Suite au
succès critique de Incendies, le canadien Denis Villeneuve se frotte au cinéma
US avec un polar noir et désespéré. Et pendant qu’il y était, il a fait un film
désespérant. Mais ça c’était peut-être pas voulu…
Prisoners
Titre original : Prisoners
USA, 2013
Réalisateur : Denis Villeneuve
Acteurs : Hugh Jackman, Jake Gyllenhaal, Viola Davis, Maria Bello,
Terrence Howard, Melissa Leo, Paul Dano
Durée : 2h35
L’histoire
Deux fillettes disparaissent sans laisser de traces. L’enquête conduit la
police vers un simple d’esprit, mais qui est relâché, faute de preuves. C’est à
ce moment que le père d’une des fillettes disparues décide de mener son enquête,
quels que soient les moyens à employer
La critique
Ah, un bon polar noir et désespéré, ça
fait du bien de temps en temps. Du moins pour ceux qui aiment ça, ce qui
n’est pas vraiment mon cas. Mais bon, s’il est réussi, pourquoi pas. Et
d’ailleurs, l’ambiance de
Prisoners
est très réussie. La musique instille un climat, la pluie, la neige, de la
violence (même si pas assumée jusqu’au bout), quelques plans longs, le film a
vraiment la classe. Si vous recherchez une ambiance, vous allez être servis.
Mais si vous recherchez une histoire, ça
va être autre chose. Car dans ce film, ce n’est pas le kidnappeur qu’il
faudrait mettre en prison, c’est le scénariste. J’ai rarement un film policier
où l’enquête avance aussi peu, aussi lentement. La plupart des pistes
s’arrêtent tout de suite, et au bout d’une heure d’enquête on n’est pas plus
avancés. Je ne dis pas que les vraies enquêtes ne ressemblent pas à ça, mais
quand on nous fait venir pour un film, on peut resserrer un peu son déroulement
pour enlever les temps morts. Et même quand ça avance, c’est un peu n’importe
quoi, comme ce cadavre découvert en enquêtant chez quelqu’un sans rapport avec
l’affaire, et qui s’avère avoir un lien avec l’enlèvement. Ou alors parfois le
policier est nul, justement pour faire le lien entre un dessin et le pendentif
du cadavre. Alors que toute la salle avait déjà remarqué que c’était le même
motif, lui va devoir s’en apercevoir par hasard, en tombant sur une photo du
cadavre. Et encore, pas juste s’en apercevoir, la scène est une véritable
torture pour ceux qui s’énervent qu’il n’ait pas encore trouvé : les
photos sont sur la table, tout le monde voit le pendentif, sauf lui. Il
s’énerve sur l’enquête, envoie balader ce qu’il y a sur son bureau, dont
certaines photos. Maintenant il y en a par terre et sur le bureau, il va s’en
apercevoir, on se dit. Mais non. Il faut qu’il joue avec un petit camion et le
fasse tomber par terre, sur la photo du cadavre, pour qu’il s’aperçoive enfin
que le pendentif a le même motif que ce qu’il cherche. Sérieux, j’ai vraiment
dû me retenir de crier à l’écran « Le pendentif !!! ».
Et le reste de l’enquête va être aussi
laborieuse, des pistes évidentes vont être négligées (comme à la fin, quand
un personnage a disparu et qu’ils le recherchent, ils veulent pas essayer de
localiser son portable ?). La résolution va être également longue, étirée,
lente, un peu comme un épisode de Derrick si vous gardez le doigt sur le bouton
Pause. Le film paraît interminable, et d’ailleurs l’est presque avec 2h30 au
compteur. Et là vous vous dites que vous pourrez vous rattraper sur les
personnages. Sauf que pas tout à fait. Car si les acteurs font un job tout à
fait correct, le scénariste a oublié d’écrire des personnages complets et
crédibles. Faute de les avoir fait exister avant le kidnapping, et de nous
avoir fait nous attacher à eux, on se cogne assez largement de savoir s’ils
reverront leurs filles vivantes, et de ce qu’ils font. Surtout que, histoire de
kidnapping aidant, on va avoir droit à un grand défilé de pleurs et d’hystérie,
ce qui aurait pu être poignant si on s’était attaché aux personnages, mais n’est
là que fatiguant et pénible. Et on ajoutera le détective amorphe, agaçant à
cause d’un tic de clignement d’yeux sans aucun intérêt pour l’histoire ou son
personnage, rien à sauver je vous dis. Et encore moins le jeune déficient
mental joué en roue libre par Paul Dano.
Les indices sur le film m’amènent donc à
un verdict de film raté, à cause d’un scénario sans intérêt et dépeignant
une enquête poussive et pas inspirée, avec des personnages caricaturaux. Et l’ambiance
ne suffit pas à sauver le film. D’où un ennui qui s’installe vite et reste
longtemps, aussi longtemps que la durée du film. Et quelques rires sur des
trucs drôles dont on ne sait pas si c’était fait pour (comme la dernière scène,
la salle était morte de rire), encore un truc qui colle pas dans ce film.
À voir : si vous êtes fan de polar,
et encore
Le score presque objectif : 4/10
Mon conseil perso (de -3 à +3) :
-2, je sais que je n’aime pas trop les polars, mais un scénario décent semble
un minimum dans un film
Sébastien Keromen