Largo Winch
Sortie:
17/12/2008
Pays:
France
Genre:
Durée:
1h50 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Largo Winch

par: Sebastien Keromen

Adapter une BD à l’écran est toujours difficile, et les films français s’y étant risqués ont rarement été concluants. Aujourd’hui c’est la BD culte de Jean Van Hamme qui va nous faire rentrer dans la vie du multi milliardaire le plus aventureux de la littérature. Mission réussie ?

Largo Winch
France, 2008
Réalisateur
 : Jérôme Salles
Acteurs : Tomer Sisley, Kristin Scott Thomas, Gilbert Melki, Mélanie Thierry, Anne Consigny
Musique de : Alexandre Desplats
Adapté de la BD de Jean Van Hamme et Philippe Francq
Durée : 1h50

L’histoire

Fondateur du groupe W, le milliardaire Nerio Winch est assassiné. Son empire financier revient à son fils adoptif et caché, Largo, qui va devoir échapper aux pièges de la haute finance et des tueurs à gages pour découvrir le fin mot de l’histoire.




La critique

Difficile d’adapter une BD à l’écran. Parce que le langage est différent, et qu’à de très rares exceptions (300), il n’est pas possible de mettre telle quelle la BD à l’écran. D’où le choix fait ici : on change tout. Bon, pas tout, mais on change plein de trucs pour s’approprier le matériel de base et le formater pour le grand écran. Jusque là, rien de très choquant. Mais n’en ont-ils pas fait un peu trop ? Déjà, côté personnages, on n’en garde en fait que 3 : Largo, Freddy, et Nerio. Le conseil d’administration du groupe W est complètement changé : plus de Cochrane, plus de Sullivan, Miss Pennywinkle réduite à un clin d’œil… On a bien remplacé ce monde par d’autres mais ils sont plus fades, que ce soit Kristin Scott Thomas qui joue comme d’habitude, ou Kwan (le seul membre du Board qu’on entend un peu) qui reste très cliché, ou le tueur à gages sans grand intérêt. Même le personnage de Mélanie Thierry semble un peu inutile dans l’histoire. Mais surtout, c’est la disparition de Simon Ovronaz qui gêne le plus. D’abord, si vous connaissez bien l’histoire originale, difficile de faire sans lui, et effectivement on change pas mal de choses, et on y reviendra. Mais surtout, cela affecte beaucoup la dynamique de l’histoire. Largo se retrouve quasiment tout le temps en solo, ce qui nous prive des dialogues irrésistibles de la BD, qui permettaient aussi d’ajouter pas mal d’humour dans l’histoire.




Parce que là, c’est du sérieux. Si Tomer Sisley est un bon choix pour incarner Largo, et il s’en sort d’ailleurs plutôt bien, le scénario lui a concocté un Largo assez torturé et rempli de doutes (comme dans le livre), mais sans le côté bonne humeur et dérision en toutes circonstances, sans la désinvolture qui le rend irrésistible. Le tout est un peu trop plat et sage, Largo Winch c’est quand même plus de violence et plus que sexe que tout ça. Et plus riche aussi, et je ne parle pas que de dollars, car ici les relations entre les personnages sont assez réduites. La seule chose conservée à l’identique et bien retranscrite, c’est l’enfance de Largo puis sa prise en charge par Nerio, ici pris comme point de départ du personnage de Largo (ce qui est vrai aussi dans le livre, mais en accentuant plus sur son goût du challenge). Et aussi l’accueil de Largo au premier board meeting. Mais tout le reste est modifié, parfois du tout au tout.




Avec tous ces changements, le scénario aussi devait être modifié. Mais quand on se lance dans une nouvelle histoire de Largo Winch, vu l’excellence des histoires originales, il faut de l’idée. Le film fait semblant de reprendre le scénario des 4 premiers tomes (la mort de Nerio et la découverte de l’héritier pour L’Héritier/Le Groupe W, et l’OPA sur le groupe pour O.P.A./Business blues), mais n’en reprend en fait que le point de départ (pas mal de modifications sur la première histoire, vu l’absence de Simon, et rien de tout le développement pour la deuxième – pas de Melly, pas d’Archer vert, pas d’IRS, pas de Libyens, enfin rien, quoi). Le développement après tient pas trop mal la route (même si certains éléments, comme l’emprisonnement initial de Largo, restent inexpliqués dans leur utilité), mais sans commune mesure avec le matériau original. Alors c’est sympa pour ceux qui ont déjà lu le livre parce que l’histoire est nouvelle et qu’ils peuvent ainsi être surpris, mais finalement le résultat n’est pas à la hauteur de l’attente, avec certains rebondissements dignes du feuilleton TF1 (ou France 2, pas de favoritisme) de l’été. On perd aussi l’impression de s’immiscer dans la complexité de la haute finance, sans doute un peu difficile à expliquer simplement dans un film, mais qui faisait aussi la marque de fabrique de la BD.




Bon, tout ça c’était par rapport à la bande dessinée, qu’on va laisser de côté maintenant que vous avez compris mon sentiment sur la qualité de l’adaptation. Parce que pris séparément de la BD, Largo Winch est un film plutôt réussi, dense et rythmé, où on voit du pays, qui bouge sur tout le globe et dans le temps (plein de flash-back dans tous les sens). On y parle plein de langues, d’ailleurs parfois sans vraie logique (les mêmes personnages discutent des fois en anglais des fois en français, ou des fois en français des fois en langue d’Europe de l’Est). Des scènes d’action pas mémorables mais réussies, de la machination dans les hautes sphères financières, des manigances, des traîtres, des tueurs à gages, un univers graphique uniforme et froid, que demander de plus ?
Si vous espériez un Largo à la hauteur de la BD, ce sera donc une déception, le film ayant simplifié et édulcoré le tout, au point où la fascination que provoquait la BD pour ce beau gosse jamais à court d’un bon mot, sachant toujours se sortir d’affaire, et jouant à monsieur tout-le-monde malgré sa fortune, est presque remplacée par de l’apitoiement pour un jeune homme en quête de son identité, plutôt malheureux et maussade. Un gros changement de registre, donc. En faisant abstraction de l’original, on a par contre un film plein d’énergie et qui vous fera passer un bon moment. Ça dépend donc de ce que vous recherchez…

A voir : pour le divertissement, mais pas pour retrouver la BD
Le score presque objectif : 7/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, pas si mal mais j’espérais mieux d’un Largo Winch

Sébastien Keromen