Un Monde Ailleurs
Sortie:
07/10/2020
Pays:
France
Genre:
Durée:
Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Un Monde Ailleurs

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Amérique du Sud. Dans une forêt tropicale totalement isolée. Un groupe de cinq garçons entreprend une longue marche à la rencontre d’un mystérieux guérisseur. Suite à une blessure, ils se retrouvent bloqués sur le bord d’une rivière à fort courant. De l’autre côté de la rivière, ils aperçoivent un campement assez étrange qui semble occupé par trois filles. Il est absolument impossible de traverser et de communiquer...


Etienne Faure est un réalisateur atypique. Dès son premier film, « In Extremis » en 1999, il explorait la complexité des sentiments dans des intrigues où la souffrance psychologique, la recherche de son être profond est souvent perturbée par des éléments extérieurs qui finissent par les révéler. Avec « Un monde Ailleurs », le réalisateur continue cette exploration avec un style qui lui est propre. Toujours en recherche d’une narration qui suscite l’interrogation, la réflexion du spectateur, Faure se lance dans un voyage initiatique, où ses personnages vont devoir découvrir avec plus ou moins de violences les motivations réelles de leur voyage. Point de départ d’une intrigue qui va se révéler plus complexe qu’elle n’y parait, le voyage de ces jeunes garçons à la recherche d’un guérisseur pour leur ami atteint d’un mal, va être bouleversé par la présence, de l’autre côté d’une rivière infranchissable, d’un campement de filles.


Le scénario va alors se lancer dans la décomposition des sentiments, des obsessions et des valeurs de chacun des personnages. Qu’ils soient primaires ou spirituels, les sentiments des garçons évolueront à mesure que ce campement féminin va susciter l’intrigue, l’affabulation ou le fantasme. Au milieu de tout cela, les personnalités se révèlent plus complexes, moins lisses et surtout moins louables qu’elles y paraissaient. Sans parler bien sûr d’une certaine ambiguïté qui naît de cette épreuve. Avec une mise en scène qui enchaîne des plans simples, presque académiques, le réalisateur s’amuse à en utiliser d’autres plus soignés, plus complexes pour mettre en tension, chaque retournement de situations de son histoire. Le campement des filles est toujours trop éloigné pour être parfaitement visible, d’autres servent à faire monter la pression, comme la présence de crocodiles, ou encore à illustrer le besoin de garder des images avant de sombrer dans l’obscurité. 


L’action qui semble se situer en Guyane (rien n’est jamais totalement dit, pour mieux garder une ambiance en suspension !), le film fait penser à « Délivrance » de John Boorman (1972) dans lequel des amis s’isolent du monde et se retrouvent plongés dans une aventure qui les dépassent. La ressemblance s’arrête là, puisque le film d’Etienne Faure va clairement tenir les personnages, étrangers aux groupes de garçons, à distance, pour mieux laisser le spectateur glisser dans ses propres suggestions, jusqu’au twist final. Subtilement écrit et parfaitement maîtrisé, « Un Monde Ailleurs » c’est surtout l’occasion de découvrir la jeune génération du cinéma français. 


Et c’est peut-être là la nuance du film. Car si Paul Bartel (Les Petits princes) et Emile Berling (Les Hauts Murs), ne sont plus des novices et ont déjà commencé à se faire une sérieuse réputation, ils livrent ici des prestations tout en retenue pour le premier et en colère pour le second. Les deux comédiens maîtrisent de mieux en mieux leur art et cela commence à se voir. Face à eux Pierre Prieur, déjà présent dans le film précédent d’Etienne Faure (Bizarre), s’impose comme une valeur à suivre, car même si son jeu manque parfois de précision il parvient tout de même à capter toutes les subtilités de son personnage et à les retranscrire. Seule réserve, le jeune Alain-Fabien Delon (Une Jeunesse dorée) qui semble encore se chercher et manque de subtilité et offre une prestation qui ressemble beaucoup trop à ce que faisait son illustre père au début de sa carrière. Espérons qu’il parvienne à s’émanciper de ce lourd héritage et trouve ainsi son propre style et sa propre signature.