Récompensé partout, sauf aux Oscars, encensé par la critique, le nouveau film de Darren Aronosfky n’a pourtant l’air de rien… avant d’entrer dans la salle. En sortant, c’est une toute autre histoire…
The WrestlerTitre original : The Wrestler
USA, 2008
Réalisateur : Darren Aronofsky
Acteurs : Mickey Rourke, Marisa Tomei, Evan Rachel Wood
Musique de : Clint Mansell
Durée : 1h45
L’histoireRandy « the Ram » Robinson était une star du catch, il y a vingt ans. Aujourd’hui il a le cœur faible, sa fille ne lui parle plus, et sa romance avec une strip-teaseuse ne part pas sous de bons auspices. Le catch sera-t-il sa rédemption ou sa perte ?
La critiqueEn voilà un excellent film. Oui, l’approche est un peu directe. J’avais aussi : Darren Aronofsky nous a déjà amené le terrible
Requiem for a dream et le bouleversant
The Fountain, c’est dire s’il a un crédit ouvert chez nous, et pour
The Wrestler il n’aura pas besoin d’y ponctionner, tant il s’agit encore d’un grand film. Ou encore : si comme moi vous avez trouvé
Slumdog Milionaire moyen et
Benjamin Button asthmatique, et que vous désespériez des films de 2008 (les autres nominés aux Oscars ne sont pas encore sortis chez nous), rassurez-vous, il reste encore un grand film à découvrir, le plus dur étant de comprendre pourquoi les Oscars l’ont oublié. Tous ces débuts qui me permettent de me laisser le temps de réfléchir à mes arguments pour vous convaincre de la qualité de ce film. Car s’il est indéniablement réussi, je peine un peu à trouver exactement ce qui fait sa qualité.
Ce qui est sûr, c’est qu’en sortant on a vécu le film autant que son héros, joué par un Mickey Rourke autant cassé physiquement que son personnage moralement. Sans compter une décoloration capillaire pour sans doute expier une faute à lui. Ce qui est sûr c’est que le catch ça fait mal. Ce qui est sûr c’est qu’il doit faire des choix déchirants, et qu’on les fait avec lui. Grâce à l’utilisation d’une caméra à l’épaule qui suit les personnages, le spectateur est tout de suite plongé dans le bain, abordant presque le point de vue de chacun, et découvrant en même temps que lui. L’histoire est linéaire (ça fait du bien avec tous ces films à flash-back), et on ne sait pas vers quoi on se dirige, on espère le mieux, on redoute le pire. Oui, c’est bateau à dire comme ça, mais je vous assure qu’on imagine pour le personnage ce qui peut arriver après, et ce qu’il devrait faire.
Mais pourquoi est-on tellement accroché à ce destin ? Histoire finalement un peu banale, dans un sport pas passionnant a priori. Ça aurait pu être d’ailleurs n’importe quel autre sport un peu physique et violent, mais ça apporte tout de même une ambiance et un univers mi bagarre mi délire qui ajoute à l’âme du film. Sans doute le charisme (pourtant pas évident) de Mickey Rourke nous donne-t-il aussi envie d’aimer cet homme et de l’aider à ne pas échouer. Et puis peut-être autre chose emporte-t-elle tout : la sincérité. Sincérité de l’histoire qui nous raconte une vie, sans l’enjoliver, sans l’instrumentaliser, juste un homme, sincère dans sa vie, avec des idéaux auxquels il se tient même s’ils ne sont pas très élevés. Sincérité également du film qui abandonne tout artifice pour nous conter cette quête de soi, et parle vraiment des gens qu’il dépeint.
Mais sincérité ne veut pas dire simplisme, et le film est techniquement au niveau de ce que sait faire Aronosfky, juste un peu plus sobre que d’habitude. Quoique certaines scènes soient plutôt poids lourd, et, tiens, ce sont toutes des scènes de catch. Ces scènes choc ne réduisent en rien la violence de ce sport où on recoud tranquillement les blessures après le match et où on s’amuse avec des agrafeuses. La musique, pourtant signée du génial Clint Mansell (qui a fait les bandes originales cultes des deux précédents films d’Aronofsky), reste discrète et ne se fait vraiment entendre qu’à la fin, mais je la soupçonne de discrètement soutenir tout le film pour en intensifier l’émotion. Et de l’émotion, on va en avoir, tant des espoirs fulgurants que des rechutes pessimistes caractérisées. Et comme à chaque fois on y croit vraiment, je peux vous assurer un grand huit d’émotions.
Que dire d’autre encore pour vous convaincre ? Le reste du casting est cinq étoiles, du genre des étoiles qui brillent par leur talent et non par leur cachet. Marisa Tomei, toujours superbe (et de plus dans un rôle de stripteaseuse, encore une bonne raison d’y aller), bouleverse aussi avec un personnage aussi blessé par la vie que le héros, et le même courage de s’en sortir. Evan Rachel Wood, qui joue la fille du catcheur, nous sert en quelques scènes toute son intensité. Et sans oublier des tas de catcheurs aussi flamboyants que pitoyables, avec des pseudos et des costumes improbables, à la fois amusants et touchants. Dépaysant tout en restant une simple histoire de gens simples,
The Wrestler vaut que vous dépassiez la difficulté à prononcer le titre et à accepter la coiffure de Mickey Rourke, et que vous alliez lui rendre hommage dans la salle la plus proche, c’est vous qui serez gagnant.
A voir : pour voir un excellent film
Le score presque objectif : 8,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, pas facile de comprendre pourquoi le film est aussi touchant et bouleversant, mais le fait est là
Sébastien Keromen