Le Pont des Espions
Bridge Of Spies
Sortie:
02/12/2015
Pays:
USA
Genre:
Durée:
132 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Le Pont des Espions

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais

James Donovan, un avocat de Brooklyn se retrouve plongé au cœur de la guerre froide lorsque la CIA l’envoie accomplir une mission presque impossible : négocier la libération du pilote d’un avion espion américain U-2 qui a été capturé.

Lorsque l’on va voir un film réalisé par Steven Spielberg, qu’il s’agisse d’une superproduction à l’instar de « Jurassik Park » ou un film plus sérieux tels que « Munich » par exemple, c’est un humanisme toujours plus présent d’une œuvre à une autre qui se révèle en filigrane. Bien évidemment, « Le pont des Espions » se rapproche plus du dernier cité, par son sujet d’abord : les négociations entre deux nations qui se font le guerre, même si dans ce cas on parle de guerre froide et de combat des nerfs. Comme toujours, le réalisateur ne prend pas partie, il laisse d’abord les faits se poser d’eux-mêmes, il utilise son héros pour mettre en lumière l’absurdité des deux camps. Ce qui était déjà le cas dans « Munich » où Spielberg montrait la surenchère et l’absurdité de l’aveuglement de la vengeance à la manipulation politique pour mettre fin à un conflit larvant.

C’est un peu la même chose dans « Le pont des Espions », le maître y expose l’absurdité d’une situation dans laquelle aucun des deux camps ne veut perdre la face. Chacun tente de manipuler les uns et les autres pour tirer la couverture à soi. Et d'ailleurs dans le scénario signé des frères Cohen, tout est fait pour ne pas imposer un point de vu plus qu’un autre. Ecrit avec beaucoup d’intelligence et une véritable sensibilité, le scénario s’ingénue à dépeindre des personnages d’une rare justesse : Ni trop méchant, ni trop gentil, ni pas assez appuyé, encore moins caricatural. Et c’est là toute l’intelligence du film ! 

Comme toujours avec Spielberg, la mise en scène est minutieuse, précise et simple en même temps. Le réalisateur ne cherche pas le spectaculaire, il part d’un plan simple et le transcende d’une simple lumière, d’un simple mouvement de caméra. Utilisant toutes les symboliques nécessaires pour mettre en valeur les qualités humanistes de ses personnages, le réalisateur est en pleine forme et signe, une fois encore une œuvre soignée qui ne dégouline pas de bons sentiments. Car là où un Clint Eastwood (American Sniper) aurait tendance à y mettre des symboliques patriotiques parfois indigestes, Spielberg se limite à trouver la parfaite alchimie entre le patriotisme humanitaire et l’œuvre humaniste qui rassemble autour d’une seule idée : Chaque histoire peut valoriser les hommes quelque soient leurs origines et leurs idéologies, et permet ainsi d'éviter la lourdeur d'une sorte de propagande ultra-patriotique. Le monde est pluriel, la vie est un puzzle dont chaque pièce est unique et complète un dessin où l’homme renaît toujours de ses erreurs. Alors bien sûr, on pourra reprocher au film une musique de Thomas Newman (007 Spectre), parfois trop appuyée qui aurait même tendance à devenir hors sujet, particulièrement dans les scènes finales où les trompettes sont un peu trop présentes et rappellent les hymnes américaines.

Encore une fois, et ce sera la conclusion, Spielberg réalise un film solide, transpirant d’humanisme sur une histoire qui aurait pu très rapidement sombrer dans la caricature. Porté par un Tom Hanks (Seul au monde) comme toujours impeccable de sobriété et déterminé dans sa composition. Face à lui Mark Rylance (Deux sœurs pour un roi) brille par une prestation toute en retenue et en sobriété qui n’est pas sans rappeler des acteurs comme Ben Kingsley (La liste de Schindler), capables de laisser les silences parler à leur place. « Le pont des Espions » n’est peut-être pas le plus marquant des films de Steven Spielberg, mais il rentre dans une carrière cohérente avec toujours autant de précision et d’ingéniosité dans sa mise en scène.