La Route
The Road
Sortie:
02/12/2009
Pays:
USA
Genre:
Durée:
2h00 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

La Route

par: Sebastien Keromen

Vous trouvez que 2012 est trop grand public, trop hollywoodien, mais vous voulez tout de même voir un film post-catastrophe ? Tant pis pour vous, il n’y a que La Route en magasin. Ou la fin du monde pour de vrai en une séance.

La Route
Titre original : The Road
USA, 2009
Réalisateur
 : John Hillcoat
Acteurs : Viggo Mortensen, Kodi Smit-McPhee, Guy Pearce, Charlize Theron, Robert Duvall
Adapté du roman de Cormac McCarthy
Durée : 2h00

L’histoire
Le monde est dévasté. Plus de plantes, plus d’animaux. Plus de nourriture, et nombreux sont ceux qui ont opté pour le cannibalisme. Dans cet univers inhospitalier, un père et son fils cherchent un lieu plus accueillant.




La critique

(cette critique est commune avec 2012, voir la fiche ici)

Si vous êtes un grand pessimiste, réjouissez-vous. Ou pas, puisque ça doit être trop optimiste pour vous de se réjouir. À en croire ces deux films, la fin du monde est pour bientôt, et ça va pas être trop joyeux. Puisque 2012 et La Route se complètent (l’un raconte la catastrophe, l’autre la vie après), on va faire une seule critique pour tout ça, c’est toujours ça de temps de gagné pour moi d’ici qu’on meure tous.
Commençons donc par le début : la fin. Du monde. Dans La Route, la fin du monde n’est même pas le début du film, on attaque directement sur un monde en déliquescence, on saura pas pourquoi (les scènes de catastrophes qui ouvrent la bande-annonce ne sont pas dans le film, sachez-le !), on n’est pas là pour du grand spectacle, des trucs vulgaires, on est là pour parler de l’âme et de l’homme, alors la Terre, on s’en cogne. Dommage. Bien sûr, 2012 ne va pas se priver de scènes à grands effets spéciaux pour tout casser. On va même commencer un peu avant avec les signes avant-coureurs, et, une fois n’est pas coutume et ça fait bien plaisir, on nous épargne le couplet du petit génie qui a tout compris mais que personne n’écoute. Toujours ça de pris. Maintenant, cassons tout.
Bien sûr, si vous vous attendiez à 2h40 de scènes d’écroulement, vous allez être déçu. À vue de nez, si on a 20 minutes au total de trucs qui se cassent la gueule, c’est le bout du monde (qui est à bout, justement). Le tout est bien fait et impressionnant (à voir obligatoirement sur grand écran), mais il y a un truc qui coince. Dans la plupart de ces scènes, on suit un véhicule qui essaie d’éviter tout ce qui tombe. Et comme vraiment TOUT s’écroule, tout éviter est rigoureusement impossible. Mais le gars, qui pourtant n’est pas spécialement doué, y arrive. Le réalisme de chaque scène est ainsi complètement gâché par la folle course de la voiture/du camion/de l’avion qui fait plutôt penser à un dessin animé. En plus, comme c’est le héros qui conduit, on n’a pas trop peur pour lui. Les mêmes scènes, prises tranquillement, à hauteur de vue des gens qui meurent, et c’était vraiment poignant. Ici, c’est juste le grand huit.




Mais qu’est-ce qu’on va raconter dans la fin du monde ? Là encore, deux réponses. 2012 a décidé de raconter la vie de pas mal de gens d’horizons divers (une famille américaine recomposée, un mafieux russe, un génie de la géologie, le président des États-Unis et sa fille, un pauvre chercheur indien, un moine bouddhiste. Oui, ça ressemble au début d’une blague de types qui rentrent dans un bar). Et comme dans tous les films d’Emmerich, tout le monde va être super copain à la fin (après des grands discours de paix dignes du pays des Bisounours), ou mort, mais à vrai dire ça a pas l’air de trop les attrister qu’ils soient morts. Heureusement le casting est de choix, ça comble un peu le vide qu’a laissé l’écriture des personnages (d’un Oliver Platt excellent à un Woody Harrelson en roue libre, avec tous les entre-deux). Dans La Route, on n’a que deux personnages, alors on a le temps de les connaître. Lui c’est le père, il a l’air un peu malade. Et l’autre c’est son fils, il aime son père. Euh… Pourtant on a bien dû nous dire des trucs d’autres sur eux. Il y avait la mère, dans des flash-back, d’ailleurs on se demande ce qu’il lui est arrivé, et on verra dans un flash-back qu’on ne sait pas ce qui lui est arrivé. Passionnant. Le père et le fils vont beaucoup parler, de savoir qui est gentil et qui est méchant, le fils va disputer le père de ne pas être gentil avec un vagabond, et puis voilà. L’ensemble des dialogues est assez abscons (ce qui vaut toujours mieux que 2012 où les dialogues sont cons, tout court).
Alors le père et le fils marchent sur la route (celle du titre, je suppose), vers le Sud, pour trouver on ne saura jamais quoi. Ils vont devoir affronter quelques très méchants cannibales (car il n’y a plus rien d’autre à manger). Tout le suspense du film tient dans la question de savoir si l’agonie de ces deux hommes qui meurent de faim est plus douloureuse que celle du spectateur qui meurt d’ennui. Et je ne saurais, même après, me prononcer sur cette question. Parce que La Route, c’est du lent, du sans action ou presque, du lourd côté gravité, tout est gris, tout est sale, tout est triste, on parle tout le temps de se suicider plutôt que de mourir de faim, franchement si vous cherchez du cinéma de non-divertissement, voilà une bonne occasion. À l’opposé, 2012 est du cinéma de divertissement pur, qui aurait justement gagné à effacer une partie des bons sentiments dégoulinants (c’était quand le dernier film américain où le héros n’était pas divorcé de l’héroïne ?), à rendre le tout un peu plus sérieux (même si certains gags sont très drôles), au-delà des quelques tentatives de politically incorrect qu’on peut quand même lui reconnaître. La fin du film, qui fait partie des environ 1h10 qu’on aurait dû couper pour avoir un film réussi, nous rejoue le naufrage du Poséidon comme on l’a vu cent fois, les compartiments inondés, le gars qui plonge et y laissera sans doute sa vie pour décoincer une porte… Et d’abord c’est quoi, ce bateau où on ne peut pas lancer le moteur quand une porte est pas fermée ?




Bien sûr, dans un cas comme dans l’autre, ne vous attendez à aucune émotion. Aucune pour les personnages de 2012 que vous n’aurez jamais pris au sérieux. Aucune pour La Route car, même si vous n’êtes pas encore endormi, leur histoire est si gavante qu’on se bat les steaks de ce qui peut leur arriver. À la limite, dans les deux cas, on n’espère qu’une chose : qu’ils meurent tous très vite et qu’ils arrêtent de nous gonfler avec leurs discussions stériles pour La Route, avec leurs gesticulations inutiles pour 2012. Si vous cherchez un bon film sur la fin du monde, je vous conseille plutôt de voir s’ils n’ont pas projeté un documentaire à Copenhague, parce que dans les cinémas c’est plutôt raté. D’un côté un film plutôt d’auteur, chiant comme la pluie et triste comme un cocker dépressif, baigné dans une musique suicidaire, de l’autre un pur produit hollywoodien puant de morale, avec quelques scènes énormes tout de même, mais con comme une valise sans poignée. Le choix est difficile, et c’est là qu’on remercie le gars qui a inventé l’abstention. Si on vous oblige, on s’ennuie quand même moins à 2012 qu’à La Route (les deux semblent durée le même temps, alors qu’il y a bien 40 minutes d’écart !), mais franchement mieux vaut jouer à la fin du monde tout seul en éteignant toutes les lumières chez soi et en écoutant l’approche des intrus qui veulent voler les bières de votre frigo.

A voir : pour annuler l’effet d’un Prozac
Le score presque objectif : 4/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, oh mettez même -3, je veux pas être responsable d’un gars qui se suicide d’ennui dans une salle de ciné

Sébastien Keromen