Après l’Esquive, succès public, critique et César de 2004, on attendait beaucoup le nouveau film d’Abdellatif Kechiche. Encensé par la critique, son nouveau film tient-il toutes ses promesses ? Ben…
La Graine et le muletFrance, 2007
Réalisateur : Abdellatif Kechiche
Acteurs : Habib Boufares, Hafsia Herzi, Olivier Loustau, Bruno Lochet
Durée : 2h30
L’histoireSlimane a la soixantaine. Il travaille sur un chantier naval à Sète, mais il n’y a plus beaucoup de travail. Pour pouvoir aider ses enfants et son ex-femme, et aidé de sa nouvelle compagne et de sa fille, il va tenter de monter un restaurant de couscous de poisson sur un bateau. Mais rien n’est simple.
La critiqueAprès l’Esquive et sa reconnaissance méritée, Abdellatif Kechiche va à nouveau sonder le quotidien de gens simples, avec leurs coups de gueule et leurs coups de cœur. Il va d’ailleurs appliquer la même méthode que pour l’Esquive, mais avec une réussite moindre. Car le film souffre de trois maux, qui tournent tous autour de sa longueur : 2h30, est-ce bien raisonnable ? Si cela permet de présenter tous les personnages (et il y en a pas mal, peut-être même un peu trop pour bien s’y retrouver), cela leur laisse aussi parfois le temps de tourner en rond. Exemple de scène : « Mais où est la semoule ? » « Ben elle doit être là » « Non, alors où elle est ? » « J’te jure, moi j’ai tout sorti » « Tu vois bien que non puisqu’il manque la semoule » « Mais t’es sûre qu’elle est pas là ? » « Je suis sûre. J’ai regardé partout. Elle est où, alors ? » « Si, elle doit être là » « Je te dis que non » « Mais t’as bien regardé ? Moi j’ai tout sorti » « J’ai tout revérifié. T’es sûr que vous l’aviez bien prise ? » « Ouais, on a tout pris. T’es sûre qu’elle est pas là ? » « Non, elle doit être restée dans la voiture » « Non, on a tout sorti »… Et je coupe là parce que même à écrire on se lasse vite. Sérieux, vous coupez toutes ces redites et tous les tournages en rond des dialogues, vous gagnez 20 minutes.
Alors c’est pas qu’on s’attache pas aux personnages et à leurs aventures, c’est que ça fait un peu long d’engueulades et de dialogues en roue libre (qui semblent parfois improvisés, et sans beaucoup d’imagination), et que finalement on trouve le temps long. Le film reste, un peu comme l’Esquive, assez agaçant, entre gens qui s’engueulent pour rien, ou personnages qui prennent choisisse toujours l’option la plus idiote (quand vous aurez 61 ans et qu’on vous volera votre scooter, vous courrez vraiment après en espérant rattraper les voleurs ?). Le film se déroule donc longuement, entre émotion et énervement, mais bon, on s’accroche, on veut savoir comment ça finit. Sauf qu’on le saura pas, car le générique interrompt prématurément l’histoire. J’ai déjà vu des films dont la fin semble un peu brutale, mais rarement à ce point. On a tout juste les pistes qui permettent d’imaginer une fin, mais dans un film classique ce sont les pistes que le réalisateur s’ingéniera à prendre à contre-pied pour nous surprendre. Ici on en est réduit à imaginer une fin qu’on voyait venir, sans grand intérêt en fait. On est bien mal récompensé de notre patience.
Au final, s’il possède de vraies qualités (acteurs épatants, histoire touchante, réalisme pittoresque), La Graine et le mulet est un film ingrat, qui demande au spectateur de faire l’effort de supporter des longueurs et scènes gavantes, pour lui retirer l’assiette avant le dessert. Frustrant.
A voir : pas obligé
Le score presque objectif : 6/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, vous avez sans doute mieux à faire de 2h30
Sébastien Keromen
