La Marche

Verdict: Chef D’oeuvre

par: Emmanuel Galais



En 1983, dans une France en proie à l’intolérance et aux actes de violence raciale, trois jeunes adolescents et le curé des Minguettes lancent une grande Marche pacifique pour l’égalité et contre le racisme, de plus de 1000 km entre Marseille et Paris. Malgré les difficultés et les résistances rencontrées, leur mouvement va faire naître un véritable élan d’espoir à la manière de Gandhi et Martin Luther King. Ils uniront à leur arrivée plus de 100 000 personnes venues de tous horizons, et donneront à la France son nouveau visage.

Il y a 30 ans, un groupe de jeunes mené par Toumi Djaïdja et un prêtre Christian Delorme, décide de lutter contre le racisme qui pourrit la France à travers des crimes odieux commis sans aucun scrupule, entreprennent une marche contre le Racisme, qui les mènera de Marseille à Paris. Débutée dans l’indifférence générale cette marche réunira au final à Paris plus de 100 000 Personnes, bien décidées à faire tomber la haine et le rejet de l’autre dans notre pays qui brandit avec fierté « Sa Déclaration des Droits de l’Homme » !

Mais 3 décennies plus tard que reste-t-il de tout cela ? Un sentiment de gâchis, puisque personnes ne semble se souvenir de cette manifestation dont nous devrions avoir autant de fierté que notre fameuse déclaration, car des jeunes venues de cités Lyonnaises, sans étiquette politique et ne se revendiquant d’aucune religion se sont battus pour faire avancer les « aprioris » et les mentalités. Soucieux de ne jamais être récupéré par des partis de tout bord, ces jeunes ont dut affronter les horreurs de la haine dans les campagnes françaises : Menaces physiques, verbales, violences physiques odieuses, et j’en passe et des meilleurs, ils ont dut également affronter les doutes, les peurs qui ont pu scinder le groupe à de nombreux moments par la peur, la fatigue et la douleur, mais ils ont surtout eu le courage d’aller au bout de leur croisade et ont permis par exemple de modifier la durée de validité d’une carte de séjour.

Et le film Nabil Ben Yadir (Les Barons) montre avec beaucoup de finesse ce cheminement difficile, cette ambiance oppressante d’une France rurale qui refuse par bêtise ou par méchanceté, celui qui n’est pas de sa lignée. Un combat qui s’étendit à toute forme de rejet de l’autre. Insistant bien sur le fait que ces jeunes se refusaient à toute récupération suffisamment conscient du danger que la récupération pouvait représenter, on le vit d’ailleurs par la suite avec SOS Racisme, dont le nom ressemble étrangement à celui des jeunes des Minguettes (SOS Minguettes) mais dont le rattachement au parti Socialiste brouilla les cartes. Les marches des Minguettes refusèrent de participer au mouvement « SOS Racisme », et le réalisateur n’oublie pas de le souligner.

Mais la grande bonne idée de Nabil Ben Yadir, reste d'alterner l’humour et le drame pour mieux dépeindre, ces jeunes qui n’avaient que dix-huit ans de moyenne d’âge et l’envie de faire avancer leurs idées mais aussi l’insouciance qui leur permit cette croisade contre vents et marées. Soutenu par un montage dynamique mais pas hystérique, « La Marche » nous entraîne dans un road-movie intelligent où l’horreur croise la beauté et la subtilité. D’ailleurs le scénario n’hésite pas à piquer là où ça fait mal, comme lorsque les ambiguïtés des idéaux viennent s’entrechoquer au sein même du groupe, ou de leurs amis, comme lorsque lors d’une réunion, les participants victimes quotidiennement du racisme s’en prennent aux marcheurs.

Un brin militant, mais pour la juste cause, incroyablement d’actualité, le film de Nabil Ben Yadir nous plonge au cœur même du racisme à la française, et soutenu par une distribution particulièrement inspirée, il nous donne à réfléchir sur l’éternel recommencement de l’histoire, et si 30 ans après, les choses semblent avoir évoluées, la montée du Front National reste une alerte suffisamment importante pour que ce film nous fasse réfléchir, peut-être, pourquoi pas, à une nouvelle Marche ? Une chose est sûre, ce film magnifique de réflexion et de maîtrise, nous pousse à un seul regret : Alors qu’il parait évident que le pouvoir en place n’hésitera pas à fêter avec faste les 30 ans d’SOS Racisme dans deux ans, il ne fera qu’un simple clin d’œil, à ceux dont la motivation n’avait rien de politiquement ambitieuse et de partisane, si ce n'est celle d'un grand mouvement de paix inspiré de Gandhi, où les hommes de toutes les couleurs en totale harmonie, un brin utopique, mais tellement plus juste, que les fausses bonnes déclarations du moment. Que ce film et sa réussite, soit leur plus grand hommage !