Dans la
série « film calibré pour les Oscars », voici le Majordome, bien
propre sur lui, sujet courageux, 80 ans d’histoire, 7 Présidents de la
République US, c’est du sérieux. Mais ces films sont souvent bien académiques.
Et celui-ci ?
Le
Majordome
Titre original : The Butler
USA, 2013
Réalisateur : Lee Daniels
Acteurs : Forest Whitaker, Oprah Winfrey, Terrence Howard, Cuba
Gooding Jr., Lenny Kravitz, Vanessa Redgrave, Robin Williams, Liev Schreiber,
James Marsden, John Cusack, Alan Rickman, Jane Fonda, Mariah Carey, Melissa Leo
Durée : 2h10
L’histoire
Cecil Gaines a 8 ans. Il
travaille avec son père dans un champ de coton. Mais sa ténacité va le conduire
beaucoup plus loin, à travers la lutte contre le racisme dont lui et sa famille
sont victimes. Jusqu’à être le témoin de ces grands bouleversements de société.
La critique
L’histoire du combat contre le racisme
aux États-Unis, de 1926 à nos jours, qui pourrait être contre ça ? C’est
déjà un excellent point de départ pour un film, propre à attirer les foules, à
leur donner le vertige de l’histoire, et à émouvoir. Je dis pas que c’était
facile de monter un tel film (il n’y a qu’à voir le nombre de logos de studio
de production au début du film), mais voilà quelque chose qui promet. Si le
réalisateur apporte autre chose que le thème de départ, un point de vue, une
maestria, un souffle… Manque de chance, Lee Daniels est venu sans rien dans les
poches. Mise en scène assez poussive et plate, personnages ennuyeux, petites et
grande Histoire qui se croisent maladroitement. Dès le début, une partie des
illusions s’envole. Le film est raconté en flashback, avec une voix off bien
pesante et sentencieuse. On imagine déjà quelque chose de très académique et
plat, et au final on aurait aimé avoir juste cela. Le film mêle la grande
Histoire politique vue par le majordome à la Maison Blanche, la grande Histoire
du peuple noir vue par le majordome jeune puis ses fils, et les petites
histoires de cette famille.
Côté grande histoire, le film est assez
peu pédagogique, ou même exhaustif. Mieux vaut donc déjà connaître un peu
les événements pour bien suivre. L’aspect politique est plutôt survolé, sans
nous apprendre grand-chose, même si le défilé de présidents reste
impressionnant. L’Histoire vue côté peuple est également un peu accélérée, et
je n’ai pas réussi à me départir d’une impression agaçante que les fils du
héros ont réussi à se retrouver dans tous les coups importants de l’histoire de
la lutte pour l’égalité pour les noirs. Chaque truc historique, devinez qui on
retrouve dedans, le fils rebelle. On dirait un peu Blake et Mortimer où chaque
fois qu’un complot se trame, on finit toujours par retrouver Olrik. Peut-être
obligatoire pour que le film parle de tout ce dont il veut parler, mais un peu
artificiel, surtout pour un film qui se veut sérieux (peut-être en fait tout
cela est-il authentique, et donc crédible, mais ça n’enlève rien à cette
impression). Et au milieu de cette Histoire des forts et des faibles, l’histoire
d’une famille. Ça paraît une bonne idée d’humaniser cette chronique qui s’étend
sur 80 ans. Sauf qu’on ne va pas avoir droit à une histoire de famille, mais à
du mélo gluant et envahissant, dans lequel le film s’enfonce comme dans des
sables mouvants. Les personnages sont de plus assez ennuyeux et peu touchants
(j’espérais beaucoup mieux du talent de Forest Whitaker), tous ces passages
sont des pensums qui n’en finissent plus. Le film dure 2h10 mais en paraît
facilement une demi-heure de plus.
À part l’idée de départ, qu’y a-t-il
donc à sauver dans ce film ? Pas le personnage principal, qui n’offre
face à ce qui se passe qu’une réaction très effacée et spectatrice pendant la
plupart du film, perdant ainsi son rôle de contrepoint pour n’être qu’un simple
témoin. Pas la mise en scène qui reste soit trop sage soit trop visible, selon
le moment. Pas l’histoire qui passe trop de temps sur un mélo sans saveur au
lieu de développer, intellectuellement ou émotionnellement (y avait le choix)
la grande Histoire qu’elle déroule mollement. Par contre, on peut quand même
sauver le défilé de présidents, campés avec panache et délectation par des acteurs
confirmés. Et surtout on retient, et ça vaut presque la peine de voir le film
juste pour cela, alors qu’il y en a au maximum 2 minutes, Jane Fonda en Nancy
Reagan, et ô ravissement, Alan Rickman en Ronald Reagan, c’est énorme, et en
plus il lui ressemble. Et plus généralement, on peut tout de même reconnaître
au film la tâche de dépeindre la lutte des noirs pour l’égalité et d’en
reprendre les principales étapes, ce qui peut occasionner quelques frissons et
traces d’émotion, et peut-être même des applaudissements en fin de séance. Que
ceux qui ont lutté pour l’égalité méritent. Mais que le film ne mérite pas.
À voir : pour la grande
Histoire. Et Alan Rickman en Ronald Reagan
Le score presque objectif : 6,5/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) :
-1, voix off, flashback, mélo, trop c’est trop
Sébastien Keromen