Gainsbourg (vie héroïque)

par: Sebastien Keromen

Quand un dessinateur de BD s’associe avec un producteur de dessin animé pour faire jouer au cinéma un acteur de théâtre, ça donne une biographie d’un Serge Gainsbourg rêvé par le réalisateur, un film étonnant, un voyage surprenant, un sacré bon moment !

Gainsbourg (vie héroïque)
France, 2010
Réalisateur
 : Joann Sfar
Acteurs : Eric Elmosnino, Lucy Gordon, Laetitia Casta, Anna Mouglalis, Mylène Jampanoï, Sara Forestier, Philippe Katerine, Yolande Moreau, François Morel, Philippe Duquesne, Le Quatuor
Durée : 2h10

L’histoire
Serge Gainsbourg, sa vie, son œuvre, ses amours, tel qu’il n’a jamais vraiment été. Le souvenir d’un amoureux, d’un provocateur, d’un rêveur, d’un créateur




La critique

Encore une biopic. Pas du tout une biopic. Vous allez voir toute la vie de Gainsbourg sans presque un seul élément de réel ou de réaliste, comme un souvenir de sa vie, un souvenir embelli et rêvé. Voilà une promesse aussi alléchante que casse-gueule, mais remplie avec autant de brio que d’inventivité. D’abord parce que Gainsbourg a eu une vie incroyable. Mais aussi parce que Joann Sfar en fait une histoire encore plus incroyable, une suite d’aventures fantaisistes et fantastiques, de personnages mythiques qui ne s’abaissent jamais à être banals, de silhouettes célèbres et de noms prestigieux. Croiser en si peu de temps Fréhel, Boris Vian, Les Frères Jacques, Juliette Greco, France Gall, Georges Brassens, Brigitte Bardot, Jane Birkin, nous rappelle à quel point notre histoire musicale est riche. Tout ce petit monde est parfaitement incarné à l’écran par des acteurs d’horizons très divers, qui arrivent à rendre leur personnage sans vraiment y ressembler. Comme Gainsbourg.




Parce que la première star du film, c’est Eric Elmosnino, qu’on connaît tellement peu qu’on ne sait pas si on doit prononcer ou non le S de son nom. Bien sûr, il est maquillé pour ressembler à Gainsbourg, dans le film, vous avez déjà vu les photos. Mais ça ne suffit pas. Il est Gainsbourg, il l’incarne, le sent, le fait vivre, d’apparence comme du plus profond de son intérieur. Je vous jure que par moment on est sûr que c’est vraiment Gainsbourg à l’écran, alors qu’il ne lui ressemble quand même pas assez pour s’y tromper. Une performance qui mérite tous les prix de meilleur acteur, et d’autres catégories encore à définir. Elmosnino n’est pas seulement à Gainsbourg, il est l’idée qu’on s’en fait, le souvenir qu’on en a, un Gainsbourg intemporel et totalement subjectif qui ne peut que nous donner envie d’en savoir plus sur sa vie.




Et la deuxième star du film, c’est son réalisateur, Joann Sfar. Un premier film est toujours l’occasion d’avoir quelques idées fraîches. Mais là le film baigne en permanence dans un maelstrom d’idées dingues, surréalistes, poétiques, tendres, violentes, schizophrènes, sublimes, animées, réalistes, enfantines. Si vous arrivez à dénombrer dix plans normaux dans le film, c’est sans doute que vous avez raté le détail délirant dans le fond. Hallucinations, visions imagées de rêveries, gros délires ou scènes mises en scènes comme des peintures, le film regorge d’images et de couleurs, de personnages et de petits détails. Bien sûr, par moment, c’est un peu trop et un peu répétitif, notamment les discussions de Gainsbourg et de « sa gueule », qui tournent en rond. Et pendant qu’on parle des quelques défauts, on a l’impression que plus le film avance, plus les scènes se succèdent sans transition, comme une suite de passages obligés qui ne racontent plus une histoire. Alors qu’on était prêt à rester plus longtemps pour avoir des histoires qui prennent leur temps (et pourtant le film dure déjà 2h10).




Au final, Gainsbourg (vie héroïque) est un film incroyablement surprenant et incroyablement attachant. Sans oublier qu’il est bercé par la musique de Gainsbourg, soit discrètement en fond, soit parce que les personnages interprètent l’une de ses chansons, soit pour quelques scènes façon clip magnifiant l’image et la musique (l’arrivée de BB sur la musique de « Initials BB » est un grand moment). Des films comme celui-là, on en reprendrait bien à toutes les séances, une grande tranche de virtuosité tartinée de rires, de pleurs, de coups de gueule, de bons coups, de musique, de légende, de tout ce qui faisait Gainsbourg et qui fait que le film nous le ramène pour 2 heures encore plus beau (oui, beau) que dans nos souvenirs.

A voir : pour autant de bonnes raisons que de scènes dans le film
Le score presque objectif : 8,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +3, impossible que ça vous déplaise, que vous dansiez ou non la javanaise

Sébastien Keromen