La Belle et la Bête

Verdict: Très Bon

par: Emmanuel Galais

1810. Après le naufrage de ses navires, un marchand ruiné doit s’exiler à la campagne avec ses six enfants. Parmi eux se trouve Belle, la plus jeune de ses filles, joyeuse et pleine de grâce. Lors d’un éprouvant voyage, le Marchand découvre le domaine magique de la Bête qui le condamne à mort pour lui avoir volé une rose. Se sentant responsable du terrible sort qui s’abat sur sa famille, Belle décide de se sacrifier à la place de son père. Au château de la Bête, ce n’est pas la mort qui attend Belle, mais une vie étrange, où se mêlent les instants de féerie, d’allégresse et de mélancolie. Chaque soir, à l’heure du dîner, Belle et la Bête se retrouvent. Ils apprennent à se découvrir, à se dompter comme deux étrangers que tout oppose. Alors qu’elle doit repousser ses élans amoureux, Belle tente de percer les mystères de la Bête et de son domaine. Une fois la nuit tombée, des rêves lui révèlent par bribes le passé de la Bête. Une histoire tragique, qui lui apprend que cet être solitaire et féroce fut un jour un Prince majestueux. Armée de son courage, luttant contre tous les dangers, ouvrant son cœur, Belle va parvenir à libérer la Bête de sa malédiction. Et se faisant, découvrir le véritable amour.

Absent des écrans depuis près de huit ans, Christophe Gans revient donc avec l’adaptation tant attendue de « La Belle et la bête » de Madame de Villeneuve. Un conte plusieurs fois adapté, sur différents supports, mais dont le maitre étalon reste l’adaptation réalisée par Jean Cocteau en 1946, qui eut le privilège de ressortir sur les écrans en fin d’année dans une version restaurée de toute beauté. Et dans la beauté, justement, il en est question dans le film de Christophe Gans. Car le film a, certes, coûté, une somme faramineuse (on parle de 45 Millions d’Euros), mais cela se voit à l’écran. Les décors sont somptueux, le design de la bête est particulièrement bien pensé, on imagine aisément tout le faste de ce prince maudit, et l’intemporalité féérique de ce conte nous saute au visage comme un millier de paillettes au bal des débutantes. Le visuel est tellement soigné et les effets spéciaux si  remarquables que l’on peut même excuser la présence des petites créatures aussi inutiles que Jar Jar binkks dans « Star Wars Episode 1 ».

Christophe Gans s’est construit un style visuel très empreinté du cinéma asiatique et américain dans une certaine mesure, particulièrement dans le sens de la mise en scène, il l’avait déjà démontré, d’abord dans « Crying Freeman », mais également et surtout dans « Le Pacte des Loups », où le réalisateur avait l’audace de mélanger les genres dans une parfaite cohérence. Il suffit pour cela de se remémorer la scène d’ouverture, où Mark Dacascos et Samuel Le Bihan luttent contre des paysans quelques peu mal embouchés. Et bien dans « La Belle et la Bête », Gans en remet une couche avec des ralentis savamment dosés, des combats minutieusement chorégraphiés et encore une fois une esthétique qui fait penser à de l’animation japonaise, bien sûr, mais aussi à de grands films de genre, comme « Star Wars » ou encore « Legend » de Ridley Scott.

Pourtant de la même manière que dans « Le Pacte des Loups », le réalisateur chute là où il devait briller : Les choix scénaristiques. La mise en scène, l’esthétique, tout saute aux yeux, mais très rapidement, le spectateurs commence à sentir les premières faiblesses d’u  scénario qui ne veut pas aller trop loin, peut-être pour une question de timing, ou simplement de mauvais choix, mais le film se perd parfois dans une démonstration visuelle remarquable et laisse de côté le principal, notamment : La romance entre Belle et la bête. Peu crédible, réduite à un coup de cuillère à peau, en une réplique le tour est joué et le public abandonné sur le bas côté : Est-ce un charme ? Qu’est ce qui a pu séduire Belle à ce point ? 

L’adaptation de Christophe Gans s’est voulu plus proche du roman que la version de Disney, mais a voulu se démarquer de celle de Cocteau, pourtant, ce dernier avait compris que les sentiments de Belle pour la Bête étaient purs et qu’ils étaient le fruit d‘une longue séduction, d’un apprentissage laborieux. Christophe Gans, lui,  semble ne pas s'y intéresser, au point de la réduire à une simple réplique, qui laisse un arrière goût de bâclé.  Pourtant en réintégrant les frères et les sœurs de Belle, comme dans le roman, pour mieux resituer la situation difficile de Belle et l’envie que les richesses de la Bête suscite dans la famille, le scénario était bien parti, mais à trop vouloir traîner sur le passé de la bête, le scénario en a oublié le principal, le romantisme du conte et passe à côté de son aspect central.

Côté distribution, si Vincent Cassel fait des merveilles dans le rôle de la Bête, malgré un surjeu habituel chez le comédien, Léa Seydoux fait rapidement preuve de faiblesse et manque de peu sa composition. Pas assez fraîche, pas assez rebelle, trop effacé, et de la même manière qu’André Dussolier, beaucoup trop en retenue pour nous éblouir. La jeune comédienne, manque peut-être de maturité, ou a trop voulu en faire preuve, mais certaines scènes sont même à la limite de hors sujet, comme lorsque Belle est prisonnière des ronces alors qu’elle ne veut qu’une chose retrouver la Bête.

En conclusion, « La belle et la bête » est une adaptation plus proche du roman original que celle de Disney. L’esthétique y est rigoureuse, l’ensemble est visuellement magnifique, mais le réalisateur se prend les pieds dans le tapis en privilégiant l’esthétisme à la crédibilité du scénario. Vincent Cassel fait des merveilles en bête, mais Léa Seydoux ne parvient pas à convaincre en Belle.