Le Bon Grain et L'Ivraie
Sortie:
28/10/2020
Pays:
France
Genre:
Durée:
95 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Le Bon Grain et L'Ivraie

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



En petite bande joyeuse, ils dansent, rient, font des batailles de boules de neige, mais où dormiront-ils cette nuit ? Dans un hall de gare ? Dans un centre d’hébergement ? En France, aucun enfant ne devrait se poser ces questions.


Il y a des documentaires qui vous touchent au cœur, et vous met face à vos propres à priori. Des documentaires qui, sans le savoir, et peut-être même sans le vouloir, vous donnent une leçon. Une leçon de vie, une leçon de pensée, mais surtout une leçon d’humilité. C’est le cas de « Le Bon Grain et L’Ivraie » de Manuela Fresil. Une réalisatrice sensible qui s’était déjà intéressé à l’humain dans son très beau documentaire « Entrée du Personnel » en 2013, dans lequel la réalisatrice suivait des anonymes dans leur travail et dans les difficultés qu’ils pouvaient rencontrer et le danger de la maladie ou du licenciement. Un moyen aussi de parler de l’ascenseur social, qui, malheureusement, va dans les deux sens.


Avec « Le Bon Grain et l’Ivraie », la réalisatrice a décidé de parler des demandeurs d’asile, ceux que l’on parque (ou pas) dans des structures d’accueils, ceux qui attendent des mois une autorisation ou pas de rester sur le territoire. Vous savez ceux que l’on regarde du coin de l’œil avec compassion mais pour certains, avec jugement pour les autres, parce que, comme disait Fernand Raynaud dans l’un de ses sketches les plus remarquables : « Ils viennent manger le pain des français ! ». Des vies explosées par la violence d’un pays ou simplement par la violence d’une guerre, des gens apeurés sur leurs terres qui cherchent une vie meilleure dans un pays qui s’en fiche assez royalement d'eux et ne se donne même plus les moyens de les accueillir. Seulement souvent, ces « Gens », partent avec leurs enfants ! Et ces derniers comment font-ils face ? Comment acceptent-ils la situation de leurs parents ? Celle que notre pays qui se glorifie d’être une terre d’Asile, leur impose ?


La réalisatrice s’est posé cette question et a donc suivi plusieurs de ces gamins, dans leurs quotidiens, de structure d’accueils aux trottoirs de villes, à dormir dans des aires de jeux parce qu’il n’y a plus de place ailleurs pour les accueillir ou dans de dortoirs avec d'autres gens. A l’école, parce que oui, ils vont à l’école, et ils aiment ça, et leurs parents sont là pour qu’ills fassent leurs devoirs.  Et ce qui interpelle tout de suite, ce sont les sourires, les paroles sans filtres et tellement bienveillantes de ces jeunes êtres innocents qui subissent ce qu’aucun adulte n’aimerait subir. Le froid de la nuit, l’incertitude du sommeil, les repas sous les yeux inquisiteurs des passants dans un parc ou sur un banc. Ces attachements impossibles, puisque l’attache n’est pas permise par les institutions. Alors parfois il y a des larmes, jamais pour se plaindre de leurs conditions de vies, mais parce que l’on quitte des amis que l’on vient de se faire, pendant plusieurs semaines, et que l’on ne reverra certainement pas. Ou alors une fatigue ou une déception de ne pas aller dans une structure d’accueil déjà bondée.


Et parfois au détour d’un plan, ou d’un témoignage, on découvre, le passé, les raisons de la fuite du pays, et l’horreur prend tout son sens ! Au détour d’un plan on découvre des anges, comme cette vieille dame qui accueille des familles de demandeurs d’asile, quitte à dormir dans le couloir. Tout ces moments se mêlent aux témoignages des enfants, ces philosophes innocents qui livrent un regard sans jugement ni perversion de paroles d’adultes. Il y a leurs rires dont ils ne se déparent jamais, les danses, les chants pas toujours très justes mais tellement spontanés. Ces enfants sont une bulle d’espoir et ne se noircissent jamais de désespoir, malgré une enfance rude et difficile.


C’est ca « Le Bon Grain et l’Ivraie », un magnifique documentaire qui ne juge pas, mais se donne le droit de laisser parler les enfants et le fait pour mieux exposer au public la situation de ces familles, à travers les regards de leurs bambins. Et à ceux, nourris par la haine ou par la bêtise de salir ceux qui ne sont pas comme nous et ne peuvent plus vivre comme nous. Apprenez de ces enfants et écoutez leurs couleurs dans la noirceur qui les entourent.