1:54
Sortie:
15/03/2017
Pays:
Canada
Genre:
Durée:
106 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

1:54

Verdict: Chef D’oeuvre

par: Emmanuel Galais

À 16 ans, Tim est un jeune homme timide, brillant, et doté d’un talent sportif naturel. Mais la pression qu’il subit le poussera jusque dans ses derniers retranchements, là où les limites humaines atteignent le point de non-retour.

Le harcèlement à l'école est un sujet douloureusement et honteusement d'actualité. Très peu souvent traité avec finesse et subtilité au cinéma et dans les médias, le harcèlement est pourtant une réalité qu’un certain nombre de jeunes subit honteusement et douloureusement. Certains arrivent à s'en sortir d'autres pas ! Rares sont les films qui ont su traiter avec intelligence, avec justesse, et sensibilité ce sujet. On se souvient bien évidemment du clip « Collège Boy » de Xavier Dolan pour le groupe Indochine, qui avait tant fait couler d'encre par la violence qui ressortait de cette fiction de quelques minutes qui avait su montrer de manière purement frontale la douleur que subissent ses enfants qu’elle soit physique ou psychologique.

Le réalisateur Yann England (Témoin à risque), qui signe là son premier long métrage, en a fait le sujet principal de son film « 1 : 54 ». Et c'est avec beaucoup de finesse, d'intelligence et surtout un sens inné de la narration, que le réalisateur signe un scénario qui nous plonge dans l'enfer du harcèlement à travers le regard unique de son héros Tim. Jamais dans la caricature et toujours dans une justesse qui force le respect, le scénario s'est donné comme mission de pouvoir accrocher le spectateur au dos du héros. On tremble avec lui, on souffre avec lui, on se rebelle avec lui, on hurle en silence comme lui, et surtout on a mal comme lui ! Parce que le réalisateur ne fait pas que nous raconter une seule histoire il nous plonge dans notre propre réflexion, dans nos propres souvenirs ! Parce que finalement, à un moment donné nous avons tous été harcelé qu'elle qu’en soit la manière. 

Bien sur le scénario suit un jeune qui va se refermer complètement face à la persistance de ce qu’il subit depuis cinq années, cette peur d’être à nouveau moqué, de ne jamais être totalement intégré, mais il montre aussi cette sorte d’omerta qui règne dans les établissements scolaires, la crainte d'être « Celui qui dénonce », mais aussi l’impuissance et parfois l'aveuglement innocent des professeurs et surtout des parents. C'est une crainte perpétuelle pour ces derniers de voir leur enfant souffrir ! On a toujours peur que d'autres enfants s’en prennent à lui ou à elle, on tremble à la moindre alarme mais il est souvent trop tard, le mal est déjà fait. Cette boule au ventre avant d'aller à l'école, au collège ou au lycée a déjà fait son travail de gangrène. On imagine toujours nos enfants comme on voudrait qu'ils soient : Heureux, avec plein d'amis, et pourquoi pas les rois de l'établissement.

Seulement parfois la réalité est beaucoup plus sombre et l'enfant s’enfonce dans une souffrance qu’il ne parvient pas a exprimer. Ici le scénario a fait le choix de suivre un jeune qui doit non seulement affronter ses bourreaux, ces harceleurs, mais également assumer sa propre nature, aux yeux des autres, une double peine, qui l’empêche constamment de s'épanouir. Yan Engand a décidé pour cela de mettre son personnage au centre de chaque scène physiquement ou non pour que l’on puisse suivre son calvaire de son point de vue.

Pour incarner son héros, le réalisateur a choisi Antoine Olivier Pilon, que l'on a découvert magistral dans "Mommy" de Xavier Dolan, mais qui n'est pas si étranger ou sujet, puisqu'il était déjà  le héros du clip du groupe Indochine. Comme dans ses précédentes prestations, le jeune acteur mais toute sa passion, toute son énergie toute cette finesse de jeux pour incarner ce personnage écorché vif, souffrant mentalement de cet acharnement dont il ne comprend pas les raisons, et  heureux lorsque le destin parfois lui fait entrevoir un petit rayon de soleil. Un personnage enfermé dans ses doutes, dans ses craintes et dans sa honte injustifiée. L'acteur, surpasse tous nos espoirs. Il est attachant, émouvant, il nous fait tirer à maintes reprises les larmes des yeux tant sa composition est d'une justesse rare et d'une intensité qui force le respect.

On ne peut rester insensible à ce film, « 1:54 », qui nous plonge dans un sujet encore malheureusement maltraité au cinéma, qui semble être tabou dans les médias, alors que des centaines peut-être même des milliers d'enfants en souffrent tous les jours. Comme le dit si bien le réalisateur, dans son film, tout est inventé et tout est vrai ! Tout est inventé parce que le personnage de Tim n’existe pas réellement mais finalement il existe dans l'esprit de tous ces enfants qui subissent un harcèlement. Et le réalisateur a poussé la réalité de son propos en allant chercher sur Internet de véritables commentaires qu'il a intégré à son scénario et à son film. Si le scénario est original, malheureusement les situations sont inspirées de la réalité, de toutes les recherches que Yan England a pu faire pour créer son histoire afin d’ainsi alerter les spectateurs sur un drame quotidien qui ne se passe pas forcément uniquement chez les autres. 

J'ai entendu quelque part que ce soit dans la salle ou peut-être ailleurs que ce film devait être présenté dans les établissements scolaires, de la même manière que certains de ses prédécesseurs comme « La journée de la jupe » par exemple ou « Les héritiers », "1:54", est un film qui effectivement a sa place dans une salle de classe, et mérite assurément, que les élèves de chaque établissement scolaire que ce soient les petits, les collégiens ou les lycéens et peut-être même l'université, puissent débattre et réfléchir sur le sujet. Il y a une phrase terrible qui a chaque fois résume l'horreur du harcèlement, "Mais c'était juste pour rire", malheureusement parfois une blague fait tout aussi mal qu’un coup porté au ventre.