A ma Place
Sortie:
09/09/2020
Pays:
France
Genre:
Durée:
64 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

A ma Place

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Savannah cherche sa place. Actrice d’une révolution qui n’a pas eu lieu, elle est une fille de la classe ouvrière et réinvente la politique. De Nuit Debout à l’Ecole Normale Supérieure, Savannah doute, rêve, lutte et apprend. Elle se cherche un avenir.


L’engagement politique découle souvent, pour ne pas dire toujours, d’une volonté de changer le monde. Le pouvoir finit, la plupart du temps par en pervertir les principales lignes de conduite. Ces dernières années, alors que la politique est en pleine crise existentielle, en France, évidemment, mais dans le monde également, ceux qui mènent un combat sans limiter leurs efforts, sont devenus les nouveaux héros extraterrestres de notre quotidien. Que l’on adhère ou pas à leurs combats ou à la manière dont ils le mènent, force est de constater qu’ils soulèvent le questionnement, et le respect, parfois égal à l’agacement par leur omniprésence dans les médias. Mais qui sont-ils ces personnages qui n’hésitent pas à prendre le porte-voix, à battre le pavé, sous le froid, sous la pluie ou sous le soleil ? Qu’est ce qui les mène ?


Alors qu’elle venait d’intégrer l’Atelier Documentaire de la Femis et qu’elle avait déjà filmé le mouvement des Indignés en 2011, la réalisatrice Jeanne Dressen, est allé Place de la République en Avril 2016, intriguée par le mouvement « Nuit Debout ». Un mouvement spontané, qui était né de la lutte contre la loi travail. Sans idée préconçue, emportant une caméra avec elle, à la suggestion de son compagnon, la réalisatrice découvre une jeune femme au micro qui se met à lire, en tremblant, un discours qu’elle vient d’écrire sur son petit cahier de classe. La réalisatrice, décide alors d’essayer de comprendre son parcours, de la suivre pour voir vers où le militantisme de la jeune femme va l’emmener. Son nouveau film vient de naître. Pendant plusieurs mois, elle va intégrer, explorer, mais jamais envahir la vie de la jeune femme.


Avec une douceur et une sobriété remarquable, la réalisatrice va aller le plus loin possible dans l’idéologie de la jeune étudiante. Elle va filmer son énergie, mettre des mots sur ses doutes et faire une peinture sobre et pourtant puissante de ce qu’est l’engagement politique ou revendicatif. Cette jeune femme comme de nombreuses autres, lutte pour son avenir, pour tenter de préserver ce qui reste à sauver des acquis sociaux afin que tout ceux, comme elle, qui rentrent dans la vie, puissent avoir encore l’impression que le pays se soucie de leur avenir.


Sans aucun commentaire, sans voix off, Jeanne Dressen va brosser le portrait d’une jeunesse qui se bat, qui milite et qui tente également de comprendre comment on a pu en arriver là. Il y a la politique, mais il y a aussi le choc de cette dureté policière qui s’abat sur elle, sur les manifestants. Elle ne blâme jamais ces hommes qui obéissent aux ordres, elle s’interroge sur ceux qui ont donné l’ordre. Elle refuse toute violence d’où qu’elle vienne, et rappelle que le combat ne s’associe jamais à la violence s’il veut être entendu. Avec son film documentaire et grâce à la fraîcheur et à l’intelligence de son héroïne, la réalisatrice nous montre, consciemment ou non, que ces irréductibles qui battent le pavé pour faire entendre la voix du peuple, ne sont pas que des gens manipulés par des politiques, mais des citoyens qui se battent avant tout pour leur avenir et celui des français. Et que leur combat ne se fait pas sans sacrifice et sans douleur, bien au contraire.


« A ma place », est un documentaire fort, qui a le mérite de poser les bonnes questions , mais qui a aussi le mérite de mettre en lumière le courage et l’abnégation de ces militants, jeunes et dynamiques qui refusent la politique destructrice des bureaucrates et qui aimeraient bien être entendus plutôt que jugés injustement par une population passive face à des décisions qui noircissent les couleurs d’un avenir national.