Frères d'Arme
Sortie:
07/07/2021
Pays:
France
Genre:
Durée:
81 Min
Réalisateur(s):
Acteurs:

Frères d'Arme

Verdict: Excellent

par: Emmanuel Galais



Emilijan et son jeune frère Stanko sont liés par un secret d’enfance qui les a contraints à quitter leur pays natal. Aujourd’hui, Emilijan s’est parfaitement intégré en France. Il travaille dans la zone portuaire de Brest et vit une histoire d’amour avec Gabrielle. Stanko, lui, vit dans la nostalgie du passé et attend impatiemment de rentrer au pays pour y retrouver leur vie d’avant. Tout bascule le jour où Emilijan lui annonce qu’il ne veut plus repartir…


Pour son deuxième long métrage le réalisateur Sylvain Labrosse (virage Nord), nous plonge dans une tragédie humaine où deux frères vont s'opposer sur fond de violence familiale et de code d'honneur. Avec une mise en scène âpre, renforcée par le décor des Docks de Brest, qui confèrent au film un aspect sombre et manichéen qui n'est pas sans rappeler les grandes heures du cinéma néoréaliste d'avant-guerre en Allemagne et en Russie, le réalisateur signe, ici, un film où les personnages et les décors semblent parfois ne faire qu'un. Un peu à la manière d'une tragédie Shakespearienne, le réalisateur va suivre, à travers le scénario qu’il a co-écrit avec Stéphane Schoukroun (Avant que de tout perdre), Agnes Caffin (Qui m'aime me suive), Romain Cole et Aurélien Deschamps (Quelle Folie), le destin tourmenté d'Emilijan, un jeune homme lié a son frère par un secret qui les a obligé à quitter leur pays. Soucieux de vouloir garder un certain réalisme dans sa narration, le réalisateur garde une trame noire dans son récit qui capte le spectateur pour ne jamais le laisser.


Inspiré par une véritable rencontre, « Frères d’Arme » c’est, avant tout le point de vue d’Emilian, personnage principal qui tente par tous les moyens de survivre à cette violence inscrite dans les gênes et qui l’a plongé dés lors qu’il a reçu, de son père, comme cadeau, ce révolver qui signera en partie son entrée dans le monde des adultes et sa sortie d’une structure solide qui l’obligera à quitter son pays et le liera par le sang à son frère. Avec un sens évident du rythme, notamment une noirceur collante dans l’évolution de ses personnages, Emilian et Stanko vivent chacun la situation différemment. Leur destin est lié, mais les deux frères semblent pourtant si loin l’un de l’autre. Et la jeune Gabrielle va venir briser un équilibre fragile dans lequel, seul le cadet y trouvait son compte. Emilian souhaite partir avec Gabrielle, mais son frère et le reste de la famille ne semblent pas l’entendre de la même oreille.


Sans chercher à compliquer sa mise en scène, Sylvain Labrousse va filmer en équipe réduite et avec l’aide des dockers du port de Brest, un environnement bouillonnant et pourtant froid, qui va donner corps à son propos, sans jamais appuyer plus que de raison, les actions du cercle familial. Pourtant il aurait pu céder à la tentation de faire de son film une nouvelle variation sur le thème de la mafia des Balkans, mais il préfère, au contraire, garder une distance avec les affaires de l’oncle, comme souhaite le faire Emilian et ainsi, garder son point de vue très en retrait, pour se laisser prendre au piège d’une famille qui souhaite par-dessus tout voir le jeune homme assumer son rôle de bras armé d’une famille qui rêve de vengeance.


Comme d’habitude Vincent Rottiers (Sauver ou Périr) compose un personnage tout en noirceur, peu expansif et enfermé dans sa prison fraternelle. L’acteur a su tout au long de sa carrière donner à ses personnages un charisme et une présence hors du commun qu’il porte une nouvelle fois au plus haut niveau. Jamais dans la surimpression, il utilise avec brio son regard et son corps pour exprimer toute la lassitude de son personnage. A l’inverse son demi-frère Kevin Azaïs (Le Sens de la fête), qui avait jusqu’ici joué des personnages plutôt lunaires, décalés, mais souvent empreints d’une certaine retenue, laisse ici exploser une colère que nous lui avions rarement vu interpréter. Avec justesse il parvient à incarner toutes les subtilités de ce personnage ancré par le sang à son frère ainé et qui ne parvient pas à accepter que celui-ci puisse prendre un autre chemin. 


Les deux acteurs sont au meilleur de leur art et participent à la réussite de ce film noir et parfaitement mis en scène par un réalisateur dont le regard entre fiction et réalité nous plonge dans une histoire ancrée dans la tradition et l’envie d’émancipation.