Venant tout juste de terminer sa collaboration sur la Statue de la Liberté, Gustave Eiffel est au sommet de sa carrière. Le gouvernement français veut qu’il crée quelque chose de spectaculaire pour l’Exposition Universelle de 1889 à Paris, mais Eiffel ne s’intéresse qu’au projet de métropolitain. Tout bascule lorsqu'il recroise son amour de jeunesse. Leur relation interdite l’inspire à changer l’horizon de Paris pour toujours.
Il y a des projets, comme cela, qui semblent partis pour ne jamais voir le jour, mais qui, par la détermination de son auteur, le biais des rencontres et un peu de coups de destin, finissent par trouver la voie royale vers le public. Nous sommes en 1997, l’écrivaine Caroline Bongrand met le cap sur Los Angeles afin de tenter sa chance dans le cinéma. Son esprit fourmille d’idées, mais aucune ne semble trouver intérêt aux yeux des producteurs qu’elle rencontre. Pourtant, premier coup de pouce du destin, elle percute malencontreusement le grand patron d’une société de production. L’occasion est trop belle, elle commence à étaler ses projets, mais rien ne semble accrocher, et alors que le bonhomme est prêt à partir, elle lui lance comme un défi : « J’ai bien une idée en tête mais ce serait trop cher pour vous ! », le boss est piqué au vif, il écoute alors l’écrivaine lui parler de La Tour Eiffel, sa forme et l’amour en filigrane. Le contrat est signé, Caroline Bongrand se lance alors dans l’écriture, de ce qui va devenir le projet « Eiffel », 23 ans de sa vie.
Il commence par l’approche d’un réalisateur qui souhaite faire d’Eiffel son prochain film et fait entrer Paramount dans la danse. Tout semble aller pour le mieux, sauf que la femme du réalisateur n’est autre que l’ex du producteur. Le réalisateur quitte alors le navire, Caroline rentre en France. Après une nouvelle période de gestation, c’est
Gérard Depardieu qui relance la machine, il veut faire le film avec
Isabelle Adjani et Luc Besson aux commandes. Mais voilà le cinéaste n’est pas prêteur et trouve l’histoire tellement à son goût qu’il veut la signer de son nom et faire disparaitre celui de la romancière. Cette fois-ci c’est cette dernière qui refusera tout bonnement ! Car elle veut garder le contrôle de son bébé. Et c’est alors un autre producteur français qui s’intéresse au projet : Christian Fechner. Avec
Martin Brossollet (Section de recherches), Caroline Bongrand va adapter le scénario en français. Mais voilà, le producteur, malade, meurt en 2008, et signe un nouvel arrêt au projet. Nouveau coup du destin, Martin Brossolet oublie le scénario quelque part et ce dernier tombe dans les mains de
Christophe Barratier (Les Choristes), qui souhaite réaliser le film avec
Jacques Perrin à la production. Mais rien ne va se passer comme prévu et le projet n’ira pas plus loin que l’intention. C’est alors que Caroline Bongrand retrouve l’une de ses vieilles connaissances :
Manuel Munz (Chacun cherche son chat). Le producteur est séduit par le projet et se lance dans la course avec Olivier Dahan (La Môme), alors, qu’au même moment, Jerome Seydoux, le tout puissant patron de Pathé prend également contacte avec l’écrivaine. Mais le projet ne parviendra jamais, comme une malédiction à vraiment trouver les financements nécessaires, Olivier Dahan quittera le bateau qui prend l’eau. Ridley Scott s’intéressera également au projet, amis encore une fois la loi des séries ne semble pas prête de s’arrêter. Pourtant un soir, le Directeur de production de chez Pathé, F
rançois Hamel (L’Empereur de Paris) vient diner chez la productrice
Vanessa Van Zuylen et découvre que cette dernière est passionnée par la tour Eiffel. Il lui parle alors du scénario de Caroline Bongrand et à partir de ce moment-là, le projet va prendre enfin la voie qui le mènera en salle. La productrice rachète les droits à Manuel Munz, y compris, les dettes liées au projet. Après d’ultimes rebondissements,
Martin Bourboulon (Papa ou Maman) est impliqué dans le projet et ce dernier n’a qu’une obsession pour incarner l’ingénieur français :
Romain Duris.
L
e résultat est une fresque de près de deux heures dans laquelle Eiffel va se lancer par amour dans la construction d’une tour qui se révèlera être un hommage à celle qu’il a tant aimé. Le scénario prend le parti de ne pas se perdre dans trop de détails sur le contexte de l’époque ou les difficultés rencontrées par l'ingénieur, et de centrer son propos sur cet amour que l’ingénieur portait à Adrienne Bourgès, qu’il semblait prêt à épouser. Véritable hommage à l’homme et parallèlement à la tour, le scénario ne parvient tout de même pas à empêcher un sentiment de frustration de poindre son nez, notamment en ce qui concerne la tour, car si le réalisateur et la scénariste parviennent à vulgariser l’aspect technique qui en fit une prouesse pour l’époque, ils font un peu trop l’impasse sur l’hostilité régnante autour de cette tour surnommée la verrue de Paris. Tout au plus quelques répliques parsemées de ci de là viennent aborder le sujet, sans jamais le prendre de manière frontale.
Pour autant, est ce que cela en fait un mauvais film ? Absolument pas, car la romance est là et le réalisateur de signer une œuvre épique et renversante qui sait donner le vertige lorsque la construction à débuté, et sait nous envelopper d’un voile de sentiments dés lors que nous nous retrouvons au cœur de la romance entre les deux amants improbables. La scénariste a trouvé dans cette histoire, emblématique de notre pays, l’occasion de parler d’amour, sans pour autant sombrer dans le gluant et a su merveilleusement trouver l’alchimie pour associer les deux histoires et les entremêler pour qu’elle ne fasse qu’une. Librement inspirée, puisque pas tout à fait vérifiable, l’histoire trouve sa dynamique et entraine le spectateur dans une fresque romanesque comme rarement vue à l’écran. Si le sujet parle d'une époque dans lequel le cinéma a tendance à faire dans le classicisme, ici le scénario garde un ton moderne, presque anachronique avec son sujet qui est plutot assez bienvenu.
La mise en scène de Martin Bourboulon y est pour beaucoup d’ailleurs, tant le réalisateur parvient à insuffler un souffle épique à son film. Les plans sont vertigineux et pourtant savent être plus sobres et plus pudique lorsqu’il s’agit de l’étreinte amoureuse. Romain Duris (L’Arnacoeur) est comme à son habitude brillant dans le rôle du magicien du fer, comme était surnommé Eiffel. Charismatique, et profond, son personnage peut apparaitre à la fois drôle dans ses maladresses et tellement touchant dans ses fêlures. Le comédien trouve toujours la bonne tonalité et la bonne approche pour donner corps à son personnage. Face à lui la belle
Emma Mackey connue pour son rôle dans la série de Netflix : «
Sex Education ». A la fois forte et fragile, la comédienne se lance dans l’aventure avec une aisance remarquable qui la rend parfaitement cohérente avec son partenaire.