Le Majordome

Verdict: Bon

par: Sebastien Keromen

Dans la série « film calibré pour les Oscars », voici le Majordome, bien propre sur lui, sujet courageux, 80 ans d’histoire, 7 Présidents de la République US, c’est du sérieux. Mais ces films sont souvent bien académiques. Et celui-ci ?

Le Majordome
Titre original : The Butler
USA, 2013
Réalisateur
 : Lee Daniels
Acteurs : Forest Whitaker, Oprah Winfrey, Terrence Howard, Cuba Gooding Jr., Lenny Kravitz, Vanessa Redgrave, Robin Williams, Liev Schreiber, James Marsden, John Cusack, Alan Rickman, Jane Fonda, Mariah Carey, Melissa Leo
Durée : 2h10

L’histoire
Cecil Gaines a 8 ans. Il travaille avec son père dans un champ de coton. Mais sa ténacité va le conduire beaucoup plus loin, à travers la lutte contre le racisme dont lui et sa famille sont victimes. Jusqu’à être le témoin de ces grands bouleversements de société.



La critique

L’histoire du combat contre le racisme aux États-Unis, de 1926 à nos jours, qui pourrait être contre ça ? C’est déjà un excellent point de départ pour un film, propre à attirer les foules, à leur donner le vertige de l’histoire, et à émouvoir. Je dis pas que c’était facile de monter un tel film (il n’y a qu’à voir le nombre de logos de studio de production au début du film), mais voilà quelque chose qui promet. Si le réalisateur apporte autre chose que le thème de départ, un point de vue, une maestria, un souffle… Manque de chance, Lee Daniels est venu sans rien dans les poches. Mise en scène assez poussive et plate, personnages ennuyeux, petites et grande Histoire qui se croisent maladroitement. Dès le début, une partie des illusions s’envole. Le film est raconté en flashback, avec une voix off bien pesante et sentencieuse. On imagine déjà quelque chose de très académique et plat, et au final on aurait aimé avoir juste cela. Le film mêle la grande Histoire politique vue par le majordome à la Maison Blanche, la grande Histoire du peuple noir vue par le majordome jeune puis ses fils, et les petites histoires de cette famille.



Côté grande histoire, le film est assez peu pédagogique, ou même exhaustif. Mieux vaut donc déjà connaître un peu les événements pour bien suivre. L’aspect politique est plutôt survolé, sans nous apprendre grand-chose, même si le défilé de présidents reste impressionnant. L’Histoire vue côté peuple est également un peu accélérée, et je n’ai pas réussi à me départir d’une impression agaçante que les fils du héros ont réussi à se retrouver dans tous les coups importants de l’histoire de la lutte pour l’égalité pour les noirs. Chaque truc historique, devinez qui on retrouve dedans, le fils rebelle. On dirait un peu Blake et Mortimer où chaque fois qu’un complot se trame, on finit toujours par retrouver Olrik. Peut-être obligatoire pour que le film parle de tout ce dont il veut parler, mais un peu artificiel, surtout pour un film qui se veut sérieux (peut-être en fait tout cela est-il authentique, et donc crédible, mais ça n’enlève rien à cette impression). Et au milieu de cette Histoire des forts et des faibles, l’histoire d’une famille. Ça paraît une bonne idée d’humaniser cette chronique qui s’étend sur 80 ans. Sauf qu’on ne va pas avoir droit à une histoire de famille, mais à du mélo gluant et envahissant, dans lequel le film s’enfonce comme dans des sables mouvants. Les personnages sont de plus assez ennuyeux et peu touchants (j’espérais beaucoup mieux du talent de Forest Whitaker), tous ces passages sont des pensums qui n’en finissent plus. Le film dure 2h10 mais en paraît facilement une demi-heure de plus.



À part l’idée de départ, qu’y a-t-il donc à sauver dans ce film ? Pas le personnage principal, qui n’offre face à ce qui se passe qu’une réaction très effacée et spectatrice pendant la plupart du film, perdant ainsi son rôle de contrepoint pour n’être qu’un simple témoin. Pas la mise en scène qui reste soit trop sage soit trop visible, selon le moment. Pas l’histoire qui passe trop de temps sur un mélo sans saveur au lieu de développer, intellectuellement ou émotionnellement (y avait le choix) la grande Histoire qu’elle déroule mollement. Par contre, on peut quand même sauver le défilé de présidents, campés avec panache et délectation par des acteurs confirmés. Et surtout on retient, et ça vaut presque la peine de voir le film juste pour cela, alors qu’il y en a au maximum 2 minutes, Jane Fonda en Nancy Reagan, et ô ravissement, Alan Rickman en Ronald Reagan, c’est énorme, et en plus il lui ressemble. Et plus généralement, on peut tout de même reconnaître au film la tâche de dépeindre la lutte des noirs pour l’égalité et d’en reprendre les principales étapes, ce qui peut occasionner quelques frissons et traces d’émotion, et peut-être même des applaudissements en fin de séance. Que ceux qui ont lutté pour l’égalité méritent. Mais que le film ne mérite pas.

À voir : pour la grande Histoire. Et Alan Rickman en Ronald Reagan
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) : -1, voix off, flashback, mélo, trop c’est trop

Sébastien Keromen