Possessions
Sortie:
07/03/2012
Pays:
France
Genre:
Durée:
108 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Possessions

par: Emmanuel Galais

Originaires du Nord de la France, désireux d’améliorer leur train de vie, Maryline et Bruno Caron arrivent dans un village de montagne avec leur petite fille. Le chalet qu’ils ont loué à Patrick Castaing, promoteur et propriétaire de nombreuses habitations dans la région est encore en travaux. Castang les loge provisoirement dans un autre chalet de grand standing et engage Maryline, comme femme de ménage. Considérés par la famille Castang comme des amis, les Caron exultent, puis déchantent. Ils doivent déménager plusieurs fois, ont le sentiment d’être humiliés par ce couple dont-ils envient le luxe arrogant. Leur amertume, alimentée par la jalousie, l’envie et la frustration, se transforme en haine.
 
Raconter une histoire directement inspirée d’un faits divers, particulièrement marquant, tel que celui de l’affaire Flactif au Grand Bornand en Haute-Savoie, qui vit la mort d’une famille entière, assassinée par un homme rongé par la haine et l’avidité, est évidemment un sujet risqué. Surtout lorsque l’on décide de s’inspirer des faits, mais d’y garder une distance d’auteur pour ne s’intéresser qu’à l’aspect psychologique et rien d’autre. Car le risque du faux-pas narratif est forcément évident, soit parce que l’on veut trop en dire, soit parce que justement on préfère ne pas en dire assez. Dans « Possessions », donc, le réalisateur Eric Guirado (Quand tu descendras du ciel) a souhaité garder une certaine distance avec l’affaire, s’en inspirer directement et pouvoir en même temps offrir une réflexion fouillée des mécanismes de la jalousie, qui peuvent pousser jusqu’à l’avidité obsessionnelle.
 
De ce point de vue, le réalisateur réalise une œuvre remarquable d’intelligence, en ciselant avec minutie ses personnages, en les poussant, parfois dans leurs propres caricatures. Quelle que soit le côté de la barrière où ils se situent, les protagonistes de « Possessions » avancent aveuglément, en toute ignorance des besoins des uns et des autres, dans un seul but, obtenir plus de matériel ou plus d’une image qui reflète sa réussite. Chacun progresse vers une issue fatale où la haine s’opposera à l’indifférence.

Le problème avec un sujet aussi marquant que « l’affaire Flactif », c’est qu’il est difficile de ne pas se retrouver dans la reconstitution factuelle. Et si le film, parvient avec plus ou moins de brio, on regrettera d’abord un passage entre l’amitié et la haine, soit un peu trop rapide, soit un peu trop maladroit pour que l’on puisse totalement y adhérer, mais ensuite une reconstitution quasi mimétique de l’affaire post massacre, dans laquelle on voyait le couple Hotyat faire visiter le chalet et déverser leur haine d’une manière incroyablement cynique. Chaque mot résonnait de jalousie, d’avidité violente, dans les bouches du couple. Une sensation dérangeante et marquante, qui ne colle finalement pas du tout avec l’image que voulait donner le réalisateur de l’approche qu’il avait put avoir de son sujet.

Pour conclure, on finira bien évidemment sur les prestation impeccablement justes de Jérémie Rénier (Cloclo) et Julie Depardieu (L’art d’Aimer), qui manient à la perfection la mécanique des sentiments, entre une actrice qui parvient à négocier avec un cynisme déroutant d'innocence glaciale, le passage de l’envie à la haine, et un comédien qui joue encore une fois d’un talent saisissant pour interpréter un personnage, naïf, dont la violence ne demande pas grand-chose pour se déchainer. Le couple confirme tout le bien que l’on peut penser d’eux depuis fort longtemps maintenant.

Dommage que la fin ne sombre dans la reconstruction trop minutieuse pour réellement convaincre et que le virage entre la fascination et l’avidité macabre soit un peu bâclée, car le film y aurait gagné à 100%.