RESUME : S’il a toujours été un fidèle serviteur de son pays, le colonel Stauffenberg s’inquiète de voir Hitler précipiter l’Allemagne et l’Europe dans le chaos ; Comprenant que le temps presse, il décide de passer à l’offensive : en 1942, il tente de convaincre plusieurs officiers supérieurs de la nécessité de renverser le Führer. Un an plus tard, tandis qu’il se remet de ses blessures de guerre, il rejoint la Résistance Allemande pour mettre au point l’Opération Walkyrie destinée à éliminer le Führer.
Critique d'Emmanuel Galais :
Qu’Hollywood s’attaque à un sujet aussi délicat que celui de l’opération Walkyrie est en soit une inquiétude à demi justifiée, car on sait évidemment que les américains (comme les autres d’ailleurs) sont capables du pire comme du meilleur. Lorsqu’en plus, le film est produit par Tom Cruise, là on commence à sérieusement s’inquiéter.
Alors pour répondre à toutes ces questions, il faut y aller obligatoirement par étape. Tout d’abord, la distribution, et là effectivement, au risque de décevoir bon nombre de personne : Tom Cruise n’est pas du tout à la hauteur du personnage. L’acteur ne parvient jamais a totalement effacer ses compositions précédentes et certaines des répliques ou des situations ne font que renforcer ce sentiment, comme le fameux dialogues : « On m’a déjà punit pour bien pire que ça ! » qui n’est pas sans rappeler les glorieux dialogues des « Mission impossibles », la star se met beaucoup trop en avant et n’arrive plus à donner le change du personnage, qui n’était que l’exécuteur d’un plan longuement mûrit par une résistance allemande qui ne supportait plus les exactions de son leader. Souligner l’héroïsme de Stauffenberg reste une très bonne chose en soi, mais il ne fallait pas effacer celui de tous ceux qui ont travaillé sur ce renversement. Quand à la prestation d’acteur à proprement parlé, si elle peut correspondre en surface à la froideur des soldats, elle n’en demeure pas moins absente de toute nuance, relative aux blessures du Comte Stauffenberg, la scène où il tente de s’habiller seul à l’hôpital en est l’exemple le plus parlant.
Enfin pour ne pas trop laissé les côté négatif sur le dos de Tom Cruise, il est honnête de dire aussi que la musique est particulièrement assourdissante, surtout sur les plans larges de l’armée ou encore les scènes à tension ultime, les « boum, boum boum » deviennent très rapidement envahissants, et même si cela vient parfois renforcer la narration, la musique devient très vite abrutissante comme la scène où le moteur des avions se mêlent au « boum boum » de la musique.
Enfin on regrettera une absence de profondeur dans le traitement à proprement parler de l’histoire. Comme les raisons précises qui ont amené Stauffenberg à vouloir à tout prix tuer Hitler, ou encore les raisons de l’échec, qui sont bien trop vite éludées, de même pour la famille, qui reste la grande absente du film, on ne saura jamais quel sort leur fut réservé et comment ils survécurent à la vengeance des SS. Le scénario n’a malheureusement gardé que le côté héroïque de l’histoire sans en donner les nuances, nécessaires à la mémoire d’une véritable icône de cette partie de l’Allemagne qui refusait les crimes des nazis.
Côté réalisation, Bryan Singer accumule les idées de génie et les plans tout bonnement superbes, comme l’atterrissage de l’avion de Stauffenberg qui en soit est d’une beauté incroyable. La scène est aussi pointue que les plus belles symphonies de Wagner. Sa Walkyrie est tout simplement grandiose, tant dans la minutie du détail que dans la mise en scène onirique dont benificie le film. Le réalisateur maîtrise avec génie son sujet et donne une véritable dimension à la fois sensationnelle et particulièrement juste de l’armée allemande de l’époque. En ordonnant une approche minutieuse et respectueuse des décors et des costumes pour coller au mieux à l’histoire, Bryan Singer signe là sa plus belle idée, car le spectateur plonge totalement dans un pan de l’histoire et l’on a presque l’impression de se retrouver dans un documentaire d’époque. La distribution secondaire y faisant beaucoup d’ailleurs. Car une multitude de seconds rôles ainsi que de courtes apparitions parviennent aisément à nous plonger dans l’armée allemande, mis à part, il est vrai un assistant du service information, qui avec ses cheveux roux, a une bonne tête d’Ecossais. Dans l’ensemble, le travail minutieux du réalisateur se voit et devient très vite payant, car il parvient à donner le change d’un acteur principal pas forcément en grande forme. Il convient tout de même de saluer les interprétations de Kenneth Branagh (Frankenstein, Beaucoup de bruit pour rien) et Bill Nighy (Love Actually, Pirates des Caraïbes) qui parviennent aisément à effacer le côté très British qui les caractérise d’habitude.
En conclusion, « Walkyrie » est assurément un film qu’il était nécessaire de réaliser, et Bryan Singer s’en tire merveilleusement bien avec des plans de toute beauté et une mise en scène particulièrement soignée. Le film y aurait gagné sans la présence envahissante, et pas du tout à la hauteur du personnage, de Tom Cruise. Un handicap de taille qui, associé à une musique particulièrement envahissante et un scénario manquant de finesse ne fait qu’alourdir le film. Ce dernier ne peut en effet briller que par le savoir faire de son réalisateur.
Contre Critique de Bruno Orru :
Contrairement à mon camarade, je n’ai eu aucun problème à détacher l’acteur Tom Cruise du personnage aristocrate du Colonel Claus von Stauffenberg dont on aurait aimé, il est vrai, un peu plus de profondeur et d’explications sur ce désir de renverser le pouvoir nazi. Tom Cruise se sort plutôt bien de ce personnage peu expressif, partiellement infirme et dont le sacrifice partagé entre sauver une Allemagne ou sa famille aurait mérité un peu plus d’attention. Cruise n’est plus cet invincible agent secret prêt à des cascades hallucinantes mais, au contraire, un personnage plongé dans une colère contenue envers Adolf Hitler, tout en mêlant une crainte physique envers ce Führer dont il est question donc de le supprimer.
Une crainte d’ailleurs facilement palpable sur l’ensemble des personnages qui entourent le Führer et parfaitement retranscrite à l’écran par un Brian Singer qui a su s’émanciper de la fiction des X-men pour se rattacher à la dure réalité de cette période sombre de l’histoire. D’ailleurs l’image est loin d’un cinémascope hollywoodien, le film – en grande partie tourné sur des lieux historiques - aurait été en noir et blanc que l’on y verrait guère de différence tellement les tons ont étés délavés. Pas question ici de démonstrations sanguinolentes, mis à part une coupure de rasoir, aucun sang ne coule à l’écran.
La musique qui accompagne les différentes séquences pourront sembler « lourdes » pour certains mais s’inscrit au final très bien comme un support dramatique à la crainte déjà citée des personnages et de l’inquiétude générale portée à l’écran par cette armée Allemande divisée en deux.
Enfin signalons une mise en scène qui permet d’apporter toute la dramaturgie nécessaire à ce coup d’état, la narration ne dévoile jamais avant la fin comment et pourquoi cette dernière tentative d’assassinat d’Hitler va échouer et place correctement le film dans la catégorie du thriller historique. Le casting général, hormis un étrange télégraphe rouquin à la véritable tête d’anglais, est réussit. Seul vraie bizarrerie, quoique commercialement compréhensible, tous ces allemands parlent en anglais… ce qui ne gênera pas de toute façon ceux qui préfèreront voir le film en VF.
A voir, ne serait-ce que pour se rappeler que l’armée Allemande n’était pas entièrement derrière Hitler et que de ce coté là il y avait aussi des héros qui ont payés de leur vie leurs espoirs de placer une fin pacifique à cette guerre.