Les Misérables
Les Misérables
Sortie:
13/02/2013
Pays:
USA
Genre:
Durée:
2h30 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Les Misérables

par: Sebastien Keromen

Ce n’est pas exceptionnel mais ce n’est pas non plus si souvent qu’on adapte une comédie musicale au cinéma. Monument de la comédie musicale, Les Misérables (en français dans le texte) arrive au cinéma avec un casting quatre étoiles… et une réputation désastreuse. Pourquoi tant de misères ?

Les Misérables
Titre original : Les Misérables
USA, 2012
Réalisateur
 : Tom Hooper
Acteurs : Hugh Jackman, Russell Crowe, Anne Hathaway, Amanda Seyfried, Helena Bonham Carter, Sacha Baron Cohen, Eddie Redmayne
Musique de : Claude-Michel Schönberg
Adapté de la comédie musicale d’ Alain Boublil et Claude-Michel Schönberg, adaptée elle-même du roman de Victor Hugo
Durée : 2h30

L’histoire
Au XIXe siècle, la vie d’un ancien forçat en quête de rédemption, dans le Paris des barricades




La critique

Tom Hooper a reçu, il y a 2 ans, l’Oscar du meilleur réalisateur pour Le Discours d’un roi. Perso, j’ai jamais compris pourquoi, la mise en scène était très balourde et trop visible. Mais finalement plutôt réussie si on la compare à ce qu’il a fait sur Les Misérables. Car oui, tout ce que disent les critiques sur la mise en scène du film est vrai, on va y revenir. Mais de là à enterrer directement le film, c’est jeter le bébé avec l’eau du bain. S’il est largement perfectible, Les Misérables possède aussi de beaux atouts, que les critiques semblent avoir préférer ignorer. Ou c’est peut-être juste qu’ils n’aiment pas les comédies musicales, et alors pourquoi aller voir le film ? Alors après, ils n’hésitent pas à reprocher une partie des faiblesses à la comédie musicale originale, ou même du roman de Hugo.  Et s’ils n’aiment pas l’histoire ou la comédie musicale, je re-demande : pourquoi aller le voir ? On sait à quoi s’attendre sur ce plan-là, et il faut bien sûr apprécier l’histoire et la musique (si on la connaît) pour aller voir le film. Qui, s’il cumule pas mal de défauts, arrivera tout de même à vous emporter.




Tous les points forts et faibles du film sont une histoire de casting. Tout était a priori réuni pour une réussite totale, mais certains ont déçu.
Casting : Tom Hooper à la réalisation. Verdict : échec éhonté. Ce n’était a priori pas un si mauvais choix, même si la réalisation du Discours d’un roi ne m’avait pas convaincu. Mais là, il semble n’avoir fait que des mauvais choix. Parlons d’abord de l’aspect musical. Seul choix intéressant : faire chanter les acteurs en direct sur le plateau, et non en playback comme c’est l’habitude. Cela promettait d’obtenir des performances sans doute un peu moins musicalement réussies, mais émotionnellement plus travaillées (car chantée dans les conditions du jeu, et n’ayant pas à coller à une chanson pré-enregistrée). On en reparlera quand on parlera des acteurs, mais on a effectivement des chansons parfois mi-chantées mi-jouées, qui donnent une nouvelle interprétation de la comédie musicale.




Mais à partir de là, Tom Hooper semble s’être dit que si on resserrait sur les émotions, on devrait en faire un film réaliste, intimiste, près des acteurs. Pour un film qui pourrait être grand spectacle, on s’inquiète dès les premières images qu’il ne soit pas en cinémascope. Et cela manquera effectivement sur quelques grandes scènes qui sembleront étriquées. Mais le problème est que ça ne manquera pas pendant la plupart du film, tant, à resserrer sur les acteurs, il n’y a rien d’autre à montrer. Ainsi, une bonne partie du film se contente de nous montrer les personnages dont la tête occupe toute la hauteur de l’écran. Et sur certains plans, ces acteurs au visage plein cadre avance vers la caméra, donc vers nous, et la caméra recule, et donc nous aussi, eh, ils nous foncent dessus !, effet désagréable et angoissant garanti, alors que ce n’était sûrement pas le but recherché. Et pendant qu’on fait n’importe quoi dans les prises de vues, autant ne pas le faire à moitié. On a ainsi pas mal de caméra à l’épaule, encore collée aux acteurs, et qui a parfois du mal à bien cadrer, même moi je pourrais faire mieux avec mon appareil photo. La grande scène I dreamed a dream de Anne Hathaway illustre bien cela, avec une caméra qui la laisse dans la partie droite de l’image, sans arriver parfois à la cadrer complètement. Et dans la partie gauche, du flou grisâtre sans intérêt, sérieux, qu’est-ce qui lui a pris ?




Mais il y a encore d’autres mauvais choix. Bien sûr, l’histoire des Misérables nous plonge dans un monde dur et sale, mais était-ce la peine d’en rajouter autant ? Tout le monde semble ne pas s’être lavé de tout le tournage, les décors sont moches, tout est fait de manière hyperréaliste (ou même trop réaliste), et ça choque évidemment un peu avec le fait que tout le monde chante. Surtout que, contrairement à la comédie musicale elle-même (si je me rappelle bien), une partie des dialogues, entre les chansons, sont eux-mêmes vaguement chantonnés, sans musique, sur des airs parfois déjà entendus dans le film, ou même parfois juste indéfinissables, on espère juste que l’acteur savait ce qu’il chantait, mais ça fait un peu bizarre. Et ça n’apporte rien. Mais bon, allez, assez craché sur le réalisateur, passons aux acteurs.




Casting : Hugh Jackman en Jean Valjean. Verdict : succès. On ne doutait pas trop de sa capacité à chanter le rôle, vu son passé de comédies musicales, mais ici il nous épate. Sans difficulté vocale, il fait passer tout un arc-en-ciel d’émotions d’un simple trémolo, d’un simple regard. Vraiment, il était fait pour ce rôle, et porte une bonne partie du film à lui tout seul. Seul bémol : son maquilleur a dû penser qu’il était beau comme ça et que ça serait dommage de le vieillir, ce qui fait que dans la troisième époque du film, ça choque un peu qu’il n’ait ni ride ni cheveux blancs. Mais à part ça, il arrive à donner au rôle toute l’émotion qui emportera le spectateur à sa mort (ah oui, je n’imagine pas que vous ne connaissiez pas l’histoire des Misérables, donc je vais pas me gêner pour citer des événements de toute l’histoire).




Casting : Russell Crowe en inspecteur Javert. Verdict : mâchoire serrée. Mince alors, ça semblait pourtant parfait, Russell Crowe en Javert. Alors qu’est-ce qui s’est passé ? On sent qu’il est un peu plus juste au niveau du chant, pour commencer. Sans chanter faux ou massacrer ses chansons, on voit bien qu’il est déjà au taquet et ne pourrait pas chanter plus haut ou plus fort. Mais ce n’est pas ça le problème principal. Le problème, c’est qu’il ne joue rien. Javert est quand même un personnage infiniment intéressant et qui doit susciter la compassion et la pitié lors de sa mort, et là, rien de rien. Au lieu de voir Javert qui ne plus supporter d’être en vie grâce à Valjean et décider qu’il doit effacer sa vie, on voit juste Russell Crowe marcher en équilibre sur le parapet puis sauter dans l’eau, plouf, et on se dit que c’est quand même un ratage astronomique de ne pas avoir réussi à faire exister ce personnage. Une bonne partie de l’émotion apportée par l’histoire totalement annihilée par son jeu de robot qui a l’air de se demander ce qu’il fait là, quel gâchis !




Casting : Anne Hathaway en Fantine. Verdict : moment de grâce. On savait qu’elle savait chanter, et on espérait quelque chose de beau, mais elle dépasse toutes nos espérances. Pourtant, je ne suis pas fan du personnage de Fantine, mais elle arrive à l’emmener à un niveau d’émotion et de détresse insoupçonnés. Si sa belle chanson n’avait pas été fusillée par la mise en scène (comme expliqué plus haut), ça aurait été un grand moment de frissons dans tout le corps. Le personnage disparaît assez vite de l’histoire, malheureusement, et quand elle revient à la fin sous la forme d’un fantôme, on réalise à quel point elle nous a manqué pendant tout le film, et à quel point elle était au-dessus du lot.




Casting : Helena Bonham Carter et Sacha Baron Cohen en Thénardier. Verdict : sans surprise. On les savait déjà capable du grotesque et du bizarre, ce qui colle parfaitement avec les Thénardier de la comédie musicale. Sans élever leurs scènes à un niveau supérieur, ils assurent le quota de délire et de comédie avec brio.




Casting : Amanda Seyfried en Cosette, et Eddie Redmayne en Marius. Verdict : bien mais pas top. Ils sont beaux et jouent bien, mais côté chant c’est un peu plus juste. Amanda Seyfried a une superbe voix mais manque un peu de coffre, et Eddie Redmayne abuse un peu de la voix de tête, pour laquelle il manque lui aussi un peu de puissance. Pas très grave puisque peu de grandes chansons pour eux, mais un petit goût de trop peu.




Casting : Samantha Barks en Éponine. Verdict : déchirante. Autant le dire, Éponine est mon personnage préféré des Misérables, le personnage tragique par excellence, bien plus que Fantine. Il fallait donc une actrice à fleur de peau, oscillant entre le bonheur et le désespoir, et Samantha Barks l’est parfaitement. Elle a de plus tout le talent de chant pour ses chansons déchirantes (elle l’a déjà joué sur scène, ceci expliquant peut-être cela), et apporte donc sa pierre tragique à l’édifice d’émotion que suscite le film.




Casting : Aaron Tveit en Enjolras. Verdict : énorme surprise. Enjolras n’est pas un des personnages marquants de la comédie musicale, et pourtant ici on ne voit que lui. Aussi beau gosse que bon acteur et bon chanteur, Aaron Tveit est parfait dans ce rôle qu’il magnifie, une belle surprise pour s’intéresser un peu plus à la partie politique et révolutionnaire de l’histoire.




Fin du casting. On voit quand même pas mal de points qui auraient pu être améliorés. Le choix de Russell Crowe, bien sûr, mais aussi beaucoup d’éléments de mise en scène. Qui, en l’état, tirent le film vers le bas pendant la plupart du temps, même si parfois on arrive à ne plus y penser. Mais Les Misérables, même avec ses défauts, conserve la force de son histoire et de ses personnages, ainsi qu’une musique vraiment réussie (même si les paroles anglaises me semblent toujours très plates par rapport à la version française de la comédie musicale). Et si une meilleure mise en scène aurait sans doute permis à un souffle épique et dramatique de traverser tout le film, ce souffle nous emporte tout de même par moments, des beaux moments. Et si on ne peut que regretter tous ces défauts, il y a quand même suffisamment à apprécier dans ce film pour lui donner sa chance…

A voir : pour la plupart des acteurs, pour la musique, et contre la mise en scène
Le score presque objectif : 7/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : +2, surtout si vous savez déjà que vous aimez la musique. À défaut de le voir sur scène…

Sébastien Keromen