de David Cronenberg…
Suite au décès d’une jeune fille, Anna, sage-femme à Londres, se retrouve en possession d’un journal intime. Elle ne se doute pas que le petit fascicule va la faire pénétrer dans l’univers de la Mafia Russe… En quelques mots, tout est dit, le synopsis est simple mais redoutable, faisant pénétrer le spectateur dans un univers assez épargné par le cinéma, la mafia russe. L’incursion est complète et abordée de manière intéressante, on y découvre les codes, les coutumes et la structure de ce système hors-la-loi. Viggo Mortensen y incarne Nikolaï, un chauffeur au service de Kirill, le fils du parrain local. Les principaux hommes de ce film sont impériaux : Viggo Mortensen, fidèle au réalisateur depuis History of Violence, et Vincent Cassel, qu’on découvre ici (ô miracle) sobre et posé. Leurs personnages sont en complète opposition, le premier, personnage mystérieux de l’ombre plus nuancé qu’il n’y paraît et le second, progéniture officielle et presque honteuse de Semyon, figure patriarcale par excellence. Naomi Watts complète cet excellent tableau d’acteurs en offrant une prestation splendide, comme souvent chez cette actrice rôdée aux interprétations viscérales et éprouvantes depuis 21 grammes. Nos trois personnages, et c’est un des plus grands intérêts du film, n’ont rien de stéréotypé et David Cronenberg s’attache à mettre continuellement en valeur leurs différences et leurs comportements. En trinité parfaite, ils incarnent trois aspects humains fondamentaux, l’aspect maternel, l’aspect mâle brut lâche, l’aspect mâle brut fier et courageux. Le réalisateur, jouant en permanence sur leurs diverses facettes, fait de chacune de leur rencontre (voire de leur apparition) une véritable confrontation dans laquelle cohabitent violence et séduction. En réalité, d’authentiques moments de cinéma qui n’oublient jamais d’afficher de manière presque outrancière l’attachement du réalisateur au concept de chair. On s’amusera à remarquer la complète opposition entre le personnage de Viggo Mortensen dans History of Violence (mafieux repenti qui souhaite abandonner son ancienne vie et rester dans l’ombre) et dans Les Promesses de l’ombre (mafieux qui souhaite passer de l’obscurité à la lumière, c’est-à-dire être accepté dans le clan).






Agréable torpeur…
Au milieu de ces rapports humains si habilement mis en scène, on se saura oublier la dimension plus technique de ces Promesses de l’ombre : la photo est soignée, les couleurs sombres et ténébreuses, la musique, divine. Quelques minutes suffisent pour reconnaître l’excellent travail à base de cordes de Howard Shore. D’ailleurs, son travail sur Les Promesses de l’ombre ressemble à s’y méprendre à sa partition méconnue de The Yards. Fidèle à ses habitudes, David Cronenberg réalise un film très progressif et très lent qui privilégie l’atmosphère au détriment du rythme. Si ce dernier n’a rien de catastrophique, on a toujours quelque peu tendance à se laisser un peu bercer par la douce langueur qui s’échappe du film. Cette torpeur (déjà présente dans History of Violence) paraît réellement devenir un concept à part entière pour le réalisateur, peut-être au détriment de l’immersion du spectateur dans ses films. On en ressort avec le sentiment d’un film un peu égoïste, plus réalisé pour l’unique plaisir d’un créateur que pour celui du spectateur. Ce dernier risquera d’en ressentir une petite déception, comme si on l’avait maintenu en dehors de l’œuvre, à la manière des véritables créations artistiques. Ah… Mais il est vrai que nous sommes en présence d’un authentique artiste…






Verdict : 7,5/10
Une très belle œuvre de la part de David Cronenberg, qui a toujours quelques difficultés à s’imprimer dans l’esprit du spectateur. Néanmoins un film incontournable après History of Violence.
Site officiel : Les Promesses de l’ombre

Deux petits bonus, les liens directs vers les bandes originales des Promesses de l’ombre et The Yards à petit prix…