La Voie de la Justice
Just Mercy
Sortie:
25/01/2020
Pays:
USA
Genre:
Durée:
137 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

La Voie de la Justice

Verdict: Bon

par: Emmanuel Galais

     CRITIQUE CINE LA VOIE DE LA JUSTICE


Le combat historique du jeune avocat Bryan Stevenson.  Après ses études à l’université de Harvard, Bryan Stevenson aurait pu se lancer dans une carrière des plus lucratives. Il décide pourtant de se rendre en Alabama pour défendre ceux qui ont été condamnés à tort, avec le soutien d’une militante locale, Eva Ansley. Un de ses premiers cas - le plus incendiaire - est celui de Walter McMillian qui, en 1987, est condamné à mort pour le meurtre retentissant d’une jeune fille de 18 ans. Et ce en dépit d’un grand nombre de preuves attestant de son innocence et d’un unique témoignage à son encontre provenant d’un criminel aux motivations douteuses. Au fil des années, Bryan se retrouve empêtré dans un imbroglio de manœuvres juridiques et politiques. Il doit aussi faire face à un racisme manifeste et intransigeant alors qu’il se bat pour Walter et d’autres comme lui au sein d’un système hostile.

Il y a plusieurs pistes de lecture dans « La Voie de la Justice ». Tout d’abord un regard toujours acerbe sur le système judiciaire américain qui n’hésite pas à laisser des innocents croupir en prison, s’ils n’ont pas eu la chance d’avoir des ténors du Barreau pour les défendre. Un constat que fait le réalisateur Destin Daniel Cretton déjà à la direction du très bon « States of Grâces » (qui traitait des cellules d’accueil de jeunes en difficultés), et qui se retrouvera à la tête d’un Marvel très attendu : « Shang-Shi and the legend of the ten rings », à découvrir l’année prochaine.  Pour le moment le réalisateur livre un film honorable qui entraîne le spectateur, dans un système dont on savait, à travers les faits divers relayés dans les séries, au cinéma ou dans la presse, toute la complexité et toute l’inégalité, lorsque des coupables évidents sont acquittés et des innocents tout aussi évidents, se retrouvent dans le couloir de la mort.

Inspiré de l’autobiographie de Bryan Stevenson, le scénario signé de la main du réalisateur et de son co-scénariste Andrew Lanham (Le Château de Verre), se perd parfois dans différentes directions, pour finalement laisser le spectateur sur un mauvais chemin. Car, à vouloir trop appuyer sur un cas particulier pour illustrer leur propos, les deux scénaristes en oublient le sujet principal de leur film :  Le système judiciaire américain à travers la peine de mort. Tout au long du long métrage, dont la mise en scène, sans être révolutionnaire, s’avère efficace en privilégiant les plans serrés des personnages lorsqu’ils sont en attente d’une décision pour mieux laisser les regards parler, le scénario va suivre le parcours semé d’embuches de Stevenson pour faire libérer Walter McMillian, dont le dossier montre, dés le départ, à quel point il n’y a aucune preuve concrète le raccrochant au meurtre d'une jeune femme de 18 ans. Voir même, tout porte à croire qu’il est innocent. Pourtant l’homme est dans le couloir de la mort depuis plusieurs années. Et le spectateur de trépigner sur sa chaise pour que l’avocat réussisse la mission qu’il s’est fixé, en se lamentant de cette injustice, dont l’homme est victime. 

Et puis, le scénario de dénoncer ce racisme latent qui gangrène honteusement certains états du sud comme l’Alabama. Il est bon de rappeler que l’action du film se passe en 1992, ce qui n’est pas très éloigné de nous. Une nouvelle fois le spectateur s’offusque de voir ce sheriff se pavaner dans son bureau ou devant les caméras, ou ses adjoints arrêter arbitrairement des citoyens noirs, juste pour les intimider. Du coup, nous pensons suivre une nouvelle œuvre, certes classique, mais toujours intéressante, sur les réminiscences de la ségrégation aux Etats-Unis. Et de ce point de vue là, le film est réussi et opère parfaitement son office. Car, même s’il ne peut éviter les poussifs du genre, le réalisateur sait appuyer là où cela fait mal et force le spectateur qu’il soit américain ou Européens à regarder dans les yeux cette société, qui n’a toujours pas tourné le dos au racisme, mais sait pourtant mettre en lumière ses propres déviances (ce que les Européens ne savent pas encore faire !!!)

Et puis à la fin du film, le réalisateur nous explique, en fait, qu’il parlait de la peine de mort et de son utilisation abusive. Le spectateur se dit alors qu’il n’a pas été dans la bonne direction, la faute à un scénario et à une mise en scène qui n’ont pas su élargir leur discours et se sont laissé prendre au piège de l’émotion que provoquait le cas de Walter McMillian. Une émotion qui a fait oublier au réalisateur les autres cas dont l’avocat s’est occupé avec l’aide des membres de son association, et qui, eux aussi, mettaient en lumière, les failles de ce système judiciaire obscurantiste, qui laisse le racisme et les ressentiments prendre le dessus. Un système où les pauvres ont peut de chance, à plus forte raison s’ils sont noirs, de prouver leur innocence.

Ajoutez à cela un Michael B. Jordan (Creed) qui manque de charisme et de nuance dans son jeu, au point de sembler vouloir être une copie de Denzel Washington et de se laisser aller au service minimum. Et face à lui Jamie Foxx (Ray) impose un jeu très rugueux, tout en présence et en retenue qui vient capter l’écran pour mieux appuyer la résignation et la force dont fit preuve son personnage, et vous comprendrez que le film puisse être frustrant.

En conclusion, « La Voie de la justice » est un film qui s’était donné pour mission de dénoncer le système judiciaire américain, à travers le parcours remarquable de Bryan Stevenson, qui se donna comme mission de sortir du couloir de la mort, des détenus innocents, qui n’avaient pas les moyens de se payer un avocat, digne de ce nom, pour les représenter et qui présentaient le double handicap d’être noir dans des états où le racisme est toujours aussi affreusement présent. Mais voilà, le réalisateur et son scénariste se focalisent sur un cas particulier et en oublient tous les autres. Du coup, ils entraînent le spectateur dans bien des directions mais pas celle qu’ils voulaient au départ. Ils vont même jusqu’à oublier de rendre justice à la victime, dont Walter McMillian est accusé du meurtre. Il faudra attendre assez loin dans le générique de fin pour qu’une phrase assez légère donne une réponse au crime.