Pris dans la tourmente de la Première Guerre Mondiale, Schofield et Blake, deux jeunes soldats britanniques, se voient assigner une mission à proprement parler impossible. Porteurs d’un message qui pourrait empêcher une attaque dévastatrice et la mort de centaines de soldats, dont le frère de Blake, ils se lancent dans une véritable course contre la montre, derrière les lignes ennemies.
Après avoir réalisé deux James Bond, dont le magnifique « Skyfall », Sam Mendes, qui s'avoua, aisément, épuisé par cette expérience, s'est lancé dans une expérience inspirée justement par « Spectre ». Ce dernier qui s'ouvrait sur un magnifique et très complexe plan séquence, donna l'idée au réalisateur d’utiliser cette technique mais en la poussant un peu plus loin, notamment sur une durée de deux heures. Mendes s'est alors lancé dans l'écriture d'un script, inspiré des histoires que lui racontait son grand-père, vétéran de la première guerre mondiale (Le film lui est, d’ailleurs, dédié). Une fois la première ébauche achevée, Sam Mendes contacta Roger Deakins, le directeur de la photo avec lequel il collabora sur « Skyfall », mais qui travailla également avec les frères Cohen sur « Avé César » par exemple. Une fois l’accord de Deakins, le duo se lança dans une gageure technique qui devait repousser le plus loin possible, la perception que pouvait avoir les équipes techniques et les acteurs d’un tel tournage.
Et le résultat est tout simplement « Bluffant », à la fois de créativité, de perfection et d’intelligence. En un plan séquence de deux heures, le réalisateur capte le spectateur, dans une histoire dans laquelle il va se lancer dans une reconstitution de cette guerre, rouge de fureur et de sang. Loin de se perdre dans sa technique au dépend de l'esthétisme, ou de se laisser entraîner à privilégier l’une sur l’autre, Sam Mendes réussit le tour de force de nous entraîner dans une histoire parfaitement écrite, dans laquelle chaque détail est parfaitement millimétré, où chaque élément d’un plan intervient à la virgule près et se retrouve être une particule d’un ensemble qui plonge le spectateur, dans l’enfer de ces tranchées, mais surtout dans l’enfermement psychologique dans lequel sont plongés les deux héros. Pas le temps de se lamenter, de « ressasser », il faut avancer, aller au bout de la mission et laisser ses bribes d’humanité qui s’accrochent à nous sur le côté ou dans le fossé.
Si le scénario signé Sam Mendes lui-même et Krysty Wilson Cairns, une jeune scénariste qui participa à la série « Penny Dreadful », ne laisse rien au hasard et ne cherche pas à se rendre sur le terrain de la biographie, il a le mérite de s’intéresser à ces jeunes soldats, déraciné, qui doivent survivre dans un milieu hostile, en danger permanent et apprendre à se soutenir, à ne jamais se lâcher pour mieux survivre. La mise en scène de Sam Mendes est une prouesse technique qui repousse les limites du cinéma et plonge le spectateur dans une peinture à la fois sensitive et tellement technique. Le réalisateur nous offre une immersion forte et poignante qui ne peut nous laisser indifférent.
Et puis, bien sûr, il y a les deux acteurs principaux : George Mackay, que l’on avait découvert dans « Pride » de Matthew Warchus (2014), et qui depuis a su se rendre incontournable que ce soit dans « Le secret des Marrowbone » de Sergio G. Sanchez (2017) ou dans « Captain Fantastic » de Matt Ross (2016), et Dean Charles Chapman, inoubliable Tommen de la série « Game Of Thrones », mais qui, depuis, s’inscrit dans une carrière jalonnée d’œuvres remarquables comme « Blinded by the light » de Gurinder Chadha (2019) ou « Le Roi » de David Michod (2019) sur Netflix. Les deux comédiens forment un duo évident et livrent chacun des prestations tout aussi précises qu’émouvantes. Dans un tournage dont la prouesse technique impose une concentration et une préparation à toute épreuve, les deux acteurs se donnent à corps et à cris, dans une aventure que l’on imagine éprouvante et tellement gratifiante. Le public en sort conquis et il est fort à penser que ces deux comédiens sauront s’imposer comme les nouvelles valeurs sûres du cinéma anglo-saxon. Il est tout de même dommage que l’académie des Oscars les ait oubliés.
En conclusion, fortement nominé aux Oscars, « 1917 » est le premier choc cinématographique de l’année. Il n’est pas exagéré de parler du premier chef-d’œuvre de 2020, tant le film brille par une mise en scène technique, à la précision d’orfèvre, et par un scénario finement ciselé qui nous montre l’horreur de cette guerre, à travers la mission et la psychologie de ses héros. Les deux acteurs sont remarquables. Et s’il nous fallait choisir, « 1917 » recevrait les oscars du meilleur film et du meilleur réalisateur, tant il supplante tous ses concurrents.