L’Illusionniste
Sortie:
16/06/2010
Pays:
France
Genre:
Durée:
1h20 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

L’Illusionniste

par: Sebastien Keromen

Sylvain Chomet n’est pas très prolixe, puisque l’Illusionniste est son premier film depuis les Triplettes de Belleville en 2003. C’est sans doute parce que dessiner un tel dessin animé, ça prend du temps. C’est long, mais c’est beau. Mais c’est tout.

L’Illusionniste
France, 2010
Réalisateur
 : Sylvain Chomet
Adapté d’un scénario inédit de Jacques Tati
Durée : 1h20

L’histoire
L’illusionniste n’a plus le vent en poupe. Faute de contrat à Paris, il part pour le Royaume Uni où il croise des écossais, des artistes divers, et une jeune fille qui va s’attacher à lui




La critique

En 2003, sortait les Triplettes de Belleville, sur lequel j’écrivais la cinglante critique ci-dessous, qui a bouleversé au moins 15 des 17 personnes qui l’ont lue, et que voici reproduite pour le plus grand bonheur de la foule en délire.

Les Triplettes de Belleville
Ce film est une histoire de style. De style graphique, d'abord, dont on parlera largement plus loin. De style sonore, également, avec des dialogues réduits à quasiment rien et quelques onomatopées. De style d'histoire et de narration, avec des gags légers et absurdes, à la Buster Keaton ou la Jacques Tati.
Sachant que je déteste le style graphique du film, que j'adore les bons dialogues, et que je n'ai jamais accroché à l'humour de Tati, vous comprendrez le calvaire qu'a été pour moi ce film (vous comprendrez par contre sans doute un peu moins, et moi non plus, pourquoi j'ai été le voir). Je vais donc essayer de vous faire un compte-rendu objectif, mais ça va être coton. Commençons donc par un paragraphe totalement subjectif, laissez-moi me lâcher.
C'est laid. Laid au-delà du style. Laid avec la volonté d'être laid. Autant les décors sont plutôt réussis, avec un style un peu aquarelle, autant l'animation ne pose pas de problème, autant le dessin des personnages est une torture sans nom. Tous les personnages sont difformes, comme des caricatures. Ce qui peut passer dans un dessin ou a la rigueur dans un cartoon est insupportable sur des durées dépassant quelques minutes. On a l'impression que chaque personnage repousse les limites de la laideur, en déformant toutes les parties du corps possibles. Au bout de cinq minutes, on commence quand même à presque s'habituer, et on nous balance un nouveau personnage encore plus moche qui relance le malaise.
Au bout de dix minutes de film, la nausée s'est installée, les yeux saignent, et l'hémorragie ne commence à se calmer qu'après plus d'une heure, où on s'est globalement habitué (ou résigné), c'est-à-dire 10 minutes avant la fin. En plus de ces personnages caricaturaux, l'auteur nous régale également de caricatures de personnages connus (Joséphine Baker, Maurice Chevallier, etc.), ce qui me donne généralement envie de piétiner quelqu'un avec des chaussures à crampons. La musique est, elle, plus recommandable, mais parfois cacophonique et aussi désagréable que l'image.
Sorti de ces considérations de goût, que reste-t-il ? Le scénario est original quoiqu'un peu court, et les multiples utilisations détournées des ustensiles ménagers n'y font rien. Les gags sont absurdes mais assez prévisibles, et de plus généralement trop appuyés (un bon gag visuel dans le fond de l'image, et hop, un bon gros zoom dessus pour ceux qui l'ont raté). Côté dessin, l'animation est d'un bon niveau, quoique dans quelques plans on voie encore les coups de crayon (voulu ? pas voulu ?). Bien sûr, il y a quelques inventions de gags, de style ou d'histoire, mais sans atteindre des sommets.
Voilà, les Triplettes est assurément un film spécial, qui peut sans doute plaire à certains et faire souffrir le martyr à d'autres. Reste à voir dans quelle catégorie vous vous rangez.
A voir : si le style de dessin ne vous rebute pas, et si vous aimez l'humour à la Tati
Le score presque objectif : 6,5/10.
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -18, si vous avez le même goût que moi, fuyez loin, très loin, là-haut sur la montagne !




Voyons donc ce que donne L’Illusionniste…
Se pose la question de savoir pourquoi j’ai été voir le nouveau film du monsieur… La réponse est simple : les dessins avaient l’air cette fois-ci de flatter la rétine plutôt que de la rayer, les personnages ressemblent à quelque chose, et même souvent à quelqu’un. Cependant, si vous vous contentez d’une bande-annonce sur le net pour vous faire une idée, vous risquez d’avoir une impression fausse pour les décors, qui ne sont pas super précis et super réalistes, mais plutôt esquissés à l’aquarelle et pas très droits, pour un résultat satisfaisant mais qui ne rend pas pareil en « petite » image.




Cela dit, l’aspect graphique est bien le seul progrès depuis les Triplettes de Belleville. Restent encore de gros manques sur les dialogues, la musique et le scénario. Mais peut-on parler de dialogues pour de vagues onomatopées ou mots jetés occasionnellement ? Sérieux, le film ne renferme même pas une phrase complète – sujet, verbe, complément. La musique nous gratifie d’un joli petit duo piano violon qui joue des airs guillerets comme une marche funèbre. Ajoutant d’ailleurs au ton déprimant du film, lent et déprimant, faut vouloir. Quant à l’histoire, elle est réduite à pas grand-chose, une succession d’anecdotes et de détails. Une vraie histoire entre l’illusionniste et la jeune fille se détache en fond de ces saynètes, mais ça reste hautement insuffisant pour contenter le spectateur.




Alors bien sûr, reste la poésie. Le tout, les images, la musique discrète, les tours de magie, l’absence de paroles, les personnages hauts en couleur, entraîne le film dans un ton poétique trop rare sur nos écrans. Si vous êtes fan de ce style, peut-être adorerez-vous le film, et peut-être même aviez-vous adoré Les Triplettes de Belleville malgré son style graphique (ou à cause de son style graphique, même si ça me semble relever de la perversion). Mais est-ce trop demander d’avoir de la poésie et des choses qui se passent, plutôt qu’une vague histoire flottante à deviner entre deux tours de magie ? L’Illusionniste est un beau film, une belle œuvre, mais qui reste incomplet et aurait dû adopter un format de court ou moyen métrage. Heureusement le film reste court, mais au bout d’une demi-heure notre esprit vagabonde déjà à d’autres considérations passionnantes, comme le menu du dîner. A réserver donc aux fans de films contemplatifs et de films de Tati.

A voir : pour les images, la poésie, mais c’est tout
Le score presque objectif : 6/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -2, sans doute des gens vont adorer, mais si vous n’accrochez pas, ne vous sentez plus tout seul

Sébastien Keromen