Jack grandit entre un père autoritaire et une mère aimante, qui lui donne foi en la vie. La naissance de ses deux frères l’oblige bientôt à partager cet amour inconditionnel, alors qu’il affronte l’individualisme forcené d’une père obsédé par la réussite de ses enfants. Jusqu’au jour où un évènement tragique vient troubler cet équilibre précaire.
Un nouveau film de Terrence Mallick est toujours un évènement, notamment parce que le réalisateur soigne ses sujets, se faisant, du coup, fort d’une productivité particulièrement lente : 5 films en 40 ans. De plus, l’homme fuit la popularité pour laisser toute la lumière sur son œuvre et ainsi laisser sa mise en scène parler à sa place. Le metteur en scène a su imposer un style, une maitrise hors du commun et une qualité visuelle rarement égalée. Son avant dernier film d’ailleurs « La ligne rouge » avait vu le gratin d’Hollywood se jeter à ses pieds, même pour un rôle insignifiant. Avec « Le nouveau monde », le réalisateur nous avait transporté dans une vision, un brin métaphysique de l’aventure de Pocahontas. Ponctué majoritairement de grands dialogues intérieurs, le film se suivait comme un sublime poème lancinant sur la nature et la conquête des hommes. 5 ans après, le metteur en scène revient sur ce thème fondateur de son œuvre : La vie, la nature, les hommes, avec un film difficile à résumer, d’autant que le réalisateur veut y donner une vision du choc entre l’infiniment petit et l’infiniment grand où les sentiments naissent et meurent dans un éternel recommencement.
Posé comme cela, « The Tree of life » ne promet pas la « déconne » totale, bien au contraire, d’autant que le passif ne joue pas en sa faveur. Mais le sujet est suffisamment intriguant pour susciter l’intérêt du spectateur, d’autant que certains grands noms du cinéma américain tels que Kubrick, pour ne citer que lui, s’y sont déjà essayer avec grandeur. Et Terrence Malick est à la hauteur des attentes du public, avec des plans ultra-stylisés, une utilisation magnifique des lumières, des couleurs, on arrive presque à sentir la chaleur du soleil sur notre visage. Le film est un poème lyrique et cinématographique de haut niveau, qui plonge le spectateur dans ce qui se fait de mieux au cinéma. Constamment sur le haut du pavé, Malick tient la barre haute avec une reflexion permanente sur la signification des images, les plans des bébés sont de toutes beauté, il film les visages, les corps avec une maestria rarement atteinte au cinéma.
Pourtant, le film ne convainc pas totalement, particulièrement sur sa première partie, autour de l’infiniment grand se percutant à l’infiniment petit. Le réalisateur revient avec une foule d’image autour de la naissance de l’univers, du chaos, des premiers signes de la nature, mais se perd dans une sorte de magnificence candide où le monde est beau quand il nait, la nature est sauvage et chacun y trouve sa place, mais les hommes souffrent de leurs inconstances. Voilà en schématisant, ce qui peut ressortir de façon superficielle cet amoncellement d’images magnifiques mais un peu pesant sur la longueur. Impossible de ne pas penser à « 2001, l’odyssée de l’espace » et sa scène finale, en visionnant « The Tree of life », mis à part que Malick introduit son film avec un lyrisme confondant qui peut rebuter le spectateur, dès le départ. Le poème visuel autour de la naissance de l’univers laisse le spectateur sur le bord de la route par sa longueur et la confusion qui l’entoure. Le réalisateur nous plonge dans sa vision, mais sans réellement nous attirer. On a même parfois l’impression d’assister à un ensemble de reportage de Yann Arthus Bertrand et Nicolas Hulot mélangé. « The Tree of life », sera à l’évidence un film qui permettra de régler au plus juste l’image de son nouvel écran tant les plans sont soignés et les lumières travaillées.
Côté scénario, « The Tree of life » privilégie la pensée intérieur, mais semble tout de même se démarquer du précédent film, avec des dialogues plus présent et une narration moins statique. Le metteur en scène et scénariste tente de donner une vision, certes un brin candide, mais touchante tout de même des sentiments, à travers le regard de ce jeune garçon qui voit en son père une menace permanente, et en ses frères, l’objet de la désaffection de sa mère. Des sentiments qui s’entrechoquent perpétuellement, mêlant la réalité à la fantasmagorie, partageant Jack entre bonheur et tristesse. En cela le film est réussit et captive le spectateur par une justesse de ton pertinente. Mais une fois de plus, le réalisateur poursuit sa voie de l’allégorie de la vie, et finit par une conclusion logique, au final, mais pesante pour le spectateur qui ressent comme une délivrance lorsque le générique de fin démarre.
Côté distribution, les acteurs se sentent transportés par le metteur en scène et cela se voit. Particulièrement les enfants qui trouvent une justesse de ton rarement atteinte, notamment dans les scènes de pardons. Les deux petits comédiens parviennent à trouver la fine alchimie qui rend crédible l’amour fraternelle. Jamais dans le surjeu, magnifiés par la caméra de Malick, ils illuminent l’écran et donnent une matière solide au discours du scénario. Concernant Brad Pitt, évidemment l’acteur est imposant à l’écran comme à chaque fois, mais son besoin d’impressionner ne le sert pas forcément, bien au contraire. Pourtant très impliqué dans le film, puisqu’il en est le producteur, l’acteur compose une réplique maladroite de Brando dans le Parrain. Déstabilisant au demeurant, il parvient de justesse à réellement mettre la pression nécessaire pour rendre crédible son personnage de père autoritaire et obsédé par la réussite.
En conclusion, Terrence Malick suscite toujours l’excitation à la sortie de chacun de ses films, considérés à l’unanimité comme des chefs d’œuvres. « The Tree of life » est une œuvre lyrique aux images magnifiques, soignées au grain prêts, mais dont la fantasmagorie peut être vite déroutante pour le spectateur. Si le discours peut être un brin candide, la distribution est incroyable de justesse, malgré le jeune âge des comédiens. Brad Pitt déçoit par une composition trop juste et le réalisateur se perd dans une compilation d’images du chaos de l’univers trop longue et vite pesante.