Capitalism, a love story
Capitalism, a love story
Sortie:
25/11/2009
Pays:
USA
Genre:
Durée:
2h05 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Capitalism, a love story

par: Sebastien Keromen

Tremblez, Michael Moore a choisi une nouvelle cible. Si vous n’aviez ni arme à feu, si vous n’aviez pas voté républicain, si vous n’avez pas été malade, peut-être êtes-vous un pilier du capitalisme, et le film vous regarde au fond des yeux. Ou peut-être êtes-vous juste venu voir un documentaire réalisé par le documentariste qui s’investit le plus, sur l’écran et hors écran.

Capitalism, a love story
Titre original : Capitalism, a love story
USA, 2009
Réalisateur
 : Michael Moore
Durée : 2h05

L’histoire
Michael Moore s’intéresse maintenant à la crise financière, à l’échec actuel du capitalisme, à ses dérives, à ses signes avant-coureurs, et va y avoir du grabuge.





La critique

Tiens, voilà une cible à la mode, le capitalisme. Comme c’est aussi un bourreau, la morale est sauve. Mais revenons à ce documentaire. Ou plutôt venons-y puisque je commence à peine ma critique. Cette fois-ci, Michael Moore a donc décidé de s’attaquer au capitalisme, aux subprimes, aux aides gouvernementales, aux dérives du fric. Oui, vaste sujet. Trop vaste pour son mode d’investigation, entre Gonzo et dilettante. Alors on va parler de plein de trucs, mais aussi s’égarer sur quelques faits peu pertinents, et oublier de passer chaque argument au crible du contre-interrogatoire.
Si Fahrenheit 9/11 s’égarait dans des pleurs sur le thème de « quelqu’un qui meurt, c’est triste », ici on va un peu se perdre dans « perdre sa maison qu’on habite depuis 30 ans c’est moche ». Et aussi « se faire virer comme un malpropre alors qu’on travaille depuis 35 ans dans la même boîte c’est pas la joie ». C’est vrai. Mais ça il faut maximum 6 secondes de concentration pour imaginer y être, et voir des gens se lamenter sur ce sujet n’apporte absolument rien. A force de vouloir donner le point de vue des gens du peuple (donc vous et moi), Michael Moore perd du temps à interviewer les gens qui subissent et ne peuvent pas apporter beaucoup sur le sujet, au détriment d’interviewer les gens qui font subir. De même, et un peu comme d’habitude, il s’attache à quelques événements un peu extrêmes pour illustrer son propos, par exemple les sociétés qui prennent des assurances vie sur leurs employés (avec larmes de la famille ayant perdu la personne en question, alors que là, même si l’entreprise s’enrichit scandaleusement, elle n’y est pour rien). Si prendre un exemple pour montrer une généralité est commun dans les documentaires, et encore plus dans ceux de Moore, ici on sent vraiment qu’il a pris une dérive pour démontrer que le système est pourri, mais ça reste trop ponctuel pour convaincre.




Plus grave pour un documentaire, le point de vue adverse manque vraiment. Par exemple, concernant l’aide d’urgence allouée aux banques aux US. Oui, retourner le Congrès qui a initialement refusé l’aide est de la pure politique, sans doute pas très ragoûtante. Oui, le peuple est contre cette aide (qui voudrait payer jusqu’à on ne sait quand de quoi rembourser 700 milliards de dollars ?). Oui, certaines banques en ont profité pour faire des dépenses totalement honteuses (bonus, voyages d’affaires dans des pays où le soleil brille, jet privé). Mais il manque ne serait-ce que quelqu’un qui nous explique ce qui aurait bien pu se passer si cette aide n’avait pas été allouée. Personnellement, j’ai un esprit non pas de contradiction mais d’antithèse, dans la sainte-trilogie de dissertation enseignée à l’école : thèse, antithèse, synthèse. Si personne n’est là pour donner un point de vue inverse, la conclusion ne vaut rien. Et autant dans Bowling for Columbine (à mon goût le chef-d’œuvre de Moore) on avait les points de vue de tout le monde, autant ici on n’a personne qui tente d’expliquer le point de vue adverse.
Et pendant qu’on est dans le manque de recul et contradiction, on a plein de gens qui se désolent de la perte de leur maison, mais pas un seul qui avoue qu’il n’aurait peut-être pas dû signer ce prêt à taux variable qui lui faisait risquer tout ce qu’il avait. Quelques mots sur la société qui les a poussés à faire ça, mais pas un seul qui admet que, peut-être, il aurait dû y réfléchir à deux fois. Les gentils pauvres et les méchants riches, c’est plus facile mais ça réduit d’autant la portée du documentaire. Alors si, comme tous les films de Michael Moore, on a droit à quelques passages assez jubilatoires, le film reste tout de même un peu aride (de par son sujet complexe), et impersonnel (on voit le réalisateur beaucoup moins que d’habitude). Sans oublier qu’il reste très fortement américano-américain, ce qui le rend un peu distant pour nous. Il y manque aussi, au point où il en était, d’ouvrir un peu sur l’après-crise, notamment en nous donnant son opinion (c’est pas comme si le reste était objectif) sur ce qu’Obama peut et va faire pour ce problème.




En fait, le problème du film, c’est que, comme nous, Michael Moore n’y connais pas grand-chose au début, mais finalement n’en sait pas beaucoup plus à la fin. Alors on aura vu quelques trucs édifiants, quelques trucs rigolos, quelques larmes qui n’apportent rien et en tout cas pas d’émotion, quelques beaux moments (notamment le projet de Roosevelt qui semblait très utopique mais aurait été intéressant à voir appliqué, ou la chanson de fin, une version jazz de l’Internationale, ou encore des mobilisations populaires couronnées de succès), quelques trucs amusants, un bout de passage jubilatoire avec un fourgon blindé, mais dans l’ensemble on a un peu l’impression que le sujet n’a pas été vraiment creusé ni débattu. Et si le spectateur peut jouer le candide, le réalisateur ne devrait plus l’être à la fin du film. Et là si.

A voir : si vous êtes un inconditionnel de Michael Moore, mais faudrait qu’il bosse un peu plus
Le score presque objectif : 6/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +1, parce que je supporte Michael Moore dans sa croisade de poser les questions qui fâchent, mais faudrait que la prochaine fois il n’oublie pas d’y répondre

Sébastien Keromen